Pourquoi "Littérature de l'imaginaire" ?

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Lensman
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Message par Lensman » dim. déc. 04, 2011 1:27 pm

caliban a écrit :
Lensman a écrit : Je me répète depuis longtemps, mais je prétends que les revues de SF américaines
sont un phénomène unique qui n'a aucun équivalent nulle part.
Ca se discute. Dans l'un des premiers CyberDreams, Benford filait l'analogie entre
les pulps et les forums (Usenet, à l'époque), pour le moins "bouillonnants" aussi
et longtemps "à l'abri du monde "littéraire" traditionnel."
Heu... Je parlais de l'époque 1925-50...

Oncle Joe

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » dim. déc. 04, 2011 1:28 pm

Deux remarques :
- La période qui suit la première guerre mondiale a provoqué un effet psychologique peux favorable aux sciences mais curieusement on ne voit pas apparaître dans la même période une proto fantasy. On peut se demander aussi pourquoi.

- La France est un pays de culture catholique; Et aussi bien la Sf ( pensée scientifique) que la fantasy ( pensée magique) sont considérées par les milieux catholiques comme des littératures blasphématoires. Dans cet entre deux guerre les lobbys catholiques sont encore très actif et conseille les bonnes lectures à,leurs ouailles. De plus devant les moyens indigents des municipalités la plupart des bibliothèques sont des bibliothèques paroissiales.

- Comment expliquer qu'aux premiers temps de la SF français il y ait eu autant d'auteurs issus du sud ouest (Yves Dermèze, Jean de la Hire, Francis Carsac) ou s'y étant installé ( Renard ou Messac). Curieusement le protestantisme est assez présent dans ce quart là de la France. Un hasard ?
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Lensman
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Message par Lensman » dim. déc. 04, 2011 1:32 pm

caliban a écrit :
Inversement, une ou deux fortes personnalités auraient pu changer la donne en France.
A mon tour de dire que ce type de raisonnement n'a sans doute pas beaucoup de sens...
J'aime beaucoup l'uchronie, mais je n'y vois pas du tout un moyen de discuter sérieusement de ce type de problème. Il s'est passé ce qu'il s'est passé, et nous devons nous y tenir.
Si on fait de l'uchronie, alors, on écrit un roman. J'aime aussi, mais il ne faut pas confondre.

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bormandg
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Message par bormandg » dim. déc. 04, 2011 1:34 pm

caliban a écrit :
Lensman a écrit : On passe notre temps à nous demander pourquoi la France n'a pas donné une SF
comparable à celle qui s'est développé aux USA. Je crois qu'il vaut mieux se demander
pourquoi ce phénomène étonnant s'est développé aux USA.
Je ne suis pas sûr que la question ait beaucoup de sens. C'est affaire d'émergence,
forcément contingente, d'une poignée d'individus — Gernsback,Campbell, Lovecraft,
Heinlein — autant que d'existence d'un terreau favorable.

Au départ, la SF n'était qu'une variété de pulps parmi beaucoup d'autres — westerns,
histoires d'aviation, de trains, d'animaux, de guerre, de radio, que sais-je encore.
Les autres, y compris les plus techniques, n'ont pas connu la même explosion.

Inversement, une ou deux fortes personnalités auraient pu changer la donne en France.
Un Maurois, par exemple, a pratiquement toujours écrit de la SF, de ses tout premiers
contes, à la manière de Wells, au tournant du siècle, à ses derniers textes (Le Chapitre
suivant,
1967). Personnage central de la République des lettres, il autrait sans doute
eu les moyens d'importer en France, et sans doute d'amplifier le "phénomène" de
l'Âge d'or de la SF US, s'il n'était pas passé entièrement à côté (pourquoi ? comment ?
C'est une autre histoire, d'élitisme mal placé à mon sens).
Ne pas exagérer l'importance des personnalités. Gernsback, Campbell, Heinlein ont réussi parce que le public était là et prêt à réagir. Je ne doute pas qu'il y ait eu des personnalités comparables dans les autres formes de pulps, et cela n'a pas suffi.
Que Renard ou Aymé n'aient pas fait le même appel au public en France est un fait. Qu'il n'y ait eu personne pour le faire en est un autre, significatif. Il y avait des auteurs qui s'adressaient au public: Spitz, Moselli. Eux n'ont pas essayé de lancer' un mouvement. Le public aurait-il réagi? C'est encore une autre question.

caliban a écrit :et inversement, alors que la population augmentait un peu, lles ventes de SF se sont presque effondrées d'un ordre de grandeur sur les dernières décennies.
Cette remarque tient de la litote, parce qu'il y a eu encore plus grave qe l'effondrement des ventes, c'est la restriction sur le seul marché des fans. Aux USA, même si les ventes ont baissé, Analog, Asimov's magazine, sont vendus en kiosques et librairies. En France, politique du ghetto-forteresse, Bifrost, Galaxies, Lunatique ne sortent pas en kiosque et librairies....
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

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Erion
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Message par Erion » dim. déc. 04, 2011 1:40 pm

bormandg a écrit : En France, politique du ghetto-forteresse, Bifrost, Galaxies, Lunatique ne sortent pas en kiosque et librairies....
SF-Mag sort en kiosque.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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bormandg
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Message par bormandg » dim. déc. 04, 2011 1:45 pm

Erion a écrit :
bormandg a écrit : En France, politique du ghetto-forteresse, Bifrost, Galaxies, Lunatique ne sortent pas en kiosque et librairies....
SF-Mag sort en kiosque.
Et tous les fans le rejettent.... :twisted:
Dans le meilleur des cas, on le traite de revue cinéma, analogue à Première, Studio ou Mad movies. 8)
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

justi
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Message par justi » dim. déc. 04, 2011 1:49 pm

Erion a écrit :
bormandg a écrit : En France, politique du ghetto-forteresse, Bifrost, Galaxies, Lunatique ne sortent pas en kiosque et librairies....
SF-Mag sort en kiosque.
J'achète Bifrost à la FNAC .

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » dim. déc. 04, 2011 1:52 pm

caliban a écrit :Un Maurois, par exemple, a pratiquement toujours écrit de la SF, de ses tout premiers
contes, à la manière de Wells, au tournant du siècle, à ses derniers textes (Le Chapitre
suivant,
1967). Personnage central de la République des lettres, il autrait sans doute
eu les moyens d'importer en France, et sans doute d'amplifier le "phénomène" de
l'Âge d'or de la SF US, s'il n'était pas passé entièrement à côté (pourquoi ? comment ?
C'est une autre histoire, d'élitisme mal placé à mon sens).
Peut-être qu'il ne lisait pas l'anglais.

Ou qu'il n'aimait pas les couvertures bariolées.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » dim. déc. 04, 2011 2:16 pm

Lensman a écrit :Si on fait de l'uchronie, alors, on écrit un roman. J'aime aussi, mais il ne faut pas confondre.
Gernsback n'émigre pas aux USA, il s'installe en France et y lance la première revue de fictioscience, Récits étourdissants, en 1924. Le succès de celle-ci conduit à la création d'autres magazines, dont le mythique Histoires épatantes, publié par Ferenczi, qui continuera à paraître pendant l'Occupation, permettant à René Barjavel de faire ses débuts et publiant notamment un feuilleton intitulé « La victoire des nazis », pendant que Gernsback, réfugié à Londres, fonde Wonder Stories, une revue en langue anglaise. À la Libération, privée de son initiateur luxembourgeois et désormais assimilée à la collaboration, et donc déconsidérée, la FS pâtit également de la disparition d'un certain nombre d'auteurs qui étaient tout sauf des collaborateurs (Messac, Spitz, etc.). Il faudra dès lors attendre la traduction de « Solutions non satisfaisantes » de Robert Heinlein dans Science & Vie en 1955, prélude à la déferlante de la fiction spéculative née dans les années 1930 des USA, pour que le public change d'avis.
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caliban
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Message par caliban » dim. déc. 04, 2011 2:19 pm

Roland C. Wagner a écrit :
caliban a écrit :Maurois, par exemple (...) aurait sans doute
eu les moyens d'importer en France, et sans doute d'amplifier le "phénomène"
de l'Âge d'or de la SF US, s'il n'était pas passé entièrement à côté (pourquoi ?
comment ? C'est une autre histoire, d'élitisme mal placé à mon sens).
Peut-être qu'il ne lisait pas l'anglais.
Si, bien sûr. Il a enseigné à Princeton, passé des années aux Etats-Unis, où il est
considéré comme l'un des principaux promoteurs de la littérature française dans les
anénes 40-50. C'est aussi, encore aujourd'hui, l'un des rares auteurs de SF français
reconnus et disponibles. Inversement, il s'est donné beaucoup de mal pour rencontrer
les créateurs américains, dans beaucoup de domaines, scientifiques, artistiques et
littéraires et les présenter au public français, dans une bonne demi-douzaine de bouquins
à succès (y compris Les Deux Géants, USA-URSS, avec Aragon).
Roland C. Wagner a écrit :Ou qu'il n'aimait pas les couvertures bariolées.
Je soupçonne que tu es plus près du compte, et qu'il n'a même pas imaginé à l'époque
qu'il puisse se trouver des choses intéressantes dans les pulps, qui ne circulaient
probablement pas dans les milieux qu'il fréquentait.

Lensman a écrit :
caliban a écrit : Inversement, une ou deux fortes personnalités auraient pu changer la donne en France.
A mon tour de dire que ce type de raisonnement n'a sans doute pas beaucoup de sens...
J'aime beaucoup l'uchronie, mais je n'y vois pas du tout un moyen de discuter
sérieusement de ce type de problème.
Il me semble que si. Une expérience de pensée crédible est une réponse valide
à la question "est-il possible que... ?" (un exemple valide suffit à l'affirmer),
comme d'ailleurs à "est-il toujours vrai que..." (qu'un unique contre-exemple falsifie).
On peut bien sûr en contester les prémisses ou la cohérence interne, mais c'est
un autre argument.
Lensman a écrit : Il s'est passé ce qu'il s'est passé, et nous devons nous y tenir.
C'est encore autre chose. Nous serons certainement d'accord pour considérer
qu'aucune expérience de pensée, uchonique ou pas, ne suffira jamais ni à établir
la réalité d'un fait historique, ni à l'expliquer.

bormandg a écrit : Ne pas exagérer l'importance des personnalités. Gernsback, Campbell,
Heinlein ont réussi parce que le public était là et prêt à réagir. Je ne doute pas qu'il
y ait eu des personnalités comparables dans les autres formes de pulps, et cela n'a
pas suffi..
La présence de quelques fortes personnalités littéraires était nécessaire, mais pas
suffisante. Ca ne diminue en rien leur importance !

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » dim. déc. 04, 2011 5:16 pm

Il ne s'agit pas de faire de l'uchronie, mais de chercher à comprendre et donc des explications.
Passer sous silence les deux millions et plus de tués, blessés graves et handicapés à vie que la Grande Guerre a laissés en France principalement parmi les jeunes hommes entre 18 et 45 ans, sur une population d'environ 35 millions au mieux, me semble d'une légèreté incompréhensible.
Sans négliger la ruine des classes moyennes et classes moyennes supérieures liées à l'inflation. Ruine qui a détruit les capacités d'expression d'un groupe important de créateurs et consommateurs culturels. Rosny et Renard sont contraints à mendier de la pige.

Se fonder sur les populations actuelles de la France 66 millions, et des USA, plus de 300 millions, pour rendre compte de phénomènes qui se sont passés entre 1910 et 1980 par hypothèse est complètement stupide.

Georges, tu as vu récemment un kiosque à journaux aux USA? Tu te fondes sur des images des années 1930 qui n'ont plus aucun sens aujourd'hui. Les revues américaines de sf fondent plus ou moins lentement mais sûrement (voir les statistiques de Locus, très précises puisque la loi américaine oblige les périodiques à publier très exactement leurs chiffres de diffusion et leurs données comptables, ce qui n'existe hélas pas en France). Ces revues reposent sur leurs abonnements à peu près uniquement.

En France, le grand problème des revues et il remonte au moins à la fin des années 1940, c'est l'absence d'abonnés, sauf pour quelques revues intellectuelles et littéraires de haute volée. Aux USA, la presque totalité de la diffusion se fait par abonnements et cela depuis longtemps. En France, l'efficacité indéniable mais très coûteuse (environ deux fois celle des autres pays européens) de la distribution de la presse a empêché la pratique des abonnements de se répandre. Fiction, par exemple avait très peu d'abonnés: quelques centaines au sommet de sa gloire, parce qu'on a longtemps trouvé la revue en "kiosques" (les "" parce que le nombre de points de vente de la presse déborde de beaucoup les kiosques). Les abonnements ont toujours été l'obsession de Maurice Renault et de tous les directeurs de revues, magazines et quotidiens, petits et grands.

Or en dessous d'une vingtaine de milliers d'exemplaires, cette diffusion "kiosque" est impossible ou ruineuse. Comment veux-tu que Bifrost avec son tirage de moins de 3000 exemplaires ou Galaxies avec moins de 1000 soient diffusés via les grands réseaux presse qui comptent plusieurs dizaines de milliers de points de vente, en régression du reste? Ça n'a aucun sens. J'ai vu ça de très près du temps de Futurs qui a tout de même flirté avec les 20 000 mais pas sur la durée. SF mag, je ne sais pas, mais outre que c'est nul, je ne crois guère qu'ils équilibrent. Les ventes en librairie sont la moins mauvaise des solutions, mais sauf erreur de ma part, ça reste marginal.

Les problèmes culturels sont multifactoriels et les aspects économiques et sociologiques sont très importants. Donc limiter leur explication à des questions de goût et d'exclusion/inclusion de groupes sociaux très étroits est insuffisant voire ridicule.

Je plussoie Caliban. Entre autres indications, la personnalité forte, voire totalitaire, de Breton, outre son talent de communicateur a imposé le surréalisme. Il avait des idées, du talent, peut-être du génie, et surtout, il était au bon endroit: il côtoyait les super-riches de l'époque comme Cocteau et à peu près touts ceux qui ont fait carrière à l'époque.
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Sand
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Message par Sand » dim. déc. 04, 2011 6:08 pm

Gérard Klein a écrit :
Se fonder sur les populations actuelles de la France 66 millions, et des USA, plus de 300 millions, pour rendre compte de phénomènes qui se sont passés entre 1910 et 1980 par hypothèse est complètement stupide.
J'aurais cru qu'il était évident que la comparaison mettait en avant le différentiel de marché, que les chiffres soient précis ou non. Ce différentiel n'a pas dû varier beaucoup...

De même que je pensais tout aussi évident qu'il ne s'agissait que de citer un paramètre, concret, de plus.

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » dim. déc. 04, 2011 6:29 pm

Il vaut mieux être clair.

Mais même si l'on admet que le différentiel n'a pas beaucoup changé (probablement si, la population des USA a augmenté plus vite que celle de la France, mais je n'ai pas le temps de chercher), il ne faut pas se faire trop d'illusions sur le lectorat américain. Proportionnellement à la population, il est très inférieur au Français, et de manière plus générale à l'Européen. En dehors des best-sellers (et même là), les chiffres nets des éditeurs sont tout à fait comparables dans les deux pays et étaient même plus favorable aux auteurs français dans les mid-lists. Le livre s'effondre si vite en France en ce moment que je ne saurais dire ce qu'il en est actuellement. Mais il s'effondre aussi au USA.

En très gros, et sous réserve d'inventaire, il vaut mieux considérer la base américaine du lectorat de livres comme correspondant à une population globale de 150 millions d'habitants, voire moins.

Et ce disant, je ne suis pas du tout américanophobe, ce qui ne me ressemble pas, simplement observateur.
Mon immortalité est provisoire.

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Lensman
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Message par Lensman » dim. déc. 04, 2011 7:41 pm

Gérard Klein a écrit :Il ne s'agit pas de faire de l'uchronie, mais de chercher à comprendre et donc des explications.
Passer sous silence les deux millions et plus de tués, blessés graves et handicapés à vie que la Grande Guerre a laissés en France principalement parmi les jeunes hommes entre 18 et 45 ans, sur une population d'environ 35 millions au mieux, me semble d'une légèreté incompréhensible.
Sans négliger la ruine des classes moyennes et classes moyennes supérieures liées à l'inflation. Ruine qui a détruit les capacités d'expression d'un groupe important de créateurs et consommateurs culturels. Rosny et Renard sont contraints à mendier de la pige.

Se fonder sur les populations actuelles de la France 66 millions, et des USA, plus de 300 millions, pour rendre compte de phénomènes qui se sont passés entre 1910 et 1980 par hypothèse est complètement stupide.
.
C'est bien ce que je pense; C'est Caliban qui est parti sur des "si". C'est lui le coupable ! Je ne crois pas un instant à la valeur des expériences de pensée dans ces domaines, sauf pour écrire des romans.
Il n'y a pas à partir sur des "si". La France n'a pas été capable de produire de la SF du type de celle qui arrive chez elle en 1950, parce qu'elle ne pouvait pas le faire. Et ce, pour les raisons que tu avances, mais AUSSI pour des tas d'autres raisons, dont des raisons de structures éditoriales qui ne sont pas nécessairement liées aux massacres de la guerre de 14.
Je n'ai pas du tout l'impression que la France manquait d'auteurs (j'en ai une liste impressionnante, entre les deux guerres). En revanche, elle manquait peut-être de lecteurs (nombre insuffisant, c'est possible), et elle n'avait pas de revues spécialisées dans la période 1925-1950.
Je trouve un peu étonnant, de mon côté, que la présence de ces revues de 1925-50, qui crève les yeux (aïe!), ne soit pas comprise comme une des raisons principales de la réussite de la SF aux USA. Il est impossible de prouver que ces revues étaient indispensables, mais une chose est claire et nette: il n'y en avait pas en France. Pour moi, c'est la raison la plus évidente, à tout prendre. On ne peut pas le prouver rigoureusement, ( à part en visitant les mondes divergents de Caliban !!!), mais ça me semble autrement plus flagrant que les autres raisons avancées. Des auteurs, en France, il y en avait, malgré la saignée de la guerre.
La seule autre raison un peu sérieuse que je vois, en dehors de l'absence des revues du type US, c'est le public potentiellement moins nombreux. Mais attention, même cette raison est discutable: il y avait des tombereaux de publications populaires bon marché en France, dans cette période, très lues, qui peuvent être vues comme des sortes d'équivalent des pulps... sauf que ce ne sont PAS DU TOUT des équivalents des revues US de SF. Cela n'existe pas en France, malgré la masse colossale de littérature bon marché qui était publiée dans notre pays. Et je sais ce que je dis, j'en charrie des caisses régulièrement ! (Ah mais !)

Par ailleurs, j'aimerais bien que mes interlocuteurs jettent un oeil (s'il leur en reste un après le parcours des revues de SF US) sur les AUTRES pulps US, ceux qui ne sont pas SF (les pulps mariage, western, pompiers, etc). Ils verront vite à quel point les pulps, puis les revues de SF, se distinguent des autres, avec leur vie éditoriale, le développement de groupes de fans actifs (qui publient leurs fanzines), de clubs, de courriers des lecteur, de lignes éditoriales explicitées, que l'on ne trouve PAS dans les autres pulps. La où, dans les autres pulps, il n'y a qu'une marchandise donnée au lecteur pour consommation immédiate (j'écris ça sans mépris!), il y a dans les pulps, puis revues SF un véritable dialogue entre éditeurs (au sens US du terme) et lecteurs.
Tout cela a donné à la SF US, très rapidement, une cohérence, une efficacité, une vitalité sans comparaison ailleurs, et a permis de développer un langage où auteurs, lecteurs, éditeurs se retrouvent. Et forment une sorte de communauté, qui n'a rien d'un ghetto, car il y a, en même temps, une entreprise commerciale: les gens gagnent leur vie, il faut vendre...
Ceci est un complète évidence pour moi, et je suis étonné de devoir rappeler ici des truismes pareils.

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Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » dim. déc. 04, 2011 8:10 pm

Et ce, pour les raisons que tu avances, mais AUSSI pour des tas d'autres raisons, dont des raisons de structures éditoriales qui ne sont pas nécessairement liées aux massacres de la guerre de 14.
Et également pour une question de mentalité. Dans un pays, bien que laïc depuis 1905, l'église catholique est encore un groupe de pression très écouté. La pensée scientifique telle qu'elle s'exprime dans la SF est totalement incompatible avec l'esprit très dogmatique de la religion catholique de l'époque. Je ne doute pas que le merveilleux scientifique ait fait rêver dans certains cercles socialistes ou communistes, mais la grande majorité des français sont encore influencés par les choix culturels approuvés par l'église, ne serait que parce la majorité des bibliothèques sont paroissiales encore à cette époque. Les bibliothèque ne sont gérée par les collectivités que dans les grandes villes et villes moyennes. Bref celles qui ont une vraie vie économique.
Il faut aussi se poser la question de la ruralité massive du pays. L'industrie c'est majoritairement le quart nord est du pays. Les trois autres quarts sont dominés par une économie agricole voire paysanne qu'il est dure de faire changer. Et la SF est plutôt une littérature de citadins et d'urbains qu'une littérature rurale.
Donc le problème ce sont bel et bien les mentalités.
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