Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Sand
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Message par Sand » dim. déc. 20, 2009 9:24 pm

Papageno a écrit :
je ne connais pas le texte, mais présenté comme ça, c'est du fantastique.

Je ne sais pas ! mais moi, le texte de Bixby m'a toujours fait l'effet d'un texte de SF (et un classique comme dit Lem)
Si ce n'est pas le cas, alors, une très grande partie de la SF serait du fantastique (beaucoup de Dick entre autre).
D'ailleurs le thème de la nouvelle Bixby est assez courant et apparait sous multiples formes chez diverse auteurs, Bester par exemple (Étoile du soir, étoile d'espoir)
de mon point de vue, oui. Tout simplement parce que les anglo-saxons n'ont pas cette "case". Et les textes multi-classés sont aussi nombreux.

Mais comme je suis une fille bien élevée, j'évite de bouleverser mes petits camarades avec mes façons de voir les choses pas toujours en ligne avec les frontières établies depuis depuis. Tout ceci n'a pas d'importance, et ne mérite pas de se prendre la tête ^^

C'est juste une petite dose de flou science-fictionnesque de plus ! :lol:

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bormandg
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Message par bormandg » dim. déc. 20, 2009 9:41 pm

Sand a écrit :
bormandg a écrit :Bon, comme je l'ai écrit un certain nombre de fois, ce que nous appelons fantastique est, effectivement, l'irruption de l'inexplicable dans un univers qui se veut explicable. La SF regroupe effectivement tous ces "mondes explicables", alors que la fantasy rejette toute recherche d'explication rationnelle. Pour le classement US, un texte "fantastique" va donc paraître plus proche de la SF que de la fantasy. D'où la possibilité de classer SF Lovecraft, ou les Étranges Études du Dr Paukenschlager. de Jean Ray (et pourquoi pas La Ruelle ténébreuse?)... :?
Sauf que c'est pitié que de classer en deux catégories (sur le modèle US) quand nous avons la chance d'avoir trois possibilités, nous.
Le problème est de savoir ce qui rentre dans l'école SF (dirigée par Gernsback, puis Campbell...) ou pas, d'une part ,et ce qui doit être classé dans l'une ou l'autres des formes de la fiction (en n'oubliant pas le "pseudo-réel" et le "psychologique")... :twisted:
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

Lem

Message par Lem » dim. déc. 20, 2009 10:02 pm

Erion a écrit :
Lem a écrit :Il n'y a aucune justification rationnelle des pouvoirs du gamin. C'est comme ça, il faut l'accepter. C'est très pré-dickien, d'une certaine manière. Mais c'est totalement de la SF – un pur classique, en fait. Sa seule existence suffit à réfuter l'objection de Parrinder.
Pas du tout.
Comment ça, "pas du tout" ? L'histoire de Bixby est un classique de la SF et elle contrevient directement à la norme édictée dans le passage que tu as cité :
It cannot be a "metaphysical wish dream such as omnipotence', since it is 'intrinsically or by definition impossible for SF to acknowledge any metaphysical agency, in the literal sense of an agency going beyond physis
Par ailleurs :
Sand a écrit :j'ai l'impression que ce que tu présentes, à juste titre, comme ta vision personnelle du bidule, et qui a toute la légitimité voulue, tu veux en faire la définition pour tout le monde, en basant une histoire de la SF dessus
Je ne veux imposer la définition à personne. Je dis quels sont mes postulats de départs et je rends compte de ce qu'ils permettent de décrire du phénomène. On peut étudier les diamants sous l'angle géologique, économique ou symbolique. Ces trois approches partent du même objet mais permettent de découvrir des choses différentes. Aucune des trois ne peut prétendre épuiser le sujet. Ce qui m'intéresse, c'est de considérer la SF comme phénomène esthétique. Dans cette optique, j'en propose une définition et je désigne le corpus associé. Je ne comprends pas pourquoi ça te pose un tel problème.
C'est extrêmement désagréable de passer de
la métaphysique est la variable cachée du déni
à
en fait j'aimerais faire une histoire de la SF (en espérant que ça aide à en finir avec le déni)
à
en fait j'aimerais étudier le sense of wonder
Je publie des fragments de cette enquête depuis dix ans. Comme l'a dit Systar sur son blog, on peut difficilement me reprocher d'avoir pris tout le monde par surprise : il suffisait de me lire (y compris simplement les interviews) pour savoir ce que je voulais faire. Au bout d'une centaine de pages ici, les spéculations sur mes buts sont devenues telles que j'ai précisé que M prenait place dans un projet plus général d'Histoire. Les protestations fusent aussitôt : "l'histoire de quoi ? Comment définis-tu la SF ?" Je réalise qu'en fait, personne n'a pris en compte ce que j'ai écrit avant et qu'il va falloir aborder le problème de la définition – ce que j'ai suggéré autour de la page 100, je crois. Je suis désolé que tu trouves ça désagréable.
Papageno a écrit :Si ce n'est pas le cas, alors, une très grande partie de la SF serait du fantastique (beaucoup de Dick entre autre).
Voilà typiquement le genre de problématique insoluble dont je ne veux plus. Tant qu'on n'a pas réussi à passer par-dessus ces histoires de classification par l'objet, on est arrêté à la première page du premier livre. Comme toi, je pense que Good life est un classique de la SF, reconnu comme tel, qu'on ne peut pas re-classer ailleurs simplement parce qu'on se rend compte après cinquante ans que le postulat fondateur de l'histoire n'est pas rationnalisable. C'est une nouvelle de SF parce que quand on la lit, on sait que c'en est. C'est comme ça que le label a été attribué tout au long de l'histoire du genre et procéder de cette manière pour écrire une Histoire ne me semble pas hors de propos.
Modifié en dernier par Lem le dim. déc. 20, 2009 10:15 pm, modifié 1 fois.

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Erion
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Message par Erion » dim. déc. 20, 2009 10:07 pm

Lem a écrit :
Erion a écrit :
Lem a écrit :Il n'y a aucune justification rationnelle des pouvoirs du gamin. C'est comme ça, il faut l'accepter. C'est très pré-dickien, d'une certaine manière. Mais c'est totalement de la SF – un pur classique, en fait. Sa seule existence suffit à réfuter l'objection de Parrinder.
Pas du tout.
Comment ça, "pas du tout" ? L'histoire de Bixby est un classique de la SF et elle contrevient directement à la norme édictée dans le passage que tu as cité :
It cannot be a "metaphysical wish dream such as omnipotence', since it is 'intrinsically or by definition impossible for SF to acknowledge any metaphysical agency, in the literal sense of an agency going beyond physis
Absolument pas (cf le message qui rajoutait des éléments en partant de l'opposition Wells/Borges).

Edit : et je rajoute, histoire de pas tourner en rond, que l'article existe, il est publié, et que si la question t'interpelle, je te renvoie au texte d'origine. Parrinder non seulement reprend les théories de Suvin, mais les critique, en montre les motivations et les limitations.
Je ne vais pas tirer des propos un par un, d'un article plus large. Mais je trouvais amusant que la définition du "cognitive estrangement" qui te plaît tant, ait été construite PRECISEMENT pour rejeter la métaphysique et comme critère de distinction.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

JDB
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Message par JDB » dim. déc. 20, 2009 11:56 pm

Lem a écrit : Il existe une nouvelle archi-connue du domaine, It's a good life de Jérôme Bixby, ("C'est vraiment une bonne vie"), parue en 1954, finaliste du Prix Hugo et adaptée deux fois à la télévision (dans la Quatrième Dimension, je crois bien). C'est l'histoire d'une femme qui tombe en panne dans la cambrousse US et se retrouve coincée dans une famille qui vit sous la domination d'un enfant-dieu, d'un enfant qui n'a qu'à souhaiter quelque chose pour que ça arrive, si absurde que ce soit. On pénètre avec l'héroïne dans une espèce de cauchemar solipsiste imposé par un esprit puéril au reste du monde. Un esprit qu'il ne faut surtout pas contrarier ou vexer et c'est pourquoi tout le monde répète : "ah oui, ici, on a vraiment une bonne vie !"
Il n'y a aucune justification rationnelle des pouvoirs du gamin. C'est comme ça, il faut l'accepter. C'est très pré-dickien, d'une certaine manière. Mais c'est totalement de la SF – un pur classique, en fait. Sa seule existence suffit à réfuter l'objection de Parrinder.
Un cas d'école, cette nouvelle de Bixby.
Publiée à l'origine dans une antho de SF, elle a constamment été reprise par la suite dans des anthos labellisées "horror", et la SF Encyclopedia parle d'un texte de "SF/horror".
Il s'agit à mon sens d'un texte originellement hybride -- les pouvoirs psi relevent en 1954 de la SF, le traitement est celui de l'horreur -- qui, l'évolution des genres aidant, a fini par basculer complètement dans la catégorie fantastique/horreur.
JDB

Lem

Message par Lem » lun. déc. 21, 2009 12:24 am

JDB a écrit :Un cas d'école, cette nouvelle de Bixby.
Publiée à l'origine dans une antho de SF, elle a constamment été reprise par la suite dans des anthos labellisées "horror", et la SF Encyclopedia parle d'un texte de "SF/horror".
Il s'agit à mon sens d'un texte originellement hybride -- les pouvoirs psi relevent en 1954 de la SF, le traitement est celui de l'horreur -- qui, l'évolution des genres aidant, a fini par basculer complètement dans la catégorie fantastique/horreur.
Comme tu dis : un cas d'école.
Raison pour laquelle j'aborde le genre comme phénomène esthétique. Je ne cherche pas à savoir si le texte de Bixby est intrinsèquement SF, fantastique, fantasy, ou une combinaison des trois, ou autre chose encore, par l'analyse de ses "composants". Je pars du principe que sa place dans la SF est établie (ce qui n'interdit pas de le considérer comme fantastique dans une histoire du fantastique, par ailleurs).

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Lensman
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Message par Lensman » lun. déc. 21, 2009 12:41 am

Lem a écrit : C'est une nouvelle de SF parce que quand on la lit, on sait que c'en est. C'est comme ça que le label a été attribué tout au long de l'histoire du genre et procéder de cette manière pour écrire une Histoire ne me semble pas hors de propos.
Je dirais plutôt parce qu'on est un lecteur de SF, qu'on a une habitude, plus ou moins développée, de ce type d'interrogation sur le référent, que la nouvelle n'est pas publiée n'importe où et n'importe comment, etc.. Cette nouvelle ne sort pas de nulle part, un texte, ça ne fonctionne pas "en soi". Il s'inscrit dans toute une évolution du genre, et l'ambiguité par rapport à la rationalité est devenu un des motifs de la science-fiction.
Une nouvelle foi, il me semble évident qu'il est impossible de trouver une définition synthétique de la SF. On peut bien sûr en faire ressortir des caractéristiques fortes (une collection de thématiques, par exemple, mais il n'y a pas que ça). Quand à l'esthétique, on peut bien sûr en proposer une, mais il me semble qu'en fait, on peut en proposer plusieurs. La tienne en est une parmi d'autres. Mais vouloir lui donner un caractère décisif, ce serait restreindre la portée d'un genre aussi riche et complexe, qui joue sur bien d'autres choses que ses esthétiques.
C'est cette impression de vouloir donner un aspect décisif à ton approche qui surprend certains d'entre nous, pas l'approche en elle-même, qui offre ses éclairages particuliers.
Oncle Joe

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Lensman
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Message par Lensman » lun. déc. 21, 2009 1:24 am

Lem a écrit : In fine, si j'ai choisi cette approche, c'est qu'elle me permet de désigner rétrospectivement comme relevant de la SF à peu près tout ce qui a été publié sous l'étiquette et les textes hors-label (antérieurs ou parus dans le mainstream) qui ont été déterminants pour l'histoire du genre sans avoir besoin de créer quarante-trois mille sous-catégories pour cerner les cas-limites, travail qui ne m'intéresse pas.
Est-ce plus clair ?
Est-ce que tu inclus la Fantasy dans la SF (telle que tu la vois)? si non, pourquoi?
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » lun. déc. 21, 2009 12:45 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :C'est une nouvelle de SF parce que quand on la lit, on sait que c'en est. C'est comme ça que le label a été attribué tout au long de l'histoire du genre et procéder de cette manière pour écrire une Histoire ne me semble pas hors de propos.
Je dirais plutôt parce qu'on est un lecteur de SF, qu'on a une habitude, plus ou moins développée, de ce type d'interrogation sur le référent, que la nouvelle n'est pas publiée n'importe où et n'importe comment, etc.. Cette nouvelle ne sort pas de nulle part, un texte, ça ne fonctionne pas "en soi". Il s'inscrit dans toute une évolution du genre…
Nos points de vue semblent assez complémentaires, pour le coup.
Tu dis qu'un texte SF ne fonctionne pas "en soi". C'est aussi mon avis puisque j'ai écrit plus haut que je ne cherche pas à déterminer si tel ou tel texte est intrinsèquement de la SF.
Tu dis que l'habitude de lecture et la prise en compte des indices éditoriaux fait partie du processus. Moi aussi.
Cela dit, il faut veiller à ne pas oublier une chose aussi simple qu'importante sur ce sujet : il n'y pas toujours eu "la science-fiction". La raison pour laquelle Gernsback est fondateur, c'est précisément celle-là : il prend des textes épars, les rassemble sous un label, montre ce qu'ils partagent et c'est bien la désignation de ce fond commun qui crée la science-fiction. Renard a fait la même chose, sur un plan purement littéraire, dix sept ans avant, hors toute considération éditoriale : il a pointé du doigt quelques œuvres et dit : "ici, il y a quelque chose de nouveau, un genre littéraire en germe". Et ce qui est très intéressant, ce qui prouve qu'il parle de la même chose que nous, c'est qu'il écarte les satires et les utopies de sa liste pour les mêmes raisons que nous (parce que l'émotion de lecture n'est pas exactement la même). Dans le cas de Renard comme celui de Gernsback, le geste créateur, c'est la définition d'un corpus de référence, l'invention d'un nom, la mise en évidence d'un effet cognitif qui implique "scientifique" et "merveilleux" et la liaison avec l'impact de la science sur la société pour dire "c'est la littérature de notre temps".
Après Gernsback, le genre s'autonomise et commence à suivre sa propre dynamique. On peut alors assister à des classements de textes, ou des effets éditoriaux très particuliers. Une histoire peut-elle classée SF uniquement parce qu'elle est publiée sous le label (sans rien présenter de caractéristique sur le plan du contenu) ? Est-ce le cas de la nouvelle de Bixby, par exemple ? Si elle avait été dès le début publiée sous le label horreur, aurait-on jamais songé à la ranger dans la SF ? C'est possible, mais j'en doute (le genre est annexionniste). Et de toute façon, ce n'est pas le problème. Dans la mesure où je me place du point de vue de la SF, je ne cherche pas à résoudre le problème insoluble de l'analyse des composants. Si un texte fait partie de l'histoire du genre, eh bien, c'est qu'il est dedans. On ne va pas replacer L'homme démoli de Bester dans la fantasy sous prétexte que c'est un roman sur les pouvoirs psi et que ceux-ci ne sont plus considérés comme un sujet scientifique aujourd'hui. Et si demain, je décide d'écrire moi aussi un thriller avec des télépathes et des précogs, même en sachant que les pouvoirs psi sont déclassés en tant que sujet SF, ce sera quand même de la SF, si tel est mon souhait. Ce n'est pas une affaire de composants mais de façon d'écrire (et de lire).
Est-ce que tu inclus la Fantasy dans la SF (telle que tu la vois)? si non, pourquoi?
J'aurais tendance à dire que j'inclus les titres qui ont été considérés comme faisant partie de la SF et ont eu une influence sur elle. Hodgson, Burroughs, Merritt, certains textes de Lovecraft, de Vance, de LeGuin, de Wolfe pourquoi pas ? En France, un roman comme Ptah Hotep, certains textes de Brussolo ou, pour revenir plus loin en arrère, une partie de Jean Ray, Malpertuis par exemple. Je ne suis pas du tout un puriste. Je mets dans la SF ce qu'elle même y a mis. In fine, mon principe de définition n'a d'autre but que de retrouver le critère intuitif sur lequel le genre s'est construit lui-même.

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Lensman
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Message par Lensman » lun. déc. 21, 2009 1:10 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :
Lem a écrit :C'est une nouvelle de SF parce que quand on la lit, on sait que c'en est. C'est comme ça que le label a été attribué tout au long de l'histoire du genre et procéder de cette manière pour écrire une Histoire ne me semble pas hors de propos.
Je dirais plutôt parce qu'on est un lecteur de SF, qu'on a une habitude, plus ou moins développée, de ce type d'interrogation sur le référent, que la nouvelle n'est pas publiée n'importe où et n'importe comment, etc.. Cette nouvelle ne sort pas de nulle part, un texte, ça ne fonctionne pas "en soi". Il s'inscrit dans toute une évolution du genre…
Nos points de vue semblent assez complémentaires, pour le coup.
Tu dis qu'un texte SF ne fonctionne pas "en soi". C'est aussi mon avis puisque j'ai écrit plus haut que je ne cherche pas à déterminer si tel ou tel texte est intrinsèquement de la SF.
Tu dis que l'habitude de lecture et la prise en compte des indices éditoriaux fait partie du processus. Moi aussi.
Cela dit, il faut veiller à ne pas oublier une chose aussi simple qu'importante sur ce sujet : il n'y pas toujours eu "la science-fiction". La raison pour laquelle Gernsback est fondateur, c'est précisément celle-là : il prend des textes épars, les rassemble sous un label, montre ce qu'ils partagent et c'est bien la désignation de ce fond commun qui crée la science-fiction. Renard a fait la même chose, sur un plan purement littéraire, dix sept ans avant, hors toute considération éditoriale : il a pointé du doigt quelques œuvres et dit : "ici, il y a quelque chose de nouveau, un genre littéraire en germe". Et ce qui est très intéressant, ce qui prouve qu'il parle de la même chose que nous, c'est qu'il écarte les satires et les utopies de sa liste pour les mêmes raisons que nous (parce que l'émotion de lecture n'est pas exactement la même). Dans le cas de Renard comme celui de Gernsback, le geste créateur, c'est la définition d'un corpus de référence, l'invention d'un nom, la mise en évidence d'un effet cognitif qui implique "scientifique" et "merveilleux" et la liaison avec l'impact de la science sur la société pour dire "c'est la littérature de notre temps".
Précisément, avec Gernsback, l'anticipation est mise dans la science-fiction d'entrée de jeu (son propre roman, qui provoque tant de railleries, mais qui accumule des caractéristiques fortes de la science-fiction), avec par exemple, l'idée de se demander ce que serait une meilleure société (mais sans l'aspect "utopie", justement, en présentant ça comme quelque chose qui change, qui évolue, et sans l'aspect "pure satire" à la Robida, même si l'on peut y trouver quelques légers éléments satiriques).
Précisément, on sort avec Gernsback de cette obsession française (?) de la "belle" littérature, même si rien n'est exclu dans ce domaine. La science-fiction n'est pas qu'un genre littéraire, elle devient quelque chose d'interactif. En effet, comme tu dis, il n'y a pas toujours eu de science-fiction, même s'il y avait depuis longtemps cora.
Pour Duits, c'est amusant. J'aime beaucoup ce texte, mais si j'ai à parler de science-fiction, je m'en passe tout à fait, et il est inutile que je me torture pour imaginer une définition qui l'annexe. Par contre, je dirais que ce texte participe sans doute à toute une esthétique (tu vas être content, quoique...) qui se manifeste dans une partie de la science-fiction, telle qu'elle s'est constituée. Très beau, mais assez annexe... (je veux dire, dans la SF).
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Message par marypop » lun. déc. 21, 2009 2:50 pm

fabrice a écrit :
bormandg a écrit :$Pourquoi les derniers candidats qu'ont été La Horde du Contrevent et Le Déchronologue n'ont-ils pas réussi à obtenir ce succès hors SF? Je ne sais pas. J'attends l'oeuvre qui réussira.
La Horde du contrevent s'est vendu à plus de 50 000 exemplaires en poche, décompte en cours.
Qu'appelles-tu un succès hors-SF ?
je suis à la bourre bande de malades qui avaient publié 50 pages de posts en 5 jours (10 par jour pas mal comme rythme).

J'aimerais rebondir sur ces chiffres, a-t-on les chiffres de ventes des classiques Dune et Hyperion ?
Pour moi ce sont environ les deux séries qui sont sorties de la SF en terme de succès de vente = des lecteurs qui ne sont pas à proprement parler fans de SF connaissent et ont lu.

J'imagine que pour comparer correctement, il faudrait de la même façon prendre les ventes poche sur 2 ans, mais je pense que les ventes grands format ne sont pas comparables (= A&D doit avoir eu des ventes bien plus importantes que La Volte)
si on commence à mélanger sf archaïque et proto-sf, personne ne s'y retrouvera plus.
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Message par MF » lun. déc. 21, 2009 5:31 pm

Question bête (ce ne sera ni la première, ni la dernière).

Sauf erreur de ma part, Renard indique dans son approche identificatrice du merveilleux "l’introduction volontaire, dans la chaîne des propositions, d’un ou de plusieurs éléments vicieux de nature à déterminer, par la suite, l’apparition de l’être, ou de l’objet, ou du fait merveilleux".

Quelle était, à l'époque, la définition commune de ce qualificatif "vicieux" ?

Je n'irai pas jusqu'à demander comment cela a pu être perçu l'année où Pie X béatifiait Jeanne d 'Arc pour emmerder le gouvernement français, après avoir dans son encyclique Vehementer nos écrit :"En outre, cette thèse [séparation de l'État et de l'Église] est la négation très claire de l'ordre surnaturel" et excommunié le moderniste Loisy qui, en des termes étonnamment proche de ceux de Renard demandait que l'on interprète les écritures dans leur contexte historique et pas en tant qu'absolu. Si ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par Le_navire » lun. déc. 21, 2009 5:46 pm

marypop a écrit :
J'aimerais rebondir sur ces chiffres, a-t-on les chiffres de ventes des classiques Dune et Hyperion ?
Pour moi ce sont environ les deux séries qui sont sorties de la SF en terme de succès de vente = des lecteurs qui ne sont pas à proprement parler fans de SF connaissent et ont lu.
Pour Dune, les chiffres sont sur la page Ailleurs et Demain :de mémoire, il a fallu 7 à 8 ans pour atteindre les dix mille, mais en on serait aujourd'hui, toutes éditions francophones confondues autour du million d'exemplaires.
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"

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Message par MF » lun. déc. 21, 2009 6:47 pm

Lem a écrit :
MF a écrit :essayer de comprendre ce que tu emportes comme autres éléments complémentaires à l'esthétique pour définir TA science-fiction.
–Pour moi, la science-fiction naît entre 1885 et 1895 dans les textes de Rosny et Wells. Je peux le dire parce que quand je lis ces textes, je ne ressens aucun problème à les classer dans la SF, ils ne manquent de rien. Ce n'est pas une lubie de ma part mais un consensus raisonnable de la plupart des historiens et des critiques.
– En tant que genre littéraire, elle a été théorisée en 1909 par Renard parce que son papier insiste sur le fait que le trademark du nouveau genre, c'est son effet cognitif sur le lecteur, l'émerveillement suscité par un certain usage de la spéculation scientifique, le déplacement des représentations et des habitudes, etc.
– En tant que label éditorial spécifique et subculture ayant un rôle à jouer dans la civilisation moderne (produire des nouvelles idées, imaginer le futur, etc.), elle a été lancée par Gernsback en 1926 mais le dispositif de l'émerveillement – Wonder – a été soigneusement laissé en avant et c'est lui que les premiers fans ont désigné comme le noyau identitaire du genre : le sense of wonder.
– Et c'est bien sous la forme défnie par Gernsback et portée à son plus haut niveau par Campbell que la SF s'est imposée comme culture transnationale, dans le monde entier ou quasiment à partir de 1950 et jusqu'à nos jours.
In fine, si j'ai choisi cette approche, c'est qu'elle me permet de désigner rétrospectivement comme relevant de la SF à peu près tout ce qui a été publié sous l'étiquette et les textes hors-label (antérieurs ou parus dans le mainstream) qui ont été déterminants pour l'histoire du genre sans avoir besoin de créer quarante-trois mille sous-catégories pour cerner les cas-limites, travail qui ne m'intéresse pas.
Est-ce plus clair ?
- c'est clair ;
- je crois avoir tout compris ;
- il aura fallu plus de 270 pages pour que je comprenne que nous disions la même chose ;
- tu n'as pas, une seule fois, utilisé esthétique dans ton message ; de là à en conclure que c'est pour cela que j'ai compris... 8)
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par marypop » lun. déc. 21, 2009 7:03 pm

Le_navire a écrit :
marypop a écrit :
J'aimerais rebondir sur ces chiffres, a-t-on les chiffres de ventes des classiques Dune et Hyperion ?
Pour moi ce sont environ les deux séries qui sont sorties de la SF en terme de succès de vente = des lecteurs qui ne sont pas à proprement parler fans de SF connaissent et ont lu.
Pour Dune, les chiffres sont sur la page Ailleurs et Demain :de mémoire, il a fallu 7 à 8 ans pour atteindre les dix mille, mais en on serait aujourd'hui, toutes éditions francophones confondues autour du million d'exemplaires.
OK Merci beaucoup.
On verra dans 40 ans si la horde a atteint 3 millions de lecteur :)

Mais cela me parait pas mal pour relativiser donc le succès hors SF.
si on commence à mélanger sf archaïque et proto-sf, personne ne s'y retrouvera plus.
Dieu.

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