Patrice a écrit :Salut,
Les années 70 sont étonnantes, car elles sont marquées par une expansion éditoriale sans précédent: non seulement les collections se multiplient, mais aussi les livres se vendent (ce qui est tout à fait différent de maintenant, où les collections se multiplient aussi, mais sans que les livres se vendent). Mieux encore: une bonne part de ce qui se vend est français, et Simon le souligne bien: les auteurs français sont maintenant autonomes et n'ont plus besoin du modèle "anglo-saxon". Cela-dit, il aurait été intéressant de placer de-ci de-là quelques chiffres histoire de mieux asseoir cette réalité. Par exemple le fait que l'un des plus importants succès éditoriaux est la réédition en poche d'un français: Les Galaxiales de Michel Demuth, qui, si mes souvenirs sont bons, ont dépassé les 150000 (!) exemplaires.
Cela n'empêche pas les crises, et notamment chez un des meilleurs éditeurs d'alors: Opta, qui lance des collections pour mieux les fermer après quelques mois d'activités. La revue historique Fiction elle-même est menacée. Et sur ce point, j'aurais voulu quelques éléments supplémentaires, car Fiction sert quand même largement (du fait qu'elle est le seul support critique d'alors) de fil conducteur à cet historique. Je sais que Fiction au milieu des années 70 connaît une crise importante. Une crise éditoriale avant tout. On se souvient du mot de Dorémieux en 1974 sur les auteurs français et la culture des pommes de terre. En 1976, quand la revue est donc menacée de fermeture, elle s'est pourtant lancé dans la publication d'un truc hasardeux: une BD en forme de cadavre exquis, avec un dessinateur différent par numéro. Le résultat est pour le moins grotesque et s'attire visiblement les foudres d'une bonne part du lectorat.
Et puis il y a la science-fiction politique française sur laquelle Simon ne s'attarde pas plus que ça, et si au début je m'en suis étonné, je trouve que finalement il a raison. Ls tenants de cette SF ont sans doute été les plus bruyants. Articles, tribunes, essais, etc. Mais finalement le volume éditorial de cette branche de la SF est maigre, et, par exemple, la production de l'école "Kesselring" ne dure guère plus de trois ans.
Pour autant, son héritage dans les années 80 (des années donc juste esquissées ici) est important. "On y retrouve des dystopies et de l'ultra-violence", écrit Simon (p. 254). Curieusement, le mot "punk" n'est pas employé alors qu'il aurait eu tout à fait sa place.
Patrice
Les Galaxiales, 150 000?
J'ai plus qu'un sérieux doute. Même chez J'ai lu, à l'époque un Français faisait difficilement plus que 80 ou 100 000. Et les nouvelles, c'était moins. Je pense que 50 000 serait une bonne approximation et déjà, c'était considérable. Demander à Sadoul.
Les Années métalliques, dans A&D, en 1977, ont dû faire dans les 10/12 000 ce qui était déjà très bien.
Les crises de Fiction? D'abord, elles ont été dues à des problèmes internes, le départ de Maurice Renault, proprement éjecté par son successeur à l'agence de publicité qui lui avait promis pourtant de lui laisser l'édition. La mésentente entre Dorémieux et ce successeur propriétaire, Domange ou quelque chose comme ça puis la mort de ce Domange dans un accident d'avion léger avec le patron du CIC (qu'il m'arrivait de conseiller à l'époque). Et le déclin des ventes de Fiction, c'est certain. Mais avant le départ de Dorémieux, ces querelles intestines ont été déterminantes. Il y a eu aussi la chute du policier chez OPTA sans que la sf prenne la relève.
La sf politique et Kesselring? Aucun écho à l'époque. Rien. Ils ne vendaient pas 1000 exemplaires, parfois pas 300. Kesselring a arrêté après avoir vendu sa chemise. Bernard Blanc et alii ont été bruyants mais on serait bien en peine d'en trouver des traces aujourd'hui. Malheureusement, l'effet négatif a été durable en ce qui concerne la sf française. Ça peut sembler paradoxal, mais ça ne l'est pas. Quand les libraires se sont fait bourrer le mou, ont pris des tas à l'office et tout renvoyé, à leurs frais notamment financiers, ils ne veulent plus, pendant longtemps, entendre parler de quoi que que ce soit qui ressemble à leur désolation.
Mon immortalité est provisoire.