Une fois n'est pas coutume, je vais non-plussoyer sur ce qu'a dit Transhu.
Paske franchement Olivier... avoue: tu trouves ça supermauvais, Gibson, c'est tout.
Et puis ces conneries de Technique qui remplace l'homme, outre la résurgence modernisée (la technique tenant lieu du Mal) de l'hérésie manichéenne (ou de la gnose, comme on voudra) d'un affrontement Homme (Bien) / Technique (Mal) comme de deux puissances égales en force (comme si "La" Technique était réellement un agent de l'histoire, alors qu'elle n'est au plus qu'un concept opératoire...), tout ça, ça nous en touche une sans faire bouger l'autre, finalement.
Et puis, sur le soi-disant primat de la technique sur l'homme: c'est peut-être mon pc qui m'attire dès le réveil, mais c'est bien moi qui vais boire de la Chimay...
La "Technique", c'est encore une de ces hypostases (= élever au rang de réalité ayant valeur de principe, et capacité d'action réelle dans le monde, ce qui n'est jamais qu'une description d'un états de faits, c'est-à-dire
un simple mot) qui sont passées, à la faveur de vulgarisations de Heidegger, Anders, Arendt et tout le tremblement, dans le débat médiatique sans qu'on sache trop quoi en penser, sinon que c'est mal et anti-humaniste...
Transhumain a écrit :
Ainsi, ce qui rend parfois pénible - en ce qui me concerne du moins - la lecture de ces romans, est à trouver dans la succession elle-même de ces tableaux. Nous passons d'une scène d'action réelle à autre d'exploration du cyberespace, d'une scène de boîte de nuit bigarrée à une séquence insulaire de calme avant la tempête... Et le lecteur se retrouve dans la situation des personnages : perdu dans un dédale de fils narratifs (et électriques), d'impressions, d'univers, à la recherche d'humanité, de corporéité, d'une assise ontologique qui lui échappe. Les romans de Gibson, jusqu'à aujourd'hui, ont toujours reflété, par leur esthétique et leur construction mêmes, les univers qu'ils mettaient en scène. Est-ce forcément une preuve de réussite ? Difficile à dire. Gibson échoue, à mon sens, dans sa tentative de réanchanter ses mondes.
T'es en train de nous dire qu'il est nul, comme romancier, là, le type...
ceux-ci sont déjà morts, vitrifiés. Sans transcendance. Mais à bien y réfléchir, c'est ce qui fait à la fois le prix inestimable, et la limite (pour dire les choses autrements : c'est ce qui explique que pour moi Gibson est à la fois essentiel et chiantissime), de sa littérature en verre miroir : dépeignant des univers étouffants "couleur télé câlée sur un émetteur hors service", elle reste toujours derrière l'écran.
Il n'est pas impossible, d'ailleurs, que cette esthétique de la déréliction ontologique ait un rapport plus ou moins important avec le désintérêt des masses pour la SF au sens strict. Enfin, peut-être.
esthétique de la
déréliction ontologique...
Le problème que moi je pige pas, c'est que la critique de la technique, c'est un truc de mecs plutôt conservateurs dans l'âme (faut pas trop aller trop vite dans le changement, et puis faut pas trop aller dans le changement si possible), paranos (attention, la technique me bouffe, et je ne le sais pas), et pas franchement subversifs (de Heidegger, hein, bien connu dans la tendance progressiste comme chacun sait, en philo, à Dantec, qui mine de rien nous a pondu en 2005 et 2006 deux romans d'assez bonne facture cyberpunk.) Il est où, le côté punk, là-dedans? dans le côté révolté mais désespéré quand même?
C'est pour ça que je me contente de parler d'un néo-romantisme (comme "posture", voire "pose", plus que comme réelle "position" philosophique), et que je ne passe pas au plan de la spéculation philo comme tu le fais.
"Néo-romantisme": le romantisme était le courant de pensée où le sentiment humain individuel tend à prendre les dimensions de l'univers tout entier, à s'universaliser et à se dilater en expérience cosmique.
Ce néo-romantisme qu'est le cyberpunk nous conduit seulement à généraliser ce sentiment somme toute psychologique de crainte face à l'avènement d'un monde technologisé...
Ceci dit, et ça c'est une pique perso, je savais pas, à lire en rigueur ta formule, que le sentiment de déréliction était inscrit dans l'Être...