Prenons un exemple simple : The three stigmata of Palmer Eldritch.Lem a écrit :Je suis assez déconcerté par l'impasse dans laquelle on est arrivé. D'un côté, Roland trouve que la présence des dieux dans la sf est un truisme (sans préjuger de leur interprétation). De l'autre, Oncle réfute que ce mot ait la moindre signification particulière. Ah bon. Quand des gens dont le métier est de manipuler le langage – des écrivains – emploient un terme aussi lourd, on peut vraiment douter que ça n'ait eu à leurs yeux aucune importance (mais je ne refais pas le débat).
Pourquoi et comment passer, en France, d'un tel titre à Le dieu venu du Centaure ?
Alors que les stigmates en question ne sont pas des attributs divins.
La réponse, amha est : parce qu'on peut le faire.
En janvier 1973, nous avons (fait culturel) éliminé le droit divin et, partant, le droit du divin. Le divin devenait accessible, individuellement attaquable.
En prairial an II, nous instituions l'être suprême comme élément de religion naturelle et individuelle. Le divin devenait personnalisable.
En décembre 1905, nous séparions l'église et l'état, donnant à chacun le droit de refuser l'intrusion du divin dans son quotidien. Le divin devenait repoussable.
Nous avons donc la possibilité d'utiliser le divin et ses attributs comme éléments d'étude, de recherche, de questionnement... indépendamment du caractère "métaphysique" de ce sujet.
Ce que les anglo-saxons ne peuvent pas faire.
Les américains ne risquent pas d'imaginer un dieu venu du Centaure.
Dieu, ils l'ont dans leur portefeuille, sur les billets verts et les coins, au fronton des édifices publics, dans l'hymne national, dans la constitution.
Le pire que puisse faire un président des USA est de mentir, car c'est un parjure à son serment fait devant dieu.
Dieu ne peu pas être ou venir d'ailleurs. Il est là, au quotidien.
Et quand les auteurs imaginent des êtres dotés d'attributs divins, ils n'utilisent pas ce vocabulaire simple issu de l'histoire religieuse, mais créent des créatures dotés de pouvoir surhumains, les super-héros.
Superman serait-il né en France que ce serait sans doute le dieu venu de Krypton plutôt que Superman.
Quant à l'Angleterre (et plus généralement le Commonwealth) comment imaginer détourner pour un usage personnel les attributs du divin alors que le gouverneur suprême de l'église d'angleterre est aussi chef de l'état et que remettre en cause son governorat est, implicitement, remettre en cause son statut de souverain.
Gaiman donne une forme de lecture de ce qui est, ou pas, possible dans la littérature américaine dans American gods.
Et il me semble évident que ce qu'un auteur français de SF peut se permettre (ou un traducteur ou un éditeur), un auteur américain ne le peut pas.
Alors la fréquence de l'usage du mot "dieu" dans les titres français de SF relève pour moi de la simple différence culturelle. Rien de métaphysique là dedans.