Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Patrice
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Message par Patrice » dim. nov. 08, 2009 6:34 pm

Salut,
mon amusant petit teaser.
Tiens, je n'avais pas encore lu cette note-là, justement.
Merci.

A+

Patrice

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Lensman
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Message par Lensman » dim. nov. 08, 2009 6:40 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :[Ce qui est curieux, c'est cet aspect religieux dont parle cet auteur. On se demande ce que cela vient faire dans nos discussions, où j'avais l'impression que la métaphysique telle que tout le monde avait l'air de la comprendre à peu près, n'avait strictement rien à voir avec la problème de la religion. D'où viendrait cette confusion, dans des esprits plus professionnels que le mien ?
Oncle, il y a une chose appelée christianisme qui a supervisé le travail intellectuel en occident pendant quinze siècles. Sa caractéristique, c'est qu'il a fusionné la philosophie (donc la métaphysique) et la religion. La métaphysique classique (grecque) enquête sur l'être. La métaphysique chrétienne enquête sur Dieu, qui est le nom qu'elle a donné à l'être (ce dont toute existant procède). Un terme sert d'interface entre les deux lexiques : le logos.
Je crois que tout s'éclaire: je ne comprenais essentiellement par métaphysique, pour ma part, que ce qui enquêtait sur Dieu, ou les autres termes bizarres qui le remplacent pour faire plus politiquement correct (genre principe premier, finalité, et tout ce fatras) (je n'osais pas le dire, pour ne pas provoquer de crispation...). A partir du moment où cet aspect est étranger à la métaphysique tel que nous la concevons, cela ne me pose pas de problème... Je ne suis pas convaincu par ton hypothèse, mais elle ne me paraît plus si incongrue…
Comme quoi, il est utile (enfin, pour moi...) d'apporter des précisions sur les termes, même si cela semble laborieux...
Oncle Joe

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Lensman
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Message par Lensman » dim. nov. 08, 2009 7:16 pm

Patrice a écrit :Salut,

Quelques notes jetées en vrac et qui serviront de base à la postface de Dimension Russie. Histoire de comparer.

A+

Patrice
Le parallèle que tu fais entre la France et la Russie sur l'histoire du genre m'interpelle un peu, même si évidemment ce n'est qu'un parallèle. Il me renforce dans une espèce de doute que j'ai depuis assez longtemps, et que ces discussions font ressurgir de manière plus vive. Et si, en fin de compte, le seul pays où la science-fiction s'était réellement cristallisée en tant que genre, et réellement installée, ce serait finalement les Etats-Unis?
Après, il y a tout le débat sur la dissolution, ou dilution du genre, qui concernerait surtout, en fait, les endroits où la cristallisation n'a pas été aussi accomplie que ça. Y compris la France.
Je me méfiais de l'idée que la SF était un genre assez spécifiquement américain, étant de l'école Versins. Je suis toujours, et plus que jamais (un gros travail avec mon copain Guy Costes le confirmera à la puissance n dans les années à venir), de l'école Versins (toutes les conjectures m'intéressent), mais par contre, je deviens plus radical sur l'emploi du terme "science-fiction".
Bon, mon problème n'intéresse que moi, mais malgré tout je reviendrai dessus dans un travail "théorique" qu'il va me falloir un peu de temps pour réaliser.
Que tout le monde se rassure, le monde continuera à tourner pendant ce temps... les évolutions les plus inattendues se dérouleront devant nos yeux... émerveillés (ou râleurs). (J'aime l'idée d'"yeux râleurs").
Oncle Joe

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Patrice
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Message par Patrice » dim. nov. 08, 2009 7:25 pm

Salut,
Je me méfiais de l'idée que la SF était un genre assez spécifiquement américain, étant de l'école Versins. Je suis toujours, et plus que jamais (un gros travail avec mon copain Guy Costes le confirmera à la puissance n dans les années à venir), de l'école Versins (toutes les conjectures m'intéressent), mais par contre, je deviens plus radical sur l'emploi du terme "science-fiction".
Sur ce terrain-là, je te suivrai bien volontiers. Sur l'emploi du terme "Science Fiction", ma foi, je ne vois aucune raison de le restreindre à la seule SF américaine ou d'inspiration américaine. C'est quand même un terme bien pratique pour désigner des littératures qui ont plus de convergences que de divergences entre elles.

A+

Patrice

systar
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Message par systar » dim. nov. 08, 2009 7:45 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :[Ce qui est curieux, c'est cet aspect religieux dont parle cet auteur. On se demande ce que cela vient faire dans nos discussions, où j'avais l'impression que la métaphysique telle que tout le monde avait l'air de la comprendre à peu près, n'avait strictement rien à voir avec la problème de la religion. D'où viendrait cette confusion, dans des esprits plus professionnels que le mien ?
Oncle, il y a une chose appelée christianisme qui a supervisé le travail intellectuel en occident pendant quinze siècles. Sa caractéristique, c'est qu'il a fusionné la philosophie (donc la métaphysique) et la religion. La métaphysique classique (grecque) enquête sur l'être. La métaphysique chrétienne enquête sur Dieu, qui est le nom qu'elle a donné à l'être (ce dont toute existant procède). Un terme sert d'interface entre les deux lexiques : le logos.
Pour être complet, et achever de te répondre, Tonton, puisqu'au fond ta gêne est aussi une gêne que les métaphysiciens ont rencontrée:

il y a eu fusion au sens de subordination de la philo à la théologie (philosophia ancilla theologiae).
La théologie médiévale, reprenant les Pères de l'Eglise, essaie, grosso modo, de lire la Bible avec des concepts hérités d'Aristote (principalement sa logique; on ne redécouvre que tardivement le versant proprement "métaphysique" de l'oeuvre d'Aristote, notamment sa théorie du Premier Moteur comme acte pur d'amour ("Dieu" comme concept de ce qui met en mouvement tous les autres êtres).
La théologie juive et musulmane aussi vont parfois essayer d'interpréter les textes sacrés à la lumière des catégories héritées d'Aristote.

Sur "Dieu" et "être", je vais essayer de résumer clairement.
La métaphysique enquête, à l'origine, sur "être" comme verbe, c'est-à-dire: "ça veut dire quoi, le fait d'être". C'est ce que fait Aristote dans la Métaphysique. Sa réponse: être est un verbe qui reçoit plusieurs sens (les "catégories"), et cette polysémie ne se ramène pas à un sens premier, et ne peut pas faire l'objet d'une science unifiée.
Or, dans la Métaphysique d'Aristote (le livre édité sous ce titre), Aristote avance aussi l'idée d'une science première. Pour Aristote, la dignité et la validité d'une science sont fonction de la dignité et de la stabilité de son objet. Donc la science première, ce serait la science qui enquête sur la façon d'être la plus haute et la plus permanente.
Or, cette façon d'être là, ce serait celle d'un être suprême, supérieur, premier.

Et c'est avec ce raisonnement qu'il y a une bascule importante:
- on s'intéressait à l'être comme "le fait d'être"
- on s'intéressera désormais à l'être comme "le plus grand de tous les étants".

On oublie alors la question de l'être, et on ne fait plus que s'interroger sur les "étants".
(c'est à peu près ce que Heidegger a reproché à la "métaphysique" après Aristote).
Donc très vite, presque dès l'origine, la métaphysique se "dégrade", perd le sens originel des questions qu'elle voulait poser, pour devenir une ontologie, non pas théorie du "fait d'être", mais théorie des étants.
Et comme on a dit que l'important était de s'occuper du plus grand de tous les étants, de celui dont l'être ne change jamais, au fond l'ontologie est devenue une onto-théologie, où Dieu = étant suprême.
Et Serge a raison de préciser que, par l'apport johannique, le pont entre les deux (Dieu et l'Être) a été le "Logos", le "Verbe", reformulation du nom de Dieu dans le prologue de l'Evangile de Jean.

C'est ce qui explique les liens anciens entre métaphysique et théologie, ou entre philo et religion.
Mais, comme ma citation en guise de boutade, de Voltaire, le suggérait, on a bien vu par là qu'il s'agissait aussi d'un dispositif intellectuel permettant d'asseoir une domination politique.
Et Heidegger, au vingtième siècle, en laissant de côté quelques notables exceptions où justement il n'y a pas cette réduction, ou cet écrasement, de la question de l'être par la question de la nature des étants, dans l'histoire de la métaphysique ( chez Plotin, chez Augustin, où "essence" ne désigne pas la nature invariante de ce qui est, mais bien le fait même d'être), a bien montré que la métaphysique a toujours été "infectée" ou bridée, par l'onto-théologie. Au lieu de poser la question "ça veut dire quoi, être?", on a sans cesse posé la question: "quelle est la nature de l'étant suprême?".

Aujourd'hui, la métaphysique au sens large oscille entre diverses questions, tant sur la structure des étants (Nef en est un bon représentant), que sur l'être (et là, il y a beaucoup de penseurs dans le sillage de Heidegger, des auteurs de phénoménologie, aussi, etc.).

Lem

Message par Lem » dim. nov. 08, 2009 7:59 pm

J'aime l'idée d'yeux râleurs
Poète.
la dissolution ou dilution du genre
Loin, très loin dans les développements futurs de ce fil, je devine le moment où la jonction entre les deux problèmes ("métaphysique" et "genre") pourra s'opérer. D'ici-là, une remarque.
Le vocabulaire n'est pas neutre. Se diluer, se dissoudre, c'est de la chimie ; ça semble décrire un processus objectif. Mais dans un débat qui implique des affects identitaires, c'est tout le contraire. Le processus est posé d'entrée de jeu comme négatif. Pour équilibrer la perception, il pourrait être utile, au moins à titre d'expérience, de remplacer l'un des deux termes par un positif. Le processus en cours est de type expansion/dissolution – les deux simultanément. Au lieu de se représenter ce moment comme celui de la perte et du deuil, il serait associé à une tension – ce qui me semble à la fois plus proche de la vérité et plus intéressant.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » dim. nov. 08, 2009 8:03 pm

Lem a écrit :Mais dans un débat qui implique des affects identitaires.
Parle pour toi.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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Lensman
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Message par Lensman » dim. nov. 08, 2009 8:30 pm

Lem a écrit : Le processus en cours est de type expansion/dissolution – les deux simultanément. Au lieu de se représenter ce moment comme celui de la perte et du deuil, il serait associé à une tension – ce qui me semble à la fois plus proche de la vérité et plus intéressant.
Je ne comprends pas bien...
Oncle Joe

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Message par Lensman » dim. nov. 08, 2009 8:32 pm

Systar: Bel effort, dont je te remercie, mais hors de ma portée...
Oncle Joe

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Message par systar » dim. nov. 08, 2009 8:42 pm

Lensman a écrit :Systar: Bel effort, dont je te remercie, mais hors de ma portée...
Oncle Joe
Mon petit doigt me dit qu'en réalité, mon post est parfaitement à ta portée, mais que tu trouves tout cela plutôt vain, non? :wink:

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Message par Lensman » dim. nov. 08, 2009 8:46 pm

systar a écrit :
Lensman a écrit :Systar: Bel effort, dont je te remercie, mais hors de ma portée...
Oncle Joe
Mon petit doigt me dit qu'en réalité, mon post est parfaitement à ta portée, mais que tu trouves tout cela plutôt vain, non? :wink:
Les choses vaines, ça peut m'intéresser... mais, là, non, je le sens pas.
Oncle Joe

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Message par Lensman » dim. nov. 08, 2009 9:20 pm

Patrice a écrit :Salut,
Je me méfiais de l'idée que la SF était un genre assez spécifiquement américain, étant de l'école Versins. Je suis toujours, et plus que jamais (un gros travail avec mon copain Guy Costes le confirmera à la puissance n dans les années à venir), de l'école Versins (toutes les conjectures m'intéressent), mais par contre, je deviens plus radical sur l'emploi du terme "science-fiction".
Sur ce terrain-là, je te suivrai bien volontiers. Sur l'emploi du terme "Science Fiction", ma foi, je ne vois aucune raison de le restreindre à la seule SF américaine ou d'inspiration américaine. C'est quand même un terme bien pratique pour désigner des littératures qui ont plus de convergences que de divergences entre elles.

A+

Patrice
On a qu'a englober tout cela sous le terme "littérature d'imagination", et le problème sera résolu, il n'y aura plus de discussion. Mais ce serait d'un triste!
Cela dit, je suis d'accord, "science-fiction" est bien commode tout de même, même pris au sens large. Je ne vais pas y renoncer, même si de temps à autre, je serai amené à l'employer dans une acception plus précise.
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » dim. nov. 08, 2009 9:24 pm

Lensman a écrit :Je ne comprends pas...
Il faut élucider chaque post. OK.

1) Oncla a fait une remarque sur le papier de Patrice. J'en ai extrait un bout :
Après, il y a tout le débat sur la dissolution, ou dilution du genre, qui concernerait surtout, en fait, les endroits où la cristallisation n'a pas été aussi accomplie que ça.
2) J'ai attiré l'attention sur le fait que, dans la partie du débat concernant les "problèmes de frontière" avec la littérature (disons), l'usage de termes tels que "dissolution" et "dilution" n'était pas neutre mais implicitement négatif (quel groupe aime se diluer et se dissoudre ?)
3) Puisqu'une partie des gens qui participent au débat ont l'air de trouver que dans le processus dit de dilution, il y a aussi des choses positives (c'est mon cas), j'ai suggéré d'employer un terme positif pour équilibrer les perceptions. La dilution de la sf dans la littérature – postulée, non prouvée – peut aussi être vue comme une victoire (ses thèmes circulent davantage, son esthétique est mieux acceptée, etc.)
4) Effet visé : au lieu de parler du moment actuel comme de celui d'une perte (dilution/dissolution = disparition), le considérer comme une tension (dilution/expansion = se glisser incognito derrière la ligne de front).

Mieux ?

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Message par Lensman » dim. nov. 08, 2009 9:35 pm

Ce que je crois comprendre, là, c'est une sorte de méthode Coué...
L'avantage, c'est que c'est peu coûteux. Et si, en plus, ça soulage...
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Aldaran
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Message par Aldaran » dim. nov. 08, 2009 9:37 pm

Lem a écrit :Le vocabulaire n'est pas neutre.
Lem a écrit :Effet visé : au lieu de parler du moment actuel comme de celui d'une perte (dilution/dissolution = disparition), le considérer comme une tension (dilution/expansion = se glisser incognito derrière la ligne de front).
J'avais cru comprendre que le but était de rapprocher deux mondes. Mais en fait, c'est d'une guerre ouverte dont on nous parle...

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