Personnellement, quand j'étais lecteur, j'ai eu l'occasion d'aborder ce sujet de la tranche d'âge avec une éditrice jeunesse d'un grand groupe. Or il est apparu que cette "censure" d'un texte est très relative.
En fait, il y a deux points qui font systématiquement lever les boucliers: le Sexe (bien sûr) et le Sadisme. La violence en soit ne rebute personne dans les comités de lecture jeunesse. Celle-ci est souvent synonyme d'action. Par contre montrer la douleur et la souffrance ou une violence gratuite et non justifiée, c'est NON direct.
Et c'est à peu près tout. Le reste (tout le reste), du moment que cela ne rend pas la lecture trop pénible et compliquée est très généralement accepté. Sauf peut-être dans certains groupes d'édition plus "religieux" et retro que d'autres (genre Bayard, et encore eux aussi commencent à se lâcher un peu, cf
L'Apprenti Epouvanteur 
).
Enfin faut savoir que toutes les décisions des éditeurs n'empêcheront jamais les gamins de mettre la main sur un bouquin de Fantasy à priori destiné aux ados ou adultes.
Dans ma librairie de quartier, il m'arrive de vendre, sur conseil, du
Gemmell à des jeunes garçons de 12 ans (parfois 11). Cela ne me pose aucun problème de conscience car ce type de Fantasy obéit à des codes moraux stricts et, à mon sens, intemporels. Et dieu sait à quel point les gamins reviennent extatiques après avoir avalé «
Légende» en 2 jours.
Néanmoins j'ai eu l'exemple frappant d'un cas extrême dans mon magasin il y a à peine dix jours de cela :
Une mère vient me demander «
La Première Leçon du Sorcier» de
Goodkind pour son fils qui aurait découvert la série chez un ami de l'école. Grosse surprise lorsque je me permets de lui demander l'âge de l'enfant : 9 ans et demi, bientôt 10.
9 ans et demi!!!
Connaissant bien ce livre, que par ailleurs j'apprécie pas mal, et sa
longue séance de torture, je n'ai pu m'empêcher de dire à la maman que quelque chose clochait. Mais celle-ci m'a dit que son gosse était super intelligent et très mature, qu'il lisait déjà les livres de son grand-frère. Madame paraissant un peu effrayée, j'ai quand même tenté de la rassurer quant à la santé mentale de son marmot. Mais décemment je ne pouvais pas me permettre de lui refuser la vente, d'autant que c'était une demande pour un cadeau d'anniversaire. Ce n’était pas moi le parent !
Encore aujourd'hui je me demande si cela n'était justement pas mon rôle de libraire de quartier de m'ériger, à mon petit niveau, en protecteur de l’innocence enfantine. Difficile question.
En même temps, y a t il un meilleur moyen que de découvrir et comprendre la réalité du monde au travers des livres ?
PS : En fait, je demande si les gamins qui adorent tant lire des trucs matures (et accesoirement violents) ne sont pas juste heureux que l’on ne les prennent pas pour des idiots en essayant stupidement de leur faire croire que le monde serait un magnifique disneyland tout de rose vêtu