silramil a écrit :
J'aimerais revenir sur un exemple dont on se souvient mal, en général.
Quand Versins inclut l'épopée de Gilgamesh dans son encyclopédie, il précise bien qu'il n'est pas question de faire de Gilgamesh un récit de science-fiction, ou un récit conjectural, dans son ensemble. Il distingue quelques éléments (comme la plante apportant l'immortalité) comme relevant de la conjecture. Cela n'en fait pas un texte conjectural, juste un texte où apparaissent parfois des choses en rapport avec la conjecture.
Sans couper quoi que ce soit en quatre, il me semble qu'il est (au mieux) improductif de vouloir classifier un objet en fonction de deux ou trois catégories (réalisme/fantasy/science-fiction), comme s'il n'y avait que ça. Ces catégories, qui sont très pertinentes pour penser les objets qui nous intéressent sur ce forum, ne devraient pas être considérées comme des grilles de lecture universelles.
Les histoires de super-héros, les toons, tout cela fait partie d'une esthétique qui doit très peu aux catégories sus-citées.
Je suis tout à fit d'accord. La remarque sur Versins me semble un rappel bienvenu (sans doute aussi parce que je me voudrais dans la mouvance de Versins): la recherche d'éléments conjecturaux dans telle ou telle oeuvre me passionne, mais en trouver ne me suffit pas pour faire de l'oeuvre un récit conjectural en lui-même, et a fortiori ne me suffit pas pour en faire de la science-fiction. Versins ne confondait pas, et ce n'est pas parce que utopie, science-fiction, voyages extraordinaires... étaient qualifiés par lui de "conjecture romanesque rationnelle"(*), qu'il confondait tout. En revanche (comme moi-même, et beaucoup de participants à ce Forum, tel l'ami Jeandive, Dieu, etc...), il s'intéressait à la conjecture dans son ensemble. Cela a déjà été dit (sur ce fil notamment...), mais il est utile de le rappeler.
(*)Ce qui fait de Versins un coupeur de cheveux en quatre de plus...
Revenons au sondage sur
Batman...
Le résultat donne 4 OUI, et 3 NON (je vote NON, sans surprise), et un "ça dépend"... (je n'ai pas compris comment il fallait interpréter les réflexions sur
Mickey...)
Pourquoi ai-je choisi de poser la question sur
Batman ? D'abord, parce que ce n'est pas une production culturelle obscure (ses aventures sont lues ou regardées par des centaines de millions de gens...), tout le monde voit de quoi il s'agit, inutile d'être un spécialise (même ceux qui ignorent ce qu'est un Messerchmitt connaissent
Batman, cela donne une idée !). Ensuite, c'est une production culturelle que l'on ne peut pas confondre avec un "essai romancé", un produit de vulgarisation scientifique (sic), etc, rien à voir avec ce type de production qui complique ou embrouille (parfois) le débat mené ici sur la caractérisation de la science-fiction.
Enfin, il a des éléments conjecturaux indiscutables: les gadgets ahurissants utilisés par
Batman. Je ne parle même pas des différents méchants qui lui sont opposés, tendance savants fous (ou employeurs de savants fous..), les gadgets extrapolés (de l'anticipation dans le présent, dirait Dieu) suffisent amplement.
D'ailleurs, il y a 4 votes OUI.
Et pourtant, il y a 3 votes NON...
On me dira que ce sont des votes de coupeurs de cheveux en quatre, voire de capillotracteurs...
Pour moi, il y a là l'illustration d'un découpage fondamental (attention, je ne dis pas que c'est le seul, mais il me semble frappant, et il faut bien l'analyser si on veut que la discussion avance):
- Pour tout un groupe (n°1), en gros, la SF consiste en une collection de thématiques (et motifs). Est de la SF ce qui ressortit d'une ou plusieurs de ces thématiques (ici, l'extrapolation des gadgets)
- Pour les autres (n°2), l'appartenance à la collection de thématiques n'est pas suffisant (sans doute est-ce nécessaire, mais ce n'est pas l'aspect sur lequel j'insiste...) pour caractériser la SF.
Le groupe n°2 semble dans un position plus difficile que le n°1: ses membres sont moins nombreux, et surtout, ils peinent (et ne sont pas nécessairement unanimes... leur unanimité porte sur l'écartement de
Batman, c'est déjà ça, mais c'est un peu juste...) à formuler les critères de leur caractérisation: comment, il y a des beaux gadgets extrapolés, et pourtant, d'après vous,
Batman n'est pas de la SF? Le groupe n°1 ricane...
Cependant, le groupe n°1 est plus paradoxal qu'il n'y paraît. Georges, par exemple, a répondu OUI sans faire d'histoire, et en même temps, nous savons qu'il rejette Ruffin et d'Ormesson (en tout cas, pour ce que ces auteurs ont produit jusqu'à maintenant) de la SF. Pourtant, ils sont tout à fait dans les thématiques, pour les oeuvres incriminées.
Alors ? comment expliquer cette anomalie ?
Pour ma part, je l'explique en disant que la caractérisation de la SF par la collection de thématiques est une impasse. Certes, je ne résouts pas le problème, mais je pense que s'acharner dans la voie de la caractérisation par les thématiques ne permettra pas d'obtenir une caractérisation. L'argument: "mais si, c'est de la SF, ne serait-ce que parce que telle thématique ou motif est utilisé" ne fonctionne pas. Or, il est sans arrêt employé dans les discussions...
Tout le monde arrive sans trop de peine à repérer un élément conjectural. Mais ce n'est pas ça, le débat. Le débat, c'est la caractérisation de la science-fiction.
Oncle Joe