Mes maigres connaissances en alchimie me viennent de Baltrusaitis, Panofsky, Jung & Eugenio Garin.
Je me suis intéressé à ces questions parce que je ne comprenais pas certains symboles ou allusions qui revenaient fréquemment dans mes manuscrits. J'avais l'impression de déchiffrer une langue étrangère. Je me suis donc mis à lire tout ce qui passait devant moi : hermétisme à la Renaissance, astrologie de Cour, sémiotique des images, art du blasonnement, l'iconologia de Cesare Ripa etc...
J'ai ainsi peu à peu compris que les esprits savants de l'époque vivaient sur une représentation du monde qui nous est devenue obscure.Un monde où la médecine, l'architecture, l'astrologie, les fresques des églises ou certaines constructions philosophiques constituaient un étrange réseau de correspondances et de corrélations.
Le temps passant, j'ai appris à donner un nom à cet ensemble ("la sympathie universelle"), une généalogie intellectuelle (de Pythagore à Aristote, de Gallien aux Pères de l'Église) et même une oraison funèbre (quelque part entre Copernic et Darwin ...).
C'est donc à l'école des "savants", érudits Libertins et autres polygraphes du 17°siècle que j'ai enfin compris ce que Kuhn et Foucault entendaient par "révolution épistémologique". J'ai compris pourquoi Bacon plaçait la Philosophie au sommet de l'arbre des connaissances, et pourquoi Diderot, 150 ans plus tard, ne le faisait plus.
J'ai découvert, ou plutôt re-découvert des figures sacralisées comme Newton et Leibniz, mais aussi quelques manouvriers plus obscurs mais pas moins décisifs : Athanasius Kircher, Robert Fludd ou l'immense et trop peu célébré Comenius.
Et que nous apprennent tous ces savants ? Que la science EST AUSSI un régime de croyance, de vérités confuses, d'habitudes sociales, de présupposés plus ou moins conscients. Il n'y a pas de grand partage comme une certaine image dorée de l'histoire des sciences nous l'a si longtemps fait croire.
Comenius qui rencontra Descartes et correspondait avec toute l'Europe savante d'alors, sera considéré par les Philosophes du 18° comme un charlatan embrumé de physiognomonie, d'écriture automatique et d'improbables athanors...On lui doit pourtant quelques ruptures décisives dans la méthodologie critique, le rôle des Autorités, la place de la note de bas de page, la circulation des idées, l'enseignement, la pédagogie, la classification des sciences ou l'onomasiologie...
Non, il était plus qu'un savant, plus qu'un humaniste, plus que le père putatif de la maçonnerie : il était à l'image de ces Newton, Pereisc, Kepler, Descartes, Tycho Brahé, Gassendi qui ouvraient un monde et en fermaient un autre sans le savoir.
Le lien avec les soucoupes ? Évident :
* la précarité des savoirs et leur insertion sociale TOUJOURS problématique (voir les actuels problèmes de la psychanalyse, jadis si solidement installée)
* la porosité de la frontière entre savoir positif et croyance : en travaillant sur Frank Herbert et les cercles qu'il fréquentait, j'ai découvert l'existence de "mouvances" dont j'ignorais tout et dont le statut oscille entre pure fiction, pseudo-science et connaissance scientifique incertaine (prospective, futurologie, cliodynamique, psychohistoire, singularité, cybernétique, futurobiologie, transhumanisme, exopsychiatrie, écosophie...)
* le rapport complexe des groupes et des individus à la notion de vérité et les régimes différents de rapport au réel, le langage en étant la manifestation première :
Ce que nous entendons par « vérité » et « réalité » est constitué par notre manière d’utiliser [l]es mots dans la vie courante. Nous avons une fâcheuse tendance à avoir une conception absolue du monde, comme si la vérité et la réalité étaient dépendantes de nous. La « vérité » et la « réalité » sont constituées par nos jeux de langage.
« Si un lion pouvait parler, nous serions incapable de le comprendre ». Car la manière de parler du lion ferait partie d’une forme de vie si différente de la nôtre qu’elle n’aurait aucun sens pour nous. Le lion aurait sa propre conception de la réalité, différente de la nôtre. Le lion et nous aurions chacun notre idée sur ce qui est correct, en fonction de nos formes de vie.
La philosophie lutte contre l’ensorcellement de notre entendement par les moyens de notre langage. Son but est de « montrer à la mouche l’issue par où s’échapper de la bouteille à mouches ». Elle conduit à la découverte de quelque pur non-sens où l’entendement se fait des bosses en courant à l’assaut des frontières du langage. Le monde est mesuré par le langage, ses limites sont logiquement énonçables ; on ne peut que montrer l’indicible et le « secret ». La philosophie n’est pas à une doctrine, c’est une activité.
La philosophie de Wittgenstein n’est pas une fin en soi, c’est un instrument qui aide à comprendre la position de chacun. Une fois toutes les mouches sorties de la bouteille qu’est le langage, la philosophie ne sert plus à rien ; une fois arrivé en haut, on n’a plus besoin de l’échelle.
En affirmant que toute signification est produite en suivant les règles d’un jeu de langage, Wittgenstein invalide les deux traditions philosophiques du rationalisme et de l’empirisme puisque celles-ci s’appuient sur la description du contenu privé de l’esprit. Sa position a suscité de vives controverses philosophiques.