De quoi la fantasy est-elle le nom?

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Mélanie
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Message par Mélanie » jeu. nov. 26, 2009 11:09 am

silramil a écrit :JDB et Mélanie :
Dans La Peau de chagrin, c'est "vouloir, pouvoir, savoir". Quel type de récit correspondrait à "vouloir"?
Bonne question. D'emblée, je dirais : pas le fantastique, qui correspondrait davantage à "refuser" (au sens de nier) qu'à celui de "vouloir". Dans "vouloir", j'entends "volonté" qui me renvoie à l'aspect héroïque de la fantasy. Affirmer son identité propre, encore une fois, s'opposer à la tyrannie, à une autorité oppressante, à un destin programmé, que sais-je encore.
Quand à savoir si ce "vouloir" peut s'appliquer à la SF, je n'en sais rien, je laisse d'autres répondre.

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Message par Mélanie » jeu. nov. 26, 2009 11:10 am

MF a écrit :
silramil a écrit :Dans La Peau de chagrin, c'est "vouloir, pouvoir, savoir". Quel type de récit correspondrait à "vouloir"?
Quelle différence fais-tu entre "vouloir" et "croire" ?
Je dirais : on croit à quelque chose qui est ou n'est pas là, alors que dans l'idée de vouloir, il y a celle d'agir sur ces mêmes choses.

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Message par silramil » jeu. nov. 26, 2009 11:14 am

ATv : le texte en question s'appelle "La peur".
Un voyageur rencontré raconte au narrateur en quelles occasions il a vraiment ressenti la peur. La première fois, c'est en entendant un étrange bruit de tambour en plein désert, bruit de tambour lancinant, expliqué de manière peu satisfaisante par un phénomène naturel impossible à observer pour lui, le ressac du sable sur des plantes enfouies.
La deuxième fois, c'est alors qu'il passait la nuit dans la maison d'un garde-chasse, qui redoutait le retour d'un braconnier abattu pile deux ans plus tôt. Des phénomènes étranges s'étaient passés l'année précédente à la date anniversaire, si bien que le garde-chasse, entouré de sa famille armée jusqu'aux dents, attendait le revenant en tremblant pour leurs vies.
Le chien se mit subitement à hurler à la mort et on le chassa de la maison : quelque temps après, une figure barbue, démoniaque, se profila à la porte. un coup de fusil éloigna l'ombre, mais pendant toute la nuit on l'entendit gratter à la porte.
Au matin, on se rendit compte que c'était le chien.

L'effet fantastique, dans cette nouvelle, tient au doute entretenu par l'auteur sur la nature exacte des phénomènes - cette figure barbue était-elel l'ombre du chien, ou y a-t-il vraiment eu un esprit démoniaque ? Le fait de trouver le cadavre du chien au matin ne règle rien - la peur ressentie par les gens présents n'était pas naturelle, ils peuvent avoir eu l'intuition d'un maléfice remettant en cause la réalité, et la mort du chien peut n'être qu'une couverture laissée là pour étouffer les soupçons.

Les professeurs de français, par ailleurs, ont tendance à suivre le principe de Todorov, selon lequel le doute est constitutif du fantastique - on peut donc avoir un texte dont la chute est parfaitement rationnelle, du moment que le corps du texte entretient le doute.

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Message par Mélanie » jeu. nov. 26, 2009 11:17 am

silramil a écrit :Quant à l'explication fournie par les mythologies de fantasy, c'est toujours un dispositif narratif de justification dissimulant l'irrationalité fondamentale du monde. Si des dieux ont créé le monde et ses habitants, ils sont responsables des conventions physiques : en priant ces dieux, on peut obtenir des miracles, c'est-à-dire de s'affranchir de ces conventions, ce qui signifie que ce n'est que de manière temporaire et arbitraire que ce qu'on prend de prime abord pour des lois physiques s'appliquent en général. Une intervention divine n'implique pas de revoir tout le système des lois - ce n'est que la manifestation du fait que tout l'édifice physique repose sur le bon vouloir d'entités surnaturelles.
Une question d'ailleurs, comme ça fait plusieurs fois que tu parles d'intervention divine. Il y en a tant que ça, des dieux, en fantasy ? Il me semble que c'est fréquent sans être systématique pour autant. Quand je lis tes explications à ce sujet, ça me fait tout de suite penser à la série de Chalion de Lois McMaster Bujold, dont l'un des ressorts est la possibilité, en priant les dieux, de les faire intervenir - mais ce n'est jamais sans conséquences. Mais sinon, je vois pas mal de romans de fantasy ou la question de la divinité n'intervient jamais. C'est plutôt comme si les lois naturelles de ces univers étaient différentes, mais on ne parle pas de dieux pour autant.

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Message par silramil » jeu. nov. 26, 2009 11:20 am

Mélanie a écrit :
MF a écrit :
silramil a écrit :Dans La Peau de chagrin, c'est "vouloir, pouvoir, savoir". Quel type de récit correspondrait à "vouloir"?
Quelle différence fais-tu entre "vouloir" et "croire" ?
Je dirais : on croit à quelque chose qui est ou n'est pas là, alors que dans l'idée de vouloir, il y a celle d'agir sur ces mêmes choses.
Etrange question : vouloir renvoie à la volonté, à la formulation de désirs et d'appétits. Comme Mélanie, je relie vouloir et agir.
Croire renvoie à la croyance, c'est quelque chose de passif et de subi, et le fondement d'un point de vue sur le monde.
Pour moi, croire, c'est subir. De ce point de vue, c'est effectivement un bon résumé du fantastique. Mais je voulais mettre en garde contre la tentation de la trinité : un rythme ternaire laisse penser qu'on a fait le tour de la question ; donc je signalais qu'à cette trinité du "croire, pouvoir, savoir", on pouvait substituer bien d'autres trinités...

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Message par silramil » jeu. nov. 26, 2009 11:26 am

Mélanie a écrit :
silramil a écrit :Quant à l'explication fournie par les mythologies de fantasy, c'est toujours un dispositif narratif de justification dissimulant l'irrationalité fondamentale du monde. Si des dieux ont créé le monde et ses habitants, ils sont responsables des conventions physiques : en priant ces dieux, on peut obtenir des miracles, c'est-à-dire de s'affranchir de ces conventions, ce qui signifie que ce n'est que de manière temporaire et arbitraire que ce qu'on prend de prime abord pour des lois physiques s'appliquent en général. Une intervention divine n'implique pas de revoir tout le système des lois - ce n'est que la manifestation du fait que tout l'édifice physique repose sur le bon vouloir d'entités surnaturelles.
Une question d'ailleurs, comme ça fait plusieurs fois que tu parles d'intervention divine. Il y en a tant que ça, des dieux, en fantasy ? Il me semble que c'est fréquent sans être systématique pour autant. Quand je lis tes explications à ce sujet, ça me fait tout de suite penser à la série de Chalion de Lois McMaster Bujold, dont l'un des ressorts est la possibilité, en priant les dieux, de les faire intervenir - mais ce n'est jamais sans conséquences. Mais sinon, je vois pas mal de romans de fantasy ou la question de la divinité n'intervient jamais. C'est plutôt comme si les lois naturelles de ces univers étaient différentes, mais on ne parle pas de dieux pour autant.
Oui, tu as raison. J'ai de ce point de vue une déformation due à ma pratique du jeu de rôles, dans lequel l'arrière-plan mythologique est toujours précisé, puisque les JDR fonctionnent comme des nomenclatures destinées à devenir des matrices narratives.

J'ai par ailleurs toujours en tête l'univers de Pratchett, qui joue justement avec ce type de représentation maximaliste. Pratchett me paraît un bon guide pour réfléchir à la création en fantasy, en raison justement de ses tendances parodiques.

Enfin, je parlais plus spécifiquement de l'heroic fantasy : dans la belgariade ou les romans de Moorcock, les dieux interviennent et expliquent un certain nombre de règles (auxquelles ils sont souvent soumis aussi) - ces règles sont aux lois physiques ce que les rituels de sorcellerie sont aux expériences scientifiques - ça ressemble de loin, mais ça n'a rien à voir.

Et on peut trouver des exemples de dieux intervenant dans le quotidien dans la fantasy urbaine. Sans parler de Neil gaiman, je pense par exemple à Wonderful, de david Calvo, dont le pivot narratif est la révélation que les représentations rationnelles humaines ne sont qu'une aberration temporaire due à la maladie d'une divinité et que le monde suit bien d'autres règles, en rapport avec le bon vouloir des planètes.

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Message par silramil » jeu. nov. 26, 2009 11:29 am

Par ailleurs, il n'est pas besoin de dieux ou de référence à une création pour que les "lois naturelles" soient, non pas différentes, mais de simples trompe-l'oeil. Dès lors que la magie existe, c'est-à-dire la possibilité de prendre des raccourcis dans la réalité, aucune loi naturelle n'existe. Il n'y a que des représentations conventionnelles, susceptibles d'être modifiées par la volonté d'un individu.

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Message par MF » jeu. nov. 26, 2009 12:03 pm

Mélanie a écrit :
MF a écrit :
silramil a écrit :Dans La Peau de chagrin, c'est "vouloir, pouvoir, savoir". Quel type de récit correspondrait à "vouloir"?
Quelle différence fais-tu entre "vouloir" et "croire" ?
Je dirais : on croit à quelque chose qui est ou n'est pas là, alors que dans l'idée de vouloir, il y a celle d'agir sur ces mêmes choses.
L'idée action n'implique-t-elle pas, déjà, une forme de pouvoir ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par Lensman » jeu. nov. 26, 2009 12:06 pm

silramil a écrit : J'ai par ailleurs toujours en tête l'univers de Pratchett, qui joue justement avec ce type de représentation maximaliste. Pratchett me paraît un bon guide pour réfléchir à la création en fantasy, en raison justement de ses tendances parodiques.
Tiens, est-ce que tu verrais un équivalent en SF, au niveau parodique, que l'on pourrait voir comme éclairant sur la manière dont s'est construite et fonctionne la science-fiction?
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Message par kemar » jeu. nov. 26, 2009 12:33 pm

Le problème de Pratchett comme source d'éclairage est précisément que son œuvre est maximaliste, autrement dit qu'il englobe forcément par définition la présence des dieux, alors que celle-ci n'est pas une constante en fantasy, tout comme la présence de magie.

Un autre exemple d'absence totale de magie serait la trilogie Loredan d'après mes souvenirs.

Comme tu l'as dit, cela n'infirme cependant en rien le mécanisme sous-jacent

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Message par jlavadou » jeu. nov. 26, 2009 12:50 pm

Je reviens un peu en arrière par rapport aux séries fantastiques : certes, il y a des séries fantastiques, mais dans la plupart des cas (en tout cas de ce que j'ai vu), les épisodes sont indépendants, ils ne se suivent pas : soit ils introduisent à chaque épisode un nouvel élément fantastique, soit ils réutilisent le même élément fantastique dans plein de situations différentes.

Voir X-Files par exemple. Le fil conducteur d'X-Files est plutôt science-fictif.

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Message par Roland C. Wagner » jeu. nov. 26, 2009 12:50 pm

Buffy ?
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Message par jlavadou » jeu. nov. 26, 2009 12:55 pm

Roland C. Wagner a écrit :Buffy ?
Pas vu beaucoup de Buffy, donc je vais peut-être dire une bêtise, mais il me semble que le fil conducteur tient plutôt à l'évolution des personnages et de leurs relations, qu'à un véritable développement d'un élément fantastique (autre que savoir c'est qui le vrai méchant). Mais j'aime pas Buffy, alors :)

En revanche il y a un autre contre-exemple qui me parle plus : Dead like me. Ah, et il y a aussi Carnival...

Bon, oubliez ce que j'ai dit :)

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Message par Roland C. Wagner » jeu. nov. 26, 2009 1:06 pm

jlavadou a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :Buffy ?
Pas vu beaucoup de Buffy, donc je vais peut-être dire une bêtise, mais il me semble que le fil conducteur tient plutôt à l'évolution des personnages et de leurs relations, qu'à un véritable développement d'un élément fantastique (autre que savoir c'est qui le vrai méchant).
Le fil conducteur de la saison 3, pour ne citer qu'un exemple, est clairement un développement d'un élément fantastique.
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Message par marypop » jeu. nov. 26, 2009 1:29 pm

Roland C. Wagner a écrit :
jlavadou a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :Buffy ?
Pas vu beaucoup de Buffy, donc je vais peut-être dire une bêtise, mais il me semble que le fil conducteur tient plutôt à l'évolution des personnages et de leurs relations, qu'à un véritable développement d'un élément fantastique (autre que savoir c'est qui le vrai méchant).
Le fil conducteur de la saison 3, pour ne citer qu'un exemple, est clairement un développement d'un élément fantastique.
Toute la série développe l'univers et contient une mythologie dense.
Chaque saison plus ou moins a un arc distinct.
Dans tous les cas les épisodes se suivent très clairement.
Mais ceci dit je trouve que dans X-Files aussi :)

Alors que du coup, par exemple dans Dead like me, il y a davantage d'épisodes stand alone avec un fil conducteur plus ténu.
Globalement, voir un épisode de Buffy si tu n'as pas vu les précédents c'est très perturbant tu vas rater presque toute l'intrigue, alors que dans DLM pas vraiment.

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