Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lem

Message par Lem » dim. nov. 22, 2009 6:12 pm

Lensman a écrit :je croyais qu'on parlait de science-fiction...
Tu as raison, revenons aux classiques incontestables.
Gosseyn, voici plus de cinq cents ans… j'ai élevé des non-A, quelqu'un d'autre avait commencé. Je cherchais un endroit pour m'installer ; par ailleurs, j'essayais de découvrir un système qui soit plus qu'une simple continuité ; il m'a semblé que l'homme non-aristotélicien pouvait être cela… Le secret de l'immortalité ne pouvait, naturellement, être confié à des non-intégrés qui, comme Thorson, l'auraient regardé comme un moyen d'accéder au pouvoir suprême…

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MF
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Message par MF » dim. nov. 22, 2009 6:13 pm

Lem a écrit :
MF a écrit :Lem s'étonne de proportion importante d'usage du mot dieu dans les titres SF Français. Pour moi, ça n'a rien de surprenant.
Heu, non, pas du tout, Roland a raison. Les titres cités n'étaient en rien spécifiquement français (j'ai d'ailleurs évité de citer le Dick justement parce que je connaissais son titre anglais). La liste est indifférenciée et la remarque dans Clute et Nicholls s'applique à toute la sf.
Donc, si je te suis bien, la problématique du déni de la SF lié à son lien avec la métaphysique serait franco-française. Culturelle, en quelque sorte ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Message par MF » dim. nov. 22, 2009 6:15 pm

systar a écrit :Petit intermède esthétique dans nos discussions: un peu de vertige, de réification d'idée, de démesure, et de métaphysique:
Qui sait si le temps n'est pas comme le monde, avec une peau de terre composée du sang et des cendres de nos personnalités plus anciennes, un monde d'Adam façonnés dans l'argile et qui s'y décomposent de nouveau? Les briques dont nous sommes faits finissent par se craqueler et tomber en poussière; au bout d'un moment, c'est tout le mur qui s'écroule, puis la poussière ensevelit les décombres, prête à recevoir la prochaine strate de constructions. Beaucoup plus bas, il y a la roche mère, qui donne sa stabilité apparente à l'ensemble, mais encore plus bas, loin, très loin sous la croûte d'un million d'éons, d'un million d'univers, subsiste encore ce noyau de chaos en fusion au coeur de toute chose.
Mouais.
Tu remplaces le noyau de chaos par une tortue et tu obtiens une parfaite description du disque-monde et plus particulièrement d'Ankh-Morpork
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Message par systar » dim. nov. 22, 2009 6:19 pm

Lem a écrit : l'homme non-aristotélicien
véritable philosophie-fiction, soit dit en passant.
Parce qu'elle implique qu'on soit au clair avec ce que c'est qu'un être "aristotélicien".
Ce que ne sont pas les meilleurs spécialistes actuels d'Aristote...
(je joue sur les mots, mais ça donne tout de même à réfléchir...)

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Lensman
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Message par Lensman » dim. nov. 22, 2009 6:25 pm

systar a écrit :
Lensman a écrit : cela dit, les citations de Duncan...je croyais qu'on parlait de science-fiction, et que pour le reste (les anges et les elfes, par exemple), on allait ouvrir un fil spécifique...
Duncan, est-ce que c'est seulement de la fantasy?
Le passage que j'ai cité, moi je lui trouve un goût très prononcé de SF...
... ça n'est pas ma marque préférée… (à dire avec l'accent du professeur von Töplitz)
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Message par Lensman » dim. nov. 22, 2009 6:33 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :je croyais qu'on parlait de science-fiction...
Tu as raison, revenons aux classiques incontestables.
Gosseyn, voici plus de cinq cents ans… j'ai élevé des non-A, quelqu'un d'autre avait commencé. Je cherchais un endroit pour m'installer ; par ailleurs, j'essayais de découvrir un système qui soit plus qu'une simple continuité ; il m'a semblé que l'homme non-aristotélicien pouvait être cela… Le secret de l'immortalité ne pouvait, naturellement, être confié à des non-intégrés qui, comme Thorson, l'auraient regardé comme un moyen d'accéder au pouvoir suprême…
Je suis heureux de voir que tu n'a pas oublié le vieux maître: je ne me souviens pas d'avoir lu son nom dans ta liste des auteurs qui "resteront", que tu donnes en passant (sans insister, je l'admets) dans la préface (à moins que je m'embrouille). C'est autre chose que du Pynchon, Dantec et cie (pour des tas de raisons, d'ailleurs, y compris des assez profondes).
J'avais signalé qu'il y avait des exemples un peu plus frappants que les trucs tirés par les cheveux, genre liste de "dieux", qui tu avais fournis, sous la pression. Il était temps, après cinquante pages... Voilà où on en est: cinquante pages pour enfin arriver à un auteur important...
Tu penses bien que, armé de ma bonne et mauvaise foi, je n'aurai aucun mal à répondre de manière parfaitement satisfaisante (pour moi) et que cela va évidemment apporter de l'eau à mon moulin.
Mais je dois faire une pose pour aller faire une bise à Dracosolis...
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Message par Erion » dim. nov. 22, 2009 6:46 pm

Gérard Klein a écrit : Quand même la question théologique fondamentale, variante du fameux "pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?", demeure: "Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde, puisqu'il est parfait et complet?"
Il s'ennuyait?
A cette question, il me semble que Simone Weil y a apporté une réponse.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Message par Gérard Klein » dim. nov. 22, 2009 6:51 pm

Erion a écrit :
Gérard Klein a écrit : Quand même la question théologique fondamentale, variante du fameux "pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?", demeure: "Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde, puisqu'il est parfait et complet?"
Il s'ennuyait?
A cette question, il me semble que Simone Weil y a apporté une réponse.
Tu peux me rappeler laquelle?

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Message par Erion » dim. nov. 22, 2009 7:16 pm

Gérard Klein a écrit :
Erion a écrit :
Gérard Klein a écrit : Quand même la question théologique fondamentale, variante du fameux "pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?", demeure: "Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde, puisqu'il est parfait et complet?"
Il s'ennuyait?
A cette question, il me semble que Simone Weil y a apporté une réponse.
Tu peux me rappeler laquelle?
«La Création est un acte non pas d’expansion de soi, mais de retrait, de renoncement. [...] Il a vidé de soi une partie de l’être» (Attente deDieu)
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Message par Lem » dim. nov. 22, 2009 7:25 pm

Lensman a écrit :Tu penses bien que, armé de ma bonne et mauvaise foi, je n'aurai aucun mal à répondre de manière parfaitement satisfaisante (pour moi) et que cela va évidemment apporter de l'eau à mon moulin.
J'anticipe, Oncle, pendant que tu fais des baisers au dragon.
Que vas-tu essayer de me dire à propos de AEVV ? Qu'il n'est nullement métaphysique ? Que le passage ci-dessus et tous les autres délires du non-A sont spéculatifs ? Que leur traitement sous forme physique/biologique/linguisitique les rationnalise et les distingue donc radicalement de toute acception barjo ? Autre chose encore que je n'imagine pas ?
Aucun problème.
C'est ce que je m'évertue à répéter depuis le début de ce fil, dès ma réponse au papier de Roland.
Aucun problème car ce n'est pas le problème.
Ce que je dis dans la préface (où, par ailleurs, je ne parle nullement des "auteurs qui vont rester"), c'est que "la sf, avec son obsession pour le ciel, son intérêt pour les choses premières et dernières, ses spéculations sur la nature de l'espace et du temps et son panthéon d'entités géantes a été rejetée hors de la littérature comme de la science. On aurait pu lui pardonner ses néologismes et son goût pour la technique ; pas ses ambitions métaphysiques qui sont apparues comme une régression, l'arrière-garde de cette "éternelle adolescence de l'esprit humain" dont parle George Steiner."
Et dans le paragraphe suivant, je précise : "Il a toujours paru évident [aux lecteurs et auteurs de sf] que les questions ultimes finiraient par être reposées en termes concrets : par la technique."

L'hypothèse de la préface, c'est que la sf a reçu sa réputation de truc pour ado décérébrés parce que ses problématiques les plus excitantes, les plus vertigineuses, constituaient un traitement physique, voire technologique, des problèmes métaphysiques (réification). Le rejet/déni a été produit sans qu'un coup d'œil soit jeté à l'éventuelle rationnalisation de ces problématiques – à la seule lecture de l'énoncé pourrait-on dire : quoi ? En plein XXème siècle, une littérature qui s'occupe d'immortels, d'origine de l'espace-temps, de surhommes, etc. Ridicule !

Et si j'ai affecté à ce facteur de déni/rejet le statut de variable cachée, c'est que pour nous, qui sommes dans la sf, la rationalisation des thèmes nous semblait tellement évidente que nous n'avons pas perçu à quel point elle ne l'était pas pour les lecteurs du dehors. Il n'y a qu'à voir avec quel soin nous nous sommes toujours distingués des hétéroclites en répétant : ceci n'a rien à voir avec la sf. Pour des tas de gens, ça a tout à voir, c'est la même chose. Ce n'est peut-être pas très agréable à entendre, mais je crois que le fait est.

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Message par Lem » dim. nov. 22, 2009 7:26 pm

Gérard Klein a écrit :Tu peux me rappeler laquelle?
Dans l'essai de Nef, cité bien plus haut, il y a cette proposition conclusive assez belle : "Il y a quelque chose pour qu'il y ait quelque chose de vrai."

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » dim. nov. 22, 2009 7:52 pm

Lem a écrit :En plein XXème siècle, une littérature qui s'occupe d'immortels, d'origine de l'espace-temps, de surhommes, etc. Ridicule !
Tu as oublié les petits hommes verts.

Plus métaphysique, tu meurs.
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Message par Fabien Lyraud » dim. nov. 22, 2009 8:04 pm

L'hypothèse de la préface, c'est que la sf a reçu sa réputation de truc pour ado décérébrés parce que ses problématiques les plus excitantes, les plus vertigineuses, constituaient un traitement physique, voire technologique, des problèmes métaphysiques (réification). Le rejet/déni a été produit sans qu'un coup d'œil soit jeté à l'éventuelle rationnalisation de ces problématiques – à la seule lecture de l'énoncé pourrait-on dire : quoi ? En plein XXème siècle, une littérature qui s'occupe d'immortels, d'origine de l'espace-temps, de surhommes, etc. Ridicule !
D'un coté tu marques un point. M'étant intéressé aux rapports entre SF et censure, j'ai découvert que les attaques les plus violentes contre le genre sont venus des milieux catholiques les plus traditionalistes. Le point de départ de cette lutte contre le genre étant le procés de José Moselli en 1924. Pour ces religieux la SF pervertissait le jeunesse. Ils y voyaient même des liens avec le blasphème. Et la figure de l'extra terrestre devenait un substitut du démon de même que le robot. C'est plutôt la rationalité dont faisait preuve le genre qui les dérangeaient. La science niant la litteralité biblique. La pluralité des mondes habités et la multiplicité des espèces extraterrestre niait le fait que l'homme soit un élu divin et conduisait sur les chemins de la relativité culturelle. Ce que ne peuvent accepter ceux qui sont engagés dans une réflexion dogmatique totalement opposée à ces concepts.

Mais d'un autre coté je ne pense pas que la réputation juvénile de la SF vienne du fait que ce soit une littérature métaphysique. Je crois qu'au contraire il faut aller chercher la réponse à cette mauvaise image du genre chez Freud. Le psychanaliste autrichien nous dit en effet que un enfant qui joue est un créateur de monde. Si la création de monde relève du jeu ce ne peut être sérieux. En effet au contraire de l'Allemagne ou des pays Anglosaxons le jeu a assez mauvaise réputation chez nous. Et surtout il est lié au monde de l'enfance. L'adulte ne doit pas jouer. Et là aussi l'éclairage religieux va nous dire pourquoi : la journée du croyant se divise en deux activités chez les catholiques : le travail et la prière. Le loisir détourne l'individu de dieu. Chez les protestants au contraire il y a une démarcation entre le religieux et le profane. On admet que le croyant puisse avoir une vie profane. Bref l'auteur de Sf créée des mondes nouveaux, spécule à partir du réel. Il se rapproche de l'enfant par son geste créateur. Raison pour laquelle sa production littéraire est renvoyé par "les biens pensants" au monde de l'enfance donc et au statut de littérature pour ados attardés.
Bienvenu chez Pulp Factory :
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Message par Papageno » dim. nov. 22, 2009 8:05 pm

Cas démontré pour l'hypothèse du Continu dans les années 1960 par un élève de Gödel dont le nom m'échappe provisoirement, Paul qq chose.
Paul Cohen, je suppose ?

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Message par MF » dim. nov. 22, 2009 8:09 pm

Roland C. Wagner a écrit :
Lem a écrit :En plein XXème siècle, une littérature qui s'occupe d'immortels, d'origine de l'espace-temps, de surhommes, etc. Ridicule !
Tu as oublié les petits hommes verts
Non, non....
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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