Le palais de la reine de Saba retrouvé ?

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Lisore
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Message par Lisore » mar. août 18, 2009 2:42 pm

Askaris a écrit :
Lisore a écrit :
bormandg a écrit :Si on revenait aux sujets sérieux (les martiens, les mutants, les vols FTL par trou de ver ou supercorde...)? 8)
Parce que la fantaisie....
Et encore, on n'a pas parlé paléontologie, parce que point de vue fantasy, ça se pose là : on a des humains ("sapiens" donc nous par extension), des nains (Néandertal, regardez ses caractéristiques physiques), des hobbits (homo floresiensis) qui ont vécu en même temps sur notre bonne vieille Terre. Manquent plus que les elfes :twisted:
Il serait très amusant de détruire pièce après pièce l'illusion selon laquelle la SF serait radicalement différente des autres littératures de "l'imaginaire" au prétexte qu'elle s'adresserait à notre raison, qu'elle serait le produit de la société industrielle et de l'individuation bourgeoise, patati patata...

Oui, il faudrait faire ça un jour, histoire de rabaisser la morgue des hard-scifistes et leur imaginaire aride ...
Je ne vois pas bien pourquoi tu me fais cette remarque. Et je ne vois pas non plus en quoi mon post a pu la provoquer. Il a été question, à un moment, de la relation entre histoire/archéologie/fiction/religion, etc.
J'apportais juste mon grain de sel en élargissant à la paléo. Et oui, je trouve que les 3 races humaines qui ont cohabité à un moment de notre histoire font très "fantasy", ce que je trouve d'ailleurs assez troublant.
Et ça me plaît. Et j'aime aussi la fantasy (mais pas les elfes).

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MF
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Message par MF » mar. août 18, 2009 2:51 pm

MF a écrit :
Askaris a écrit :Mon bonhomme
Je reste extrêmement poli et respectueux. J'en attends autant des personnes qui souhaitent "discuter"
Comme tu as édité ton post, j'en fais autant du mien.
Je retire donc ma remarque ci-avant.
j'ai consacré mon Master aux usages et variations de la culture généalogique au sein d'une parentèle disséminée entre Italie, Espagne et Balkans aux 16° et 17° siècles...
Enfin une explication !

Ah, j'oubliais. Il n'y a pas de double sens à la phrase précédente 8)
Donc, quand j'écris que cette prétendue découverte est absurde puisqu'elle repose sur les délires généalogiques d'un manuscrit du 14° siècle, cette idée me vient par analogie avec la littérature généalogique contemporaine.
Un rapport temporel entre ces 3 périodes ?

MF a écrit :Ce sont-là des questions précises auxquelles je serais bien incapable d'apporter des réponses satisfaisantes. Il me faut faire des recherches, tout "spécialiste" que je sois...
Fais, je reste en stand-by. 8)
Modifié en dernier par MF le mar. août 18, 2009 3:01 pm, modifié 1 fois.

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Eons
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Message par Eons » mar. août 18, 2009 3:01 pm

Askaris a écrit :Il serait très amusant de détruire pièce après pièce l'illusion selon laquelle la SF serait radicalement différente des autres littératures de "l'imaginaire" au prétexte qu'elle s'adresserait à notre raison, qu'elle serait le produit de la société industrielle et de l'individuation bourgeoise, patati patata...

Oui, il faudrait faire ça un jour, histoire de rabaisser la morgue des hard-scifistes et leur imaginaire aride ...
J'ai un projet qui doit faire exactement l'inverse, en démontrant que la Fantasy, ce n'est rien d'autre que de la SF... mais dont on ne voit pas les boulons. :wink:
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

Askaris
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Message par Askaris » mar. août 18, 2009 3:13 pm

MF a écrit :
j'ai consacré mon Master aux usages et variations de la culture généalogique au sein d'une parentèle disséminée entre Italie, Espagne et Balkans aux 16° et 17° siècles...
Enfin une explication !
Donc, quand j'écris que cette prétendue découverte est absurde puisqu'elle repose sur les délires généalogiques d'un manuscrit du 14° siècle, cette idée me vient par analogie avec la littérature généalogique contemporaine.
Un rapport temporel entre ces 3 périodes ?
Pour travailler sur mes manuscrits seizièmistes il me fallait maîtriser les topoï de la littérature historique, héraldique et généalogique du Bas Moyen Âge : les traditions scripturaires n'apparaissent pas par génération spontanée. Il se trouve que le motif d'une ascendance davidique de certaines maisons royales (Bagration,Capétiens,Plantagenêts, Habsbourgs,Paléologues,Riurikides,Nemanja,Lazarevitch,Salomonides) est fortement lié aux développements de la théologie politique. Une première apparition de ce motif est liée à l'émergence de l'empire carolingien en Occident et du renforcement militaire de Byzance après l'avènement des Comnènes. Puis le thème s'efface pour réapparaître avec les spéculations théo-politiques de la fin du Moyen-Âge. Contrairement à une image longtemps véhiculée, l'apparition des États modernes ne signifie nullement une sécularisation de leur discours de légitimation. Il y a au contraire une imbrication de plus en plus poussée entre un discours ancré dans le droit romain et la parallèle sacralisation du pouvoir. Il y a même exacerbation du discours racialiste dont la pureza de sangre espagnole du 16° incarnera les pires dérives. Le degré ultime de cette biologisation du pouvoir (rappelons que le modèle type médiéval est plutôt électif) sera l'assimilation des stirpes régnantes à la famille du Christ. Assimilation favorisée par le développement des légendes apocryphes (Graal,Ste-Baume,Cycle de la Croix) consécutives aux progrès du culte marial. Le discours salomonide d'Éthiopie suit un développement parallèle (via le Patriarchat d'Alexandrie et celui de Jérusalem qui font lien entre la culture politique byzantine-orthodoxe et les pratiques proprement éthiopiennes).

Sand "ad hominem" ne désigne pas un pluriel.
Modifié en dernier par Askaris le mar. août 18, 2009 3:33 pm, modifié 2 fois.

Askaris
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Message par Askaris » mar. août 18, 2009 3:21 pm

Eons a écrit :
Askaris a écrit :Il serait très amusant de détruire pièce après pièce l'illusion selon laquelle la SF serait radicalement différente des autres littératures de "l'imaginaire" au prétexte qu'elle s'adresserait à notre raison, qu'elle serait le produit de la société industrielle et de l'individuation bourgeoise, patati patata...

Oui, il faudrait faire ça un jour, histoire de rabaisser la morgue des hard-scifistes et leur imaginaire aride ...
J'ai un projet qui doit faire exactement l'inverse, en démontrant que la Fantasy, ce n'est rien d'autre que de la SF... mais dont on ne voit pas les boulons. :wink:
On est d'accord, l'un est dans l'autre, et vice-versa. L'absurde est de vouloir à tout prix les différencier mordicus. Cependant, je ne plaide pas pour une vision "fusionnée" qui nierait les différences au profit d'un nébuleux "imaginaire". Je suis plutôt partisan d'une dialectique nuancée qui aborderait sur le même plan les rapports et les dissemblances.

Après tout, je reprends là une remarque de Langlet qui va faire bondir : la "SF" est-elle un genre ? La question est provocante mais elle a le mérite de nous inviter à réexaminer l'histoire des littératures non-mimétiques sans s'astreindre à reprendre les périodisations habituelles. Lovecraft est plus proche de Kafka que de certains auteurs estampillés "fantastique" ou "horreur"...Et la liste est longue de ces oeuvres répulsives aux étiquettes. Je crois même pouvoir affirmer que les frontières ne passent pas qu'à l'extérieur de "l'imaginaire" (transfictions) mais se plaisent à brouiller sa géographie intérieure.

EDIT : Lisore, mon propos n'était pas hostile au tien, bien au contraire (je ne sais pas comment tu as pu arriver à cette conclusion)

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Lisore
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Message par Lisore » mar. août 18, 2009 3:43 pm

Ah, au temps pour moi. Le ton un peu tendu de ce sujet m'a fait pensé que... Désolée :?

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Le_navire
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Message par Le_navire » mar. août 18, 2009 4:44 pm

Askaris a écrit :
Pour travailler sur mes manuscrits seizièmistes il me fallait maîtriser les topoï de la littérature historique, héraldique et généalogique du Bas Moyen Âge : les traditions scripturaires n'apparaissent pas par génération spontanée. Il se trouve que le motif d'une ascendance davidique de certaines maisons royales (Bagration,Capétiens,Plantagenêts, Habsbourgs,Paléologues,Riurikides,Nemanja,Lazarevitch,Salomonides) est fortement lié aux développements de la théologie politique. Une première apparition de ce motif est liée à l'émergence de l'empire carolingien en Occident et du renforcement militaire de Byzance après l'avènement des Comnènes. Puis le thème s'efface pour réapparaître avec les spéculations théo-politiques de la fin du Moyen-Âge. Contrairement à une image longtemps véhiculée, l'apparition des États modernes ne signifie nullement une sécularisation de leur discours de légitimation. Il y a au contraire une imbrication de plus en plus poussée entre un discours ancré dans le droit romain et la parallèle sacralisation du pouvoir. Il y a même exacerbation du discours racialiste dont la pureza de sangre espagnole du 16° incarnera les pires dérives. Le degré ultime de cette biologisation du pouvoir (rappelons que le modèle type médiéval est plutôt électif) sera l'assimilation des stirpes régnantes à la famille du Christ. Assimilation favorisée par le développement des légendes apocryphes (Graal,Ste-Baume,Cycle de la Croix) consécutives aux progrès du culte marial. Le discours salomonide d'Éthiopie suit un développement parallèle (via le Patriarchat d'Alexandrie et celui de Jérusalem qui font lien entre la culture politique byzantine-orthodoxe et les pratiques proprement éthiopiennes).
Bon. ça c'est vraiment intéressant.
Par contre, est-ce que tu peux développer le passage que j'ai surligné ? Pour le Cycle de la Croix, je vois encore où tu veux en venir, mais pour le Graal (contrairement aux autres corpus de la légende arthurienne) je ne suis pas sûre de voir par où tu passes.
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Askaris
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Message par Askaris » mar. août 18, 2009 5:36 pm

Le_navire a écrit :
Askaris a écrit :
Pour travailler sur mes manuscrits seizièmistes il me fallait maîtriser les topoï de la littérature historique, héraldique et généalogique du Bas Moyen Âge : les traditions scripturaires n'apparaissent pas par génération spontanée. Il se trouve que le motif d'une ascendance davidique de certaines maisons royales (Bagration,Capétiens,Plantagenêts, Habsbourgs,Paléologues,Riurikides,Nemanja,Lazarevitch,Salomonides) est fortement lié aux développements de la théologie politique. Une première apparition de ce motif est liée à l'émergence de l'empire carolingien en Occident et du renforcement militaire de Byzance après l'avènement des Comnènes. Puis le thème s'efface pour réapparaître avec les spéculations théo-politiques de la fin du Moyen-Âge. Contrairement à une image longtemps véhiculée, l'apparition des États modernes ne signifie nullement une sécularisation de leur discours de légitimation. Il y a au contraire une imbrication de plus en plus poussée entre un discours ancré dans le droit romain et la parallèle sacralisation du pouvoir. Il y a même exacerbation du discours racialiste dont la pureza de sangre espagnole du 16° incarnera les pires dérives. Le degré ultime de cette biologisation du pouvoir (rappelons que le modèle type médiéval est plutôt électif) sera l'assimilation des stirpes régnantes à la famille du Christ. Assimilation favorisée par le développement des légendes apocryphes (Graal,Ste-Baume,Cycle de la Croix) consécutives aux progrès du culte marial. Le discours salomonide d'Éthiopie suit un développement parallèle (via le Patriarchat d'Alexandrie et celui de Jérusalem qui font lien entre la culture politique byzantine-orthodoxe et les pratiques proprement éthiopiennes).
Bon. ça c'est vraiment intéressant.
Par contre, est-ce que tu peux développer le passage que j'ai surligné ? Pour le Cycle de la Croix, je vois encore où tu veux en venir, mais pour le Graal (contrairement aux autres corpus de la légende arthurienne) je ne suis pas sûre de voir par où tu passes.
La guerre de Cent Ans et l'affrontement des propagandes

Les liens entre le cycle arthurien et la culture politique de l'empire anglo-aquitain des Plantagenêts offrent une illustration passionnante des rapports entre le pouvoir et le mythe.

Pour bien comprendre les enjeux de cette question, il faut se souvenir que les Plantagenêts avaient face à eux la lignée capétienne, l'auguste et vénérable "Maison des Lys", "Fille aînée de l'Église", prétenduemment installée sur le trône depuis la chute de Rome, se réclamant de la descendance de Charlemagne et de Clovis, et au-delà d'une filiation directe les rattachant aux héros mythiques de Troie (ancêtres de César) ainsi qu'à la lignée sacrée du Christ lui-même !

Ce bricolage mythologique pourrait nous faire sourire, mais il ne faut pas perdre de vue que dans le contexte de la Guerre de Cent Ans ces questions de légitimité et d'aura religieuse suscitaient une compétition propagandiste échevelée à l'échelle du continent européen, renforçant les alliances et assurant le prestige des commanditaires de cette littérature (ainsi la cité de Florence liée aux guelfes Angevins de Naples se souvint à propos de ses liens avec Charlemagne et célébrait annuellement sa "parenté" avec son protecteur Valois tandis que Sienne renforçait ses liens commerciaux avec Londres ...)

Or, dans cette bataille d'images où il fallait rallier à soi la fine fleur de la noblesse, les Anglais partaient avec un temps de retard. Leur sacre semblait une pâle imitation de la magie des thaumaturges français (Bloch a consacré un livre fameux à ce problème). Leur arbre généalogique semblait bien malingre face aux sommets sacrés de l'arborescence française. La question était d'importance car pour rallier les familles hésitantes de l'Ouest de la France il fallait faire contre poids à cette problématique "loi salique" habilement ré-inventée par les juristes des Valois.

Comment la légende arthurienne fut instrumentalisée par la monarchie anglaise ?


Heureusement, quelques décennies plus tôt, Henri II (mort en 1189) avait eu la bonne idée de se faire écrire une "Histoire des Rois de Bretagne" qui réhaussait fort à propos le manque de lustre de sa famille (Geoffroy Grisegonelle d'Anjou ou Guillaume le Bâtard faisaient tache). Cette Historia avait plusieurs avantages : en dessinant un royaume mythique des Deux Bretagnes elle effaçait la coupure entre les potentats anglo-saxons déclassés et la nouvelle noblesse originaire de France ; elle permettait en outre de conférer à la couronne anglaise une sacralité qui lui était violemment disputée par un clergé jaloux de son autorité (affaire Thomas Beckett) ; enfin, elle inserrait la monarchie anglaise dans le dense et prestigieux réseau du légendaire arthurien.

Il faut voir les armoriaux et les écrits du 14°siècle pour prendre conscience de la folie qui s'est alors emparée des noblesses des 2 côtés du Channel : non seulement l'héraldique (qui inondait la vie quotidiennne), la poésie, les chants, mais jusqu'aux noms donnés aux enfants (à la fureur de certains ecclésiastiques)...Le siècle qui va de Chrétien de Troyes à Chaucer est LE siècle de la légende arthurienne, comme le 16° sera celui du Tasse et le 19° celui de Shakespeare : un mot d'ordre pour toute une partie des élites, véhiculant des images et des valeurs, de la nostalgie et des fidélités...

C'est ce que comprendra bien Édouard III (le petit-fils du méchant de Braveheart) en instaurant l'Ordre de la Jarretière ( à quoi les Français répondront par celui de l'Étoile qui entraînera la Toison d'Or bourguignonne etc..)...Prétendant à la couronne de France Édouard III organisa systématiquement la propagande de cet imaginaire confisqué à son service. C'est ainsi que plusieurs clercs de l'Université de Cambridge furent invités à disserter sur les récits de Boron décrivant l'installation de Marie-Madeleine et de Joseph d'Arimathie (cousin du Christ) en Provence, puis le départ de Joseph à Avalon en possession du Graal, la perpétuation de sa descendance sacrée, et l'avènement de son ultime rejeton Conan Mériadec sur le trône des Deux Bretagne. Ce dernier, accesoirement parent de l'empereur Constantin, est l'ancêtre des souverains de Domnonée et de Cornouailles d'où sortiront Uther Pendragon et son fils Arthur, ainsi que les aïeux des Plantagenêts...

Le côté tiré par les cheveux de l'histoire doit être contrebalancé par le fait que cette histoire ne vient pas du néant, elle s'inserre dans un réseau dense d'histoires ecclésiastiques, de légendes de saints et de pélerinages contemporains : le culte grandissant de la grotte de la Baume (et la ré-invention du personnage de Marie-Madeleine), l'afflux de reliques orientales consécutives aux Croisades, l'imaginaire sanglant et doloriste de l'après-Peste Noire et l'interpénétration encore profonde des littératures européennes via des lingua franca comme la langue d'Oc (parlée sur le pourtour de la Méditerranée occidentale) ou le français d'Ile-deFrance commun aux cours de Paris et de Londres.

Voilà comment le mythologique peut, par des chemins détournés, s'avérer être une autre manière de dire le politique.




quelques références pour aller plus loin :


* Christiane Klapisch-Zuber. L'arbre des familles, Paris : Ed.La Martinière, 2003, 214 p.
* Colette Beaune, Naissance de la nation France, Paris, Gallimard, 1985, 431 p.
* Amaury Chauou. L'Idéologie Plantagenêt. Royauté arthurienne et monarchie politique dans l'espace Plantagenêt (XII°-XIII°siècles), Rennes : PUR, 2001, 324 p.
* Robert Morrissey. L'empereur à la barbe fleurie : Charlemagne dans la mythologie de l'histoire de France. Paris : Gallimard, 1997, 438 p.


PS: je ne peux pas m'en empêcher, mais vous noterez chez Herbert l'insistance avec laquelle il relie le fatum tragique des Atrides aux Atréides à plus de 20000 ans de distance, puis comment ce "sang" atréides reste un point de mire pour la société post-impériale pendant des millénaires (les "descendants de Siona")... Ça semble étrange, non ? Et bien demandez à un musulman quel est le prestige de ces millions de descendants anonymes du Prophète qui n'ont souvent d'autre fortune à transmettre que leur sacrée "barraka" et le ruban vert des Hachémites ? ....
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Le_navire
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Message par Le_navire » mar. août 18, 2009 7:44 pm

oui c'est fort bien, et tu racontes ça de manière agréable, les copains dont ce n'est pas le fort t'en seront reconnaissants, je n'en doute pas une seconde (c'est sincère, là, pas ironique).
Mais tu ne réponds pas à ma question :

En quoi la légende spécifique du Graal est-elle, je te cite : "consécutive au progrès du culte marial" ?
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Message par Askaris » mar. août 18, 2009 9:07 pm

Le_navire a écrit :oui c'est fort bien, et tu racontes ça de manière agréable, les copains dont ce n'est pas le fort t'en seront reconnaissants, je n'en doute pas une seconde (c'est sincère, là, pas ironique).
Mais tu ne réponds pas à ma question :

En quoi la légende spécifique du Graal est-elle, je te cite : "consécutive au progrès du culte marial" ?
Épisode 1 : la Vierge Marie se trouve une famille

L'attention spécifique au culte de la Vierge fut dès les premiers siècles un casse-tête pour les théologiens d'Orient comme d'Occident. Comment intégrer cette figure à l'ordre si difficilement construit de la christologie post-nicéenne ?

La figure de Marie n'a pas de base scripturaire. Le Nouveau Testament en parle peu ou de manière très symbolique (Apocalypse). Les Pères de l'Église se sont parfois disputé à son sujet, les uns (Tertullien) insistant sur sa nature "femelle"et pécheresse, et donc secondaire, les autres (Origène) mettant en avant la sainteté de sa participation au mystère de l'Incarnation. C'est ainsi que peu à peu naquit l'idée d'un rôle particulier de la bientôt "Mère de Dieu" dans le drame de la Passion et le salut des hommes.

Cette petite disgression théologique m'amène au point suivant : à mesure que le personnage de la Vierge prend de l'importance et de la profondeur au sein du corpus théologique, les questions sur sa nature, son existence historique, sa parenté vont aller croissant.

Vierge et Sainte, à l'image de l'Église, Marie va peu à peu échapper au sort de la gente féminine et se libérer de la malédiction attachée aux filles d'Ève. La volonté de la soustraire aux faiblesses de son sexe entraîne la question de sa propre conception : comment échapperait-elle au péché originel si elle est comme nous tous le fruit de la consommation charnelle ? On invente alors l'idée de l'Immaculée conception, inspirée des écrits de St Augustin ( idée définitivement installée au 13° et érigée en dogme au 20° siècle seulement). La Vierge y est désormais décrite comme le fruit "immaculé" du chaste baiser qu'échangèrent ses parents, Anne et Joachim, devant la porte Dorée de Jérusalem.

Épisode 2 : la longue migration des reliques de Palestine vers l'Occident

Que savait-on des parents de la Vierge ? Presque rien, si ce n'est quelques passages dans des apocryphes rejetés par l'Église primitive. On se chargea donc de lui fabriquer un copieux arbre généalogique, d'autant plus volumineux que chaque abbaye de France, d'Italie ou d'Angleterre prétendait détenir une relique ramenée des Croisades. C'est ainsi que l'on assista au pullulement de reliquaires abritant les phalanges de Ste Marie-Salomée, l'annulaire de Maria-Cleophas ou la rotule de ste Élisabeth...

Mais dans cette course à l'échalotte animée par l'appât du gain (les immenses retombées des pélerinages et dons de toute sorte), certaines communautés ecclésiastiques, inspirées par des Vies de Saints (Legenda Aurea) rédigées fort à propos, se réclamèrent d'une filiation -spirituelle- directe avec les figures réelles ou fictives de l'Histoire Sainte.
Rome ayant donné le La en se prévalant du double patronage de Pierre et Paul, on assista à une guerre des Vies de Saints, chaque archidiocèse revendiquant une antiquité supérieure à son voisin pour réclamer la primatie, chaque évêque bavant d'envie devant la perspective d'être élevé au rang d'archevêque...

On se souvint donc du récit de la vie de Sainte Marthe directement arrivée de Palestine avec sa soeur Marie, l'ermite de la grotte de la Baume, qu'on ne tarda pas à assimiler à la pécheresse de l'Évangile oignant le Christ, à la soeur de Lazare reprochant au Christ son retard, aux femmes éplorées se tenant devant le crucifié et à celle qui entrevit le Christ au Jardin des Oliviers...Ni une, ni deux : voilà Marie-Madeleine inventée et avec elle tout le mystère de l'Orient ramené en Provence .La formule ayant eu du succès, quelques années plus tard le miracle bienvenu de la translation de la Maison de la Vierge d'Éphèse à Lorette ouvra de nouvelles perspectives au marché du pélerinage (réduit depuis que les Turcs avaient remplacé les Arabes en Terre Sainte).

Cette migration des lieux sacrés en Occident ne pouvait s'arrêter aux frontières de la Provence. À Dieu ne plaise, Saint-Jacques de Compostelle pouvait bien accueillir les derniers jours (ré-écrits) de l'apôtre des "Mata-moros", tandis que Venise récupérait St Marc peu enthousiaste à l'idée de mourir à Alexandrie, cité d'infidèles enturbannés et de schismatiques endurcis...

Épisode 3 : comment Avalon est-elle devenue la préfiguration de la Jérusalem céleste ?

Et Avalon dans tout ça ? Le petit périple provencal avait donné des idées aux moines de Glastonbury qui avaient retrouvé -par pur hasard- les dépouilles d'Arthur et de sa Guenièvre. Mais comment intégrer toute ces païenneries à une respectable Vie de Saint (et ses retombées) ? Fort heureusement, le pouvoir politique n'étant pas tout à fait étranger à cette mode pour la Matière de Bretagne, on eut l'idée d'opérer un savant syncrétisme entre ces traditions disparates.

Ainsi, sur la base de l'Historia politique rédigée par Monmouth, on broda un canevas sur la sainte parenté de la Vierge et le rôle sacré de son cousin Joseph d'Arimathie porteur d'un saint Calice qu'il eut l'heureuse idée de transporter en Provence puis en Bretagne. Le Graal, qui n'était initialement qu'un objet magique parmi d'autres chez Chrétien de Troyes, se voyait dans le même temps assimilé à ce saint Calice, et dès lors modifiait l'essence même de la Matière de Bretagne, transformée en épopée chrétienne. Les parents du Christ en fixant en Bretagne le siège de son Saint-Sang, donnaient sans le vouloir une légitimité particulière à leurs descendants, Arthur... et les Plantagenêts. Les terres barbares de l'extrême-Occident étaient ainsi promues comme le siège de la Parousie (le "Réveil" d'Arthur imitant celui du fameux Empereur des Derniers Jours sensé terrasser l'Antéchrist dans les légendes allemandes). Avalon préfigurant en quelque sorte la Jérusalem céleste rêvée et espérée ...

Cette confusion du profane et du sacré, qui était en germe dans le pseudo-Évangile de Nicodème, trouva très vite dans le récit du franc-comtois Robert de Boron (début 13°) sa version ultime : à la fois Vie de Saint encensant Glastonbury et ses reliques, oeuvre littéraire de divertissement et panégyrique politique à la solde du pouvoir.

Chose qu'exploiteront à merveille les souverains anglais qui se prévaleront souvent devant leurs rivaux français de cette divine ascendance. À Westminster, ainsi qu'en diverses églises anglaises, il n'est pas rare de trouver les motifs entremêlés de la rose mariale et de la rose Plantagenêt. C'est que entre temps, le culte marial s'était à ce point imposé que les théologiens avaient réussi le tour de passe passe de remplacer dans l'arbre généalogique royal du Christ, Joseph le charpentier par Marie elle-même. Cela contrevenait aux Évangiles qui fixaient par le détail les générations séparant Adam de Joseph...mais au prix d'une habile manoeuvre l'arbre de Jessé avait fini par accueillir la Madone et son bambino. N'était-elle pas la "rose des roses", la tige des "fleurs de lys" , la Femme de l'Apocalypse, cette lumière dans les ténèbres qui affermit les rois et permet de recycler les fêtes païennes de la lumière ?

Étrange rencontre que la propagande d'une monarchie, la convoitise et l'orgueil de quelques moines, la matière informe d'une mythologie païenne et le génie syncrétique de la littérature ? La littérature a parfois des pouvoirs mystérieux ....
Modifié en dernier par Askaris le mer. août 19, 2009 2:51 am, modifié 8 fois.

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Message par Askaris » mar. août 18, 2009 9:41 pm

Le_navire a écrit :oui c'est fort bien, et tu racontes ça de manière agréable, les copains dont ce n'est pas le fort t'en seront reconnaissants, je n'en doute pas une seconde
Merci, c'est gentil d'écrire ça :) Mon style est moins pénible quand il entre dans le détail -relatif- des choses plutôt que de se contenter d'un survol abstrait.

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Message par Sand » mar. août 18, 2009 9:43 pm

Et aussi quand tu mets des titres qui indiquent dans quel sens va l'explication, et permettent de distinguer ce qui va avec quoi.

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Message par Askaris » mar. août 18, 2009 9:59 pm

Sand a écrit :Et aussi quand tu mets des titres qui indiquent dans quel sens va l'explication, et permettent de distinguer ce qui va avec quoi.
En effet, ça permet de rendre le pavé un peu plus digeste :)

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Message par Lensman » mar. août 18, 2009 11:07 pm

Askaris a écrit :
Sand a écrit :Et aussi quand tu mets des titres qui indiquent dans quel sens va l'explication, et permettent de distinguer ce qui va avec quoi.
En effet, ça permet de rendre le pavé un peu plus digeste :)
En plus, il n'y a pas beaucoup de fautes de frappe dans les sondages que j'ai faits, c'est appréciable. L'ensemble dégage une impression de sérieux, on sent qu'il y a eu du travail sur les sources. L'allusion guillerette sur les pouvoirs mystérieux de la littérature donne en conclusion un petit caché décontracté qui ne nuit pas. Là, je doute que quiconque ose se plaindre!
Oncle Joe

Askaris
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Message par Askaris » mar. août 18, 2009 11:19 pm

Lensman a écrit :
Askaris a écrit :
Sand a écrit :Et aussi quand tu mets des titres qui indiquent dans quel sens va l'explication, et permettent de distinguer ce qui va avec quoi.
En effet, ça permet de rendre le pavé un peu plus digeste :)
En plus, il n'y a pas beaucoup de fautes de frappe dans les sondages que j'ai faits, c'est appréciable. L'ensemble dégage une impression de sérieux, on sent qu'il y a eu du travail sur les sources. L'allusion guillerette sur les pouvoirs mystérieux de la littérature donne en conclusion un petit caché décontracté qui ne nuit pas. Là, je doute que quiconque ose se plaindre!
Oncle Joe
Voilà que vous allez me faire rougir :oops: Merci. J'espère faire encore quelques progrès à l'avenir ( et à dire vrai, je m'aperçois que prendre son temps dans l'écriture, prendre la peine d'entrer dans le détail, de donner un peu de couleurs aux idées, est le meilleur moyen d'être lisible, j'essayerai de m'en souvenir)

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