Ne connaissant pas davantage l'un que l'autre, ça me fait une belle jambe...Le_navire a écrit :Pas SF, mais pour ceux que ça intéresse, le dernier Milovanoff vient de sortir, et comme d'hab c'est un bijou. On a finalement pas tant de grands auteurs de "blanche" en France, alors ne ratez pas celui là. Comme d'hab donc, c'est court, magnifiquement écrit, incisif et ça prend aux tripes. A ceux qui ne le connaissent pas : Miliovanoff c'est de la veine de Nabokov, en moins dense...
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- Eons
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Le_navire a écrit :Va lire Ada ou l'ardeur, vilain !!
Un rai de lumière oblique entrait par la porte-fenêtre et projetait ses feux sur le verre à facettes empli d'eau teintée et sur l'émail de la boite de couleurs. Ada , cependant traçait d'un pinceau délicat un ocelle ou le lobe d'un labelle et dans l'extase de sa concentration la pointe de sa langue se retroussait sur la commissure de ses lèvres et, sous l'oeil du soleil, la fantasque aux cheveux bleus-bruns-noirs semblait à son tour, mimer l'ophrys miroir de Vénus. Or, sa robe légère et flottante était ouverte si bas sur le dos que chaque fois qu'elle cambrait la taille en remuant ses omoplates proéminentes (soit que, la tête inclinée sur le coté, le pinceau en équilibre, elle considérât son humide chef-d'oeuvre, soit qu'elle écartât d'un revers de poignet une mèche glissée sur sa tempe), Van, qui s'était approché de son tabouret aussi près que le permettait la prudence, pouvait apercevoir jusqu'au coccyx son ivoirine ensellure et respirer la chaleur entière de son corps.
Le coeur bondissant, la main lamentablement enfoncée dans la poche de son pantalon (toujours garnie par précaution dissimulatrice d'une bourse contenant une demi-douzaine de pièces de 10 dollars en or) il se penchait sur elle qui se penchait sur son ouvrage; il permettait à ses lèvres altérées de glisser impondérablement de la tiède chevelure à la nuque brûlante. C'était la sensation la plus douce, la plus puissante, la plus mystérieuse qu'il eut jamais éprouvée. Rien dans les sordides véneries de l'hiver passé n'eut pu lui faire pressentir cette tendresse duveteuse, cette navrance du désir. Il aurait voulu s'attarder indéfiniment sur la rondeur exquise de la protubérance osseuse qui saillait au dessous de la nuque, si elle eut gardé la tête penchée indéfiniment, et si le pauvre garçon eut été capable d'endurer encore l'extase de ce contact sur sa bouche, devenue cire immobile, sans se frotter contre elle, dans un fol abandon.

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- Charlotte
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Un rai de lumière oblique entrait par la porte-fenêtre et projetait ses feux sur le verre à facettes empli d'eau teintée et sur l'émail de la boite de couleurs. Ada , cependant traçait d'un pinceau délicat un ocelle ou le lobe d'un labelle et dans l'extase de sa concentration la pointe de sa langue se retroussait sur la commissure de ses lèvres et, sous l'oeil du soleil, la fantasque aux cheveux bleus-bruns-noirs semblait à son tour, mimer l'ophrys miroir de Vénus. Or, sa robe légère et flottante était ouverte si bas sur le dos que chaque fois qu'elle cambrait la taille en remuant ses omoplates proéminentes (soit que, la tête inclinée sur le coté, le pinceau en équilibre, elle considérât son humide chef-d'oeuvre, soit qu'elle écartât d'un revers de poignet une mèche glissée sur sa tempe), Van, qui s'était approché de son tabouret aussi près que le permettait la prudence, pouvait apercevoir jusqu'au coccyx son ivoirine ensellure et respirer la chaleur entière de son corps.
Le cœur bondissant, la main lamentablement enfoncée dans la poche de son pantalon (toujours garnie par précaution dissimulatrice d'une bourse contenant une demi-douzaine de pièces de 10 dollars en or) il se penchait sur elle qui se penchait sur son ouvrage; il permettait à ses lèvres altérées de glisser impondérablement de la tiède chevelure à la nuque brûlante. C'était la sensation la plus douce, la plus puissante, la plus mystérieuse qu'il eut jamais éprouvée. Rien dans les sordides véneries de l'hiver passé n'eut pu lui faire pressentir cette tendresse duveteuse, cette navrance du désir. Il aurait voulu s'attarder indéfiniment sur la rondeur exquise de la protubérance osseuse qui saillait au dessous de la nuque, si elle eut gardé la tête penchée indéfiniment, et si le pauvre garçon eut été capable d'endurer encore l'extase de ce contact sur sa bouche, devenue cire immobile, sans se frotter contre elle, dans un fol abandon.
Au contraire, c'est d'une sensualité et d'un érotisme aussi esthétiques que délicats.EONS a écrit :
Modifié en dernier par Charlotte le mar. févr. 05, 2008 11:59 am, modifié 1 fois.
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ensellure n. f. ANAT Concavité postérieure de la portion lombaire de la colonne vertébrale.Lensman a écrit :Eh puis, éventuellement, on peut apprendre un peu de vocabulaire ("ensellure").
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Le coeur bondissant, la main lamentablement enfoncée dans la poche de son pantalon (toujours garnie par précaution dissimulatrice d'une bourse contenant une demi-douzaine de pièces de 10 dollars en or) il se penchait sur elle qui se penchait sur son ouvrage; il permettait à ses lèvres altérées de glisser impondérablement de la tiède chevelure à la nuque brûlante. C'était la sensation la plus douce, la plus puissante, la plus mystérieuse qu'il eut jamais éprouvée. Rien dans les sordides véneries de l'hiver passé n'eut pu lui faire pressentir cette tendresse duveteuse, cette navrance du désir. Il aurait voulu s'attarder indéfiniment sur la rondeur exquise de la protubérance osseuse qui saillait au dessous de la nuque, si elle eut gardé la tête penchée indéfiniment, et si le pauvre garçon eut été capable d'endurer encore l'extase de ce contact sur sa bouche, devenue cire immobile, sans se frotter contre elle, dans un fol abandon.
Nabokov est grand, misérable éon. C'est bien de temps à autre de rappeler que le style, ça peut être aussi autre chose que des phrases nominales de trois mots.Eons a écrit :
Charlotte a écrit :Au contraire, c'est d'une sensualité et d'un érotisme aussi esthétiques que délicats.
Eons a écrit :ensellure n. f. ANAT Concavité postérieure de la portion lombaire de la colonne vertébrale.
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"
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Plus de 1,80m ?Transhumain a écrit :Nabokov est grand, misérable éon.
Sous réserve, évidemment, de ne pas enchaîner les propositions à la façon d'un certain Proust au risque qu'arrivé à la fin de la phrase, quelques pages plus loin, on en ait oublié le début et qu'on en soit réduit, soit à recommencer la lecture, soit à renoncer à se souvenir du morceau d'anthologie si injustement mal mémorisé pour être en mesure de poursuivre sa lecture sans plus attendre.Transhumain a écrit :C'est bien de temps à autre de rappeler que le style, ça peut être aussi autre chose que des phrases nominales de trois mots.
(j'ai charitablement fait court)
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Eh oui !Le_navire a écrit :Laisse tomber, Charlotte, avec Eons, y a comme une erreur de casting. La bise, Eons !

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Sincèrement, je trouve cela dommage de passer à côté de la beauté d'un texte parce que on ne s'y est pas attardé. D'autant plus que le passage est assez judicieusement choisi.Eons a écrit :Eh oui !Le_navire a écrit :Laisse tomber, Charlotte, avec Eons, y a comme une erreur de casting. La bise, Eons !
A la va vite et désolée ce n'est pas super ordonné, ce sont plus des idées jetées qu'une réelle réflexion :
Le texte est délicatement érotique tout en parlant d'art ou plutôt Nabokov donne sa vision de l'art.
C'ets une mise en abyme, un tableau dans le tableau. Le narrateur décrit un homme qui observe une femme qui elle-même peint avec tout le réseau lexical de la peinture, à commencer par la première phrase "le rai de lumière oblique" à la manière d'un Wermeer.
Puis, les "ocelle" et "labelle", s'ils sont doux à l'oreille sont des termes de botanique, comme plus loin les mots "coccyx" et "ensellure" sont des termes d'anatomie. On part d'une connaissance / maitrise technique pour arriver à la transcender et à en faire de l'art. Le narrateur les transfigure ici par la sensualité qu'ils dégagent.
Pour revenir à la fleur, il est dit plus loin qu'il s'agit d'une "ophrys miroir de Vénus", ce que suggérait déjà les couleurs des cheveux de la belle qui sont les couleurs de cette orchidée. L'orchidée est le symbole de la féminité, de la beauté absolue et lorsqu'elle est foncée de la passion, sans compter la référence à Vénus. L'érotisme se cache aussi là, dans le parallèle entre ce que Ada peint et ce que le narrateur y projette (c'est une Ophrys miroir)
Et je ne parle pas de tous le réseau du corps, la pointe de la langue qui se retrousse sur les lèvres, la robe légère qui laisse deviner les courbures du corps. Et que dire de cet "humide chef d'œuvre" . Le regard qui est omniprésent, c'est celui de Van, qui s'abandonne devant ce tableau exquis mais bien sûr celui du lecteur qui est placé lui aussi dans la position du voyeur. Tout est effet de miroir , à la " protubérance osseuse qui saillait au dessous de la nuque" de la jeune femme" répond sûrement celle de l'homme au fond de son pantalon. Mais que tout ça est joliment suggéré.
Finalement, si au début tout est anatomie, l'art (peinture mais aussi écriture) est bien de la transformer pour en donner une vision nouvelle, et ici érotisée.
Bon désolée, ce n'est pas franchement ordonné et j'ai dû oublier plein de trucs. Et puis, je ne voudrais pas non plus finir par emmerder tout le monde...
- Fred Combo
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C'est même plus que certain, à mon avis :Charlotte a écrit :Tout est effet de miroir , à la " protubérance osseuse qui saillait au dessous de la nuque" de la jeune femme" répond sûrement celle de l'homme au fond de son pantalon. Mais que tout ça est joliment suggéré.
"la main lamentablement enfoncée dans la poche de son pantalon (toujours garnie par précaution dissimulatrice d'une bourse contenant une demi-douzaine de pièces de 10 dollars en or)"...
C'est particulièrement évocateur, en effet... Mais je ne dirais pas que c'est très... subtil !
je dirait même que dans ce bel extrait, ça fait un peu "tâche"... Bon, d'accord, je sort...
Si tu ne fais pas une histoire de ta vie, un jour tu seras dans l'histoire de quelqu'un d'autre.
Sir Terry Pratchett
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