Mélanie a écrit : cette idée du Joker comme "agent du chaos", comme il se présente lui-même. Le mec totalement cinglé qui n'obéit à aucune règle et sur qui, de ce fait, rien ne peut avoir de prise. Ça le rend extrêmement flippant. Et comme tu le soulignes, le fait qu'on ne sache rien de son histoire ni de son identité renforce cette impression : c'est quasiment un spectre, une abstraction, à aucun moment on ne le voit comme un être humain.
Encore que...
Attention gros SPOILER
En y repensant bien, tu as raison de dire que c'est une sorte d'abstraction devenue un personnage de film, mais en fait, quand le Joker commence à raconter la première explication de ses cicatrices : son père qui cognait, la maman qui prend le couteau, le père qui vient demander au gamin "why so serious?" (cette réplique est désormais culte!) et le défigure... eh bien à ce moment-là du film, on croit à l'explication psychologique. Et dès lors, pour ma part: immense sentiment de pitié.
Puis il y a la deuxième explication, celle de la copine défigurée dans un accident je crois, et le Joker qui se serait mutilé pour lui montrer que ses cicatrices à elles ne sont pas si graves, et elle qui se serait, du coup, détournée de lui.
Là, on comprend que le type ment, triche, ou est complètement cinglé.
C'est en y repensant à la fin du film, et d'après les paroles du Joker lui-même (je suis l'agent du chaos), qu'on ressaisit l'ensemble du personnage et qu'on comprend ce que tu indiquais: il est un agent barbare de destruction, une pure entropisation du monde à l'oeuvre.
La réussite totale autour de ce personnage tient à son élaboration psychologique, mais aussi à l'écriture scénaristiquement bien ficelée de l'action de ce personnage: il devient très vite jubilatoire, à chaque apparition (à vrai dire, il l'est dès la scène de braquage d'ouverture, on sourit de plaisir en comprenant le procédé et en voyant apparaître d'emblée le Joker), il est omniprésent, il infecte l'espace et les décors, les relations entre les autres personnages.
Sur ce rôle en or, Heath Ledger a ensuite produit une performance peut-être pas "habitée", mais réellement inspirée, totalement en adéquation avec ce qu'il devait donner à voir.