De quoi la fantasy est-elle le nom?

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 25, 2009 3:38 pm

silramil a écrit :La hard science me paraît devoir être plus précisément définie que par le simple fait de se tenir à une reconduction des lois physiques de notre monde. Dans l'ensemble, les mondes de science-fiction proposent assez rarement des modifications importantes des lois physiques de notre monde de référence. Quand cela arrive, il reste clair qu'il s'agit toujours de lois physiques, néanmoins.

Pour le premier point, j'ai l'impression que nous ne parlons pas de la même chose. Un univers fait d'abstractions géométriques ne serait pas forcément de la fantasy. Il pourrait s'agir d'un monde rationnel (=SF), du moment qu'il existe des lois régulières.
Un monde de fantasy est un monde sans véritable loi.
Pourquoi, dans ce cas, reprendre beaucoup de choses déjà connues ? Pourquoi mimer en grande partie la régularité de notre monde de référence, si au fond ce n'est qu'un agencement arbitraire, ne ressemblant à ce qu'on connaît que par coïncidences ?
Tout simplement pour intéresser le lecteur : il faut quand même qu'on voie de quoi ça parle.
Bon, pour intéresser le lecteur... mais "mimer en grande partie la régularité de notre monde" ne caractérise pas plus que ça la Fantasy, ça caractérise aussi une grosse partie des autres littératures, tout de même... Il faudrait se recentrer sur ce qu'a de spécifique la Fantasy.
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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mer. nov. 25, 2009 3:48 pm

Mélanie a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :Trop facile : les deux appartiennent à la science-fiction tout en arborant des caractéristiques extérieures au genre.
Tu peux expliquer selon quels critères, d'après toi ? L'oreille interne est un livre que j'aurais personnellement beaucoup de mal à classer.
Sauf erreur de ma part, dans un cas comme dans l'autre, les pouvoirs psi ne sont pas l'émanation d'une quelconque surnature ou transcendance. Ils s'agit donc d'une hypothèse science-fictive.
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silramil
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Message par silramil » mer. nov. 25, 2009 3:52 pm

La spécificité de la fantasy...

La littérature n'a commencé à véritablement prendre la réalité comme modèle strict qu'à partir de la fin du 18e siècle, en même temps que se développait un rationalisme de plus en plus strict. La plupart des textes de la littérature ne reconduisent pas les lois physiques : développer un objet littéraire ne signifie pas faire concurrence à l'état-civil, ni prendre position par rapport aux cadres de la réalité - il suffit de raconter une bonne histoire.

Le roman noir, puis la littérature fantastique se sont développés contre l'esprit rationaliste. Il s'agissait d'inscrire dans la fiction la possibilité que tout n'est pas aussi simple que les scientistes l'affirment, qu'il reste des zones d'inconnu, que nulle science ne réduira jamais.
Les romanciers réalistes, quant à eux, se sont efforcés de reprendre au plus juste leurs observations de la réalité, en partant du principe que rien n'existait sinon le réel défini par la science.

La science-fiction et la fantasy s'inscrivent dans ces positionnements par rapport à la réalité. Un monde de science-fiction dispose d'un point de contact avec notre monde de référence. d'une manière ou d'une autre, un tel monde est compatible avec le nôtre. On n'y dispose de zones inconnues que pour leur trouver des réponses (d'où la frustration du lecteur devant un texte comme Solaris).

Un monde de fantasy, de son côté, est fait d'inconnu et de mystère, sauf qu'ils sont tellement constitutifs de la réalité de la fantasy que personne ou presque ne cherche à percer ces mystères. Ce n'est que par convention et besoin de points de repère qu'il existe de nombreux points communs entre un univers de fantasy et le nôtre, mais dès lors que la magie existe, ce monde de fantasy est radicalement différent de tout ce que nous connaissons.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 25, 2009 4:04 pm

silramil a écrit : - il suffit de raconter une bonne histoire.
Des mauvaises aussi, des fois, je suppose... Mais pouquoi un auteur choisirait-il la Fantasy, plutôt que le roman historique, ou le policier, ou le roman normal?
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systar
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Message par systar » mer. nov. 25, 2009 4:07 pm

Le_navire a écrit :Je trouve la démonstration de systar très convaincante (faut vraiment que je lise Cassirer !) mais fonctionne-t-elle pour toute la Fantasy, comme l'a fait remarquer MF ?

Ou bien juste pour celle qui échappe, justement, à la définition d'Anne Besson ?
Je fabriquais rapidement, disons, une sorte de modèle ou de cadre.
Il faudrait qu'on le précise, notamment en analysant plus finement qu'on ne l'a fait le ressenti typique d'une lecture de fantasy.
"évasion", "immersion", les deux à la fois? à préciser, et là tous les vécus de lecteurs sont intéressants à écouter.
Si la fantasy répète, c'est parce qu'elle n'innove pas conceptuellement. OK.
Mais alors, quelle est l'émotion qui découle de ce ressassement, de ce retour de thèmes qui ne sont jamais tout à fait autres, ni tout à fait les mêmes?
La fantasy proposerait-elle au lecteur une structuration cyclique de son propre temps de vie? Structuration "liturgique", rituelle? Un substitut du temps religieux cyclique?
(ça collerait avec le lien qu'on a évoqué entre fantasy et quêtes nouvelles et parfois maladroites de spiritualités qui sont dans l'air du temps...)

Ensuite, bien sûr, on affinera, et on redira clairement que les grandes oeuvres de fantasy sont aussi celles qui se portent aux limites de ce cadre de référence que l'on pourrait construire ici pour comprendre la fantasy.


je comprends d'autant plus qu'on colle les Star Wars dans la Fantasy plutôt que dans la SF...^^
Du reste, l'univers de Star Wars emprunte explicitement aux Nibelungen. Dont il faut bien dire que l'histoire provoque typiquement une émotion fantasy ;-) (forcément: le mythe...)

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kibu
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Message par kibu » mer. nov. 25, 2009 4:11 pm

parenthèse
silmaril >> Qu'entends-tu exactement par "roman noir" ?
Fin de parenthèse
A l'envers, à l'endroit

Ô Dingos, ô châteaux

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silramil
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Message par silramil » mer. nov. 25, 2009 4:13 pm

Alors là se greffe un problème supplémentaire. Quand tu parles de roman historique et de roman policier, tu parles de romans historique/policier réalistes, je suppose ? Parce qu'il existe des romans historiques de fantasy ou de science-fiction et des romans policiers de fantasy ou de science-fiction.
Quand un écrivain veut écrire une histoire policière, il met en scène une enquête, avec des criminels et des enquêteurs, en gros. Dans la majorité des cas actuellement, il choisit un cadre réaliste, parce qu'il considère que les attentes de ses lecteurs (et de ses éditeurs par conséquent) correspondent à ce cadre.
Mais s'il choisit de faire cette enquête dans un monde de fantasy ou de science-fiction, il aura également des criminels et des enquêteurs. Ce qui change, c'est le cadre ontologique (de réalité) qui permet à l'histoire de progresser. S'il y a de la magie, bim, c'est de la fantasy, s'il y a des objets rationnels mais sans référent dans la réalité, paf c'est de la SF. En gros.

Quant à savoir pourquoi un auteur pourrait avoir envie de placer son histoire dans un monde de fantasy plutôt qu'autre chose, je dirais que ça dépend essentiellement de ce qu'il a à dire sur le monde. La fantasy met beaucoup plus l'accent sur les valeurs morales et le parcours individuel, tout en faisant appel à un bestiaire coloré et dynamique, que les cadres réalistes ou SF, donc ça peut être une des raisons.

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marypop
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Message par marypop » mer. nov. 25, 2009 4:14 pm

Roland C. Wagner a écrit :
Mélanie a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :Trop facile : les deux appartiennent à la science-fiction tout en arborant des caractéristiques extérieures au genre.
Tu peux expliquer selon quels critères, d'après toi ? L'oreille interne est un livre que j'aurais personnellement beaucoup de mal à classer.
Sauf erreur de ma part, dans un cas comme dans l'autre, les pouvoirs psi ne sont pas l'émanation d'une quelconque surnature ou transcendance. Ils s'agit donc d'une hypothèse science-fictive.
Je pensais que tu allais me dire que le vol de pégase était de la fantasy en fait :)
Comme quoi je peux être surprise parfois (et cela est bon).

Disons que pour revenir à ton point de départ sur la nature du monde respectant le notre ou non, Star Wars ne serait donc pas de la SF (du bruit dans l'espace !!!) mais en deviendrait dans la préquelle avec l'arrivée des mitochondriens qui expliquent le tout en accord avec notre monde.

Bon, je ne partage pas forcément ce point de vue, pour moi l'oreille interne c'est de la SF et Mc Caffrey de la Fantasy.
Et en disant cela je rejoins un nombre élevé de posts de ce fil, sur le côté rassurant et convenu que peut souvent avoir la fantasy.
Pern peut aussi bien être vu comme de la SF que comme de la Fantasy, et j'aime beaucoup ce qu'écrivait Mc Caffrey (avant Acorna quoi qui est vraiment de trop) cela n'en reste pas moins de la Fantasy sur la construction.

Je prends un exemple, la quatrième de couv de La Rowane du cycle du vol de pégase
La Rowane, à l'âge de trois ans, avait déjà le Don, mais nul ne s'en doutait. Il fallut qu'arrivât le terrible accident... et elle poussa ce cri mental, cet atroce cri de détresse qui fut entendu par tous les télépathes de la planète.
Une clairvoyante prophétisa : « Protégez-la bien, cette enfant. Longue et solitaire sera sa route. Mais elle nous sauvera d'une catastrophe sans commune mesure avec celle qui la met aujourd'hui en danger. il faut absolument garder la gardienne. »
Alors on la récupéra, on la bourra de médicaments qui effacèrent tout souvenir du désastre. Elle grandit. Elle apprit à se servir de son pouvoir, qui ne remplaçait pas sa famille perdue. Elle devait bien se douter qu'elle était mal partie. Les Doués ne sont pas toujours très aimés. Ni très heureux. Pourtant il y avait une force en elle. Elle pouvait aller plus loin qu'aucun autre. Peut-être attendait-elle celui qui l'aiderait à découvrir la fusion mentale, le voyage instantané et peut-être un jour, qui sait ? la trace ensevelie de sa première enfance et le courage d'accomplir la prophétie.

La grande Anne McCaffrey n'est pas seulement la créatrice des chevaliers-dragons de Pern. Elle a exploré d'autres pouvoirs, qui posent d'autres problèmes. Ses Doués sont un peu comme les surdoués, à la fois des stars et des parias, vivant dans l'attente d'un dialogue avec l'interlocuteur prodige. Et condamnés, en toute hypothèse, à battre des records.
Nous avons donc une héroïne, enfant, destinée à sauver le monde suite à une prophétie. Elle doit pour ce faire apprendre à utiliser ses pouvoirs et en chemin retrouver les souvenirs de son enfance.
Elle est rejettée par le monde et n'a plus de famille.

C'est clairement une ligne directrice qui sonne Fantasy, même transposée dans un univers de type space op.[/quote]
Modifié en dernier par marypop le mer. nov. 25, 2009 4:23 pm, modifié 1 fois.

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silramil
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Message par silramil » mer. nov. 25, 2009 4:15 pm

kibu a écrit :parenthèse
silmaril >> Qu'entends-tu exactement par "roman noir" ?
Fin de parenthèse
my mistake : je parle essentiellement du roman gothique anglais, que j'ai l'habitude de désigner "roman noir", alors que ça prête à confusion.

systar
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Message par systar » mer. nov. 25, 2009 4:15 pm

Lensman a écrit :A lire ce fil, j'ai l'impression que la Fantasy n'a pas grand chose à faire de la métaphysique, à l'inverse de cette vraie grande littérature raffinée de l'imaginaire qu'est la SF. Amateurs de Fantasy, encore un effort pour être métaphysiciens!
Oncle Joe
Mon cher Tonton,

j'ai, rien que pour toi, un peu de métaphysique expliquée pour les fans de mythologie.
Tu y verras un procédé rigolo par lequel il est montré que derrière toute phrase de métaphysique se cache un mythe, ou un roman de fantasy potentiels (comme on voudra).

Voici:
Dans le Jardin d'Epicure d'Anatole France, un dialogue intitulé "ou le langage métaphysique".
Dans ce dialogue, un personnage cite une phrase de métaphysique classique:
"L'âme possède Dieu dans la mesure où elle participe de l'absolu."
Puis il procède à un travail d'étymologie sur tous les concepts de la phrase, pour obtenir, en réactivant la densité réelle d'origine de ces mots:
"Le souffle est assis sur celui qui brille au boisseau du don qu'il reçoit en ce qui est tout délié (ou subtil)", d'où:
"Celui dont le souffle est un signe de vie, l'homme, prendra place (sans doute après que le souffle sera exhalé) dans le feu divin, source et foyer de la vie, et cette place lui sera mesurée sur la vertu qui lui a été donnée (par les démons, j'imagine) d'étendre ce souffle chaud, cette petite âme invisible, à travers l'espace libre (le bleu du ciel, probablement)."

Et la conclusion (que Derrida va commenter):

"Et remarquez que cela vous a l'air d'un fragment d'hymne védique, que cela sent la vieille mythologie orientale. Je ne réponds pas d'avoir rétabli ce mythe primitif dans toute la rigueur des lois qui régissent le langage. Peu importe. Il suffit qu'on voie que nous avons trouvé des symboles et un mythe dans une phrase qui était essentiellement symbolique et mythique, puisqu'elle était métaphysique.
"Je crois vous l'avoir assez fait sentir, Ariste: toute expression d'une idée abstraite ne saurait être qu'une allégorie. Par un sort bizarre, ces métaphysiciens, qui croient échapper au monde des apparences, sont contraints de vivre perpétuellement dans l'allégorie. Poètes tristes, ils décolorent les fables antiques, et ils ne sont que des assembleurs de fables. Ils font de la mythologie blanche."
J'ai pas tout recopié du texte de Derrida, j'ai simplifié un peu.
Parce qu'évidemment Derrida va expliquer en long, en large et en travers, que c'est trop simpliste, comme dissolution de la métaphysique ou comme définition de la métaphysique comme mythologie chiante.

D'où: les liens entre fantasy et métaphysique me semblent tout à fait présents, et à la limite: de façon bien plus directe qu'entre SF et métaphysique... 8)
Modifié en dernier par systar le mer. nov. 25, 2009 4:18 pm, modifié 2 fois.

rmd
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Message par rmd » mer. nov. 25, 2009 4:17 pm

marypop a écrit : C'est clairement une ligne directrice qui sonne SF, même transposée dans un univers de type space op.
fantasy tu veux dire.
Après des années de cérémonie du Thé, il n’y a rien de meilleur que de vomir de la Bière.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 25, 2009 4:21 pm

systar a écrit :
D'où: les liens entre fantasy et métaphysique me semblent tout à fait présents, et à la limite: de façon bien plus directe qu'entre SF et métaphysique... 8)
Tu essaies de me brouiller avec mes nouveaux amis de la Fantasy (qui aiment van Vogt), c'est ça?
Oncle Joe

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Message par marypop » mer. nov. 25, 2009 4:23 pm

rmd a écrit :
marypop a écrit : C'est clairement une ligne directrice qui sonne SF, même transposée dans un univers de type space op.
fantasy tu veux dire.
Fixed, je te remercie :)

systar
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Message par systar » mer. nov. 25, 2009 4:28 pm

Lensman a écrit :
systar a écrit :
D'où: les liens entre fantasy et métaphysique me semblent tout à fait présents, et à la limite: de façon bien plus directe qu'entre SF et métaphysique... 8)
Tu essaies de me brouiller avec mes nouveaux amis de la Fantasy (qui aiment van Vogt), c'est ça?
Oncle Joe
Ose me dire que tu n'as pas aimé cette citation!

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Message par Lensman » mer. nov. 25, 2009 4:35 pm

marypop a écrit :
rmd a écrit :
marypop a écrit : C'est clairement une ligne directrice qui sonne SF, même transposée dans un univers de type space op.
fantasy tu veux dire.
Fixed, je te remercie :)
Le lapsus de la mort!
Je trouve que les interprétations psychanalytiques sont peu présentes dans les discours... A force de les croire banales et surfaites, on finit par les perdre complètement de vue, et c'est dommage...
Oncle Joe

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