systar a écrit :
ATTENTION: SPOILER SUR GAGNER LA GUERRE
Quand tu as imaginé tes elfes pour le roman, quels aspects as-tu choisi de prélever dans toute la riche histoire que tu cites à propos du mythe des elfes? Comment les as-tu peu à peu imaginés?
Etais-tu très conscient de la reprise et/ou de la variation que tu allais proposer dans l'histoire de l'utilisation de l'elfe en fantasy, ou était-ce simplement qu'il te fallait deux personnages séducteurs et magnifiques pour proposer à Benvenuto une parenthèse enchantée (et alcoolique), le temps de son exil?
Insertion et positionnement très conscients dans l'histoire du genre, ou pure logique narrative interne à ton récit?
Je confirme :
Attention, ça spoile !
Mes elfes relevaient très consciemment de la reprise et de la variation du motif en fantasy.
D'une part, sur un plan purement personnel, les trois elfes qui apparaissent dans le récit sont antérieurs à la genèse du roman. Deux sont issus d'un univers de jeu de rôle (Melanchter et Eirin), et mes propres joueurs les ont croisés ; Annoeth est apparu d'abord dans
Le conte de Suzelle, avant de réapparaître dans le roman.
Dans la mesure où cela fait longtemps que je m'intéresse à la figure de l'elfe, les personnages du roman ont des caractéristiques issues de plusieurs influences. J'ai repris chez Tolkien ce qui a été extrapolé du fonds païen (séduction, lumière, voyance, rapport au temps différent) et j'ai gommé les interprétations chrétiennes qu'il y avait ajoutées. Ainsi, le caractère festif, alcoolisé et hivernal de l'épisode à Bourg-Preux est en connexion avec le "sacrifice aux elfes" - même si la "compagnie folle", quant à elle, est un emprunt à des traditions festives françaises attestées dans les milieux urbains de la deuxième moitié du moyen âge. (A propos de l'alcool, je vous renvoie d'ailleurs aux elfes ivres du
Hobbit, eux aussi héritiers des fêtes de la fécondité.) La séduction de mes elfes (et même le caractère coureur d'Eirin) renvoie bien sûr à leur relation avec la troisième fonction.
J'ai aussi joué avec d'autres références : les stigmates qui affligent Eirin et Melanchter contribuent à leur symbolisme païen. Eirin "Main d'argent" est à mettre en relation avec Nuada ; l'œil mutilé de Melanchter est un indice du pouvoir sorcier dont il dispose. (Benvenuto sent d'ailleurs le poids de son regard quand il explore la ville haute, au début de son séjour à Bourg-Preux, même s'il est incapable de trouver l'origine de son malaise.) Quant à Annœth Veiddawc, son nom est emprunté au conte gallois
Kulhwch et Olwen : c'est une basse plaisanterie vis-à-vis de ce personnage étourdi, qui trouve toujours le moyen d'oublier ce qui est important (honorer sa promesse auprès de Suzelle, seconder ses défunts amis Ossirian et Gilliomer au cours de la bataille de la Listrelle, transmettre un message à Benvenuto)… En vieux gallois, Annoeth Veiddawc signifiait "le sot insolent", et c'était le nom attribué, sans doute déjà par plaisanterie, à un des suivants d'Arthur dans la tradition brittonique. (Il n'y a pas que les personnages ciudaliens qui ont essuyé mes sarcasmes à deux deniers…)
J'ajouterai que j'ai aussi joué avec les elfes sur un autre mode… A ma connaissance, à ce jour, seul un critique a partiellement levé ce tour de bonneteau. Mais il n'y a pas de relation directe avec des références anciennes, et je garderai donc le silence à ce sujet.
