Lem a écrit :
… ce qui est à peu près ma position (et de manière assez frappante, les extraits cités par Evans en gros ceux que j'avais choisis pour la préface de Chasseurs de chimères ; ils paraîtront d'ailleurs familiers à beaucoup car je les ai postés).
Arthur B. Evans n'a pas l'air de se rendre compte du problème de l'absence du futur dans la conception de Renard...
Je pourrais te citer pas mal de textes de critiques anglo-saxons qui font tout ce qu'ils peuvent pour essayer, au minimum, de mettre entre parenthèse la période Gernsback, parce que ça ne fait pas assez classe. Voilà par exemple ce que Marc Angenot et Nadia Khouri écrivaient, en 1981, à l'occasion du compte-rendu d'une étude de Moskowitz:
"90 years ago SF was QUITE [ceux sont eux qui soulignent] a promising genre with a potentially poweful critical impact on American society. However, it went through a rather long period of stagnation and degeneration between 1910 and 1950."
Lorsque l'on cherche des dénis, on en trouve parfois dans des endroits inattendus, comme "Science Fiction Studies"...
Il s'agit de toute évidence pour ces critiques d'effacer ces productions qui font tache, parce que "non littéraires", que sont les pulps, et singulièrement ceux de Gernsback, puis Campbell. Il faut de toute force montrer que la science-fiction honorable n'a rien à voir avec ces productions bas de gamme pour adolescents ou incultes. Il est nécessaire de lui trouver des patronages prestigieux, et d'éliminer ces productions "dégénérées" (le terme est fort).
Ce mépris, tu le trouveras, en cherchant un peu, exprimé de différentes manières plus ou moins agressives ou subtiles, dans des ouvrages aussi remarquables que l'encyclopédie de Clute (il est éclairant, d'ailleurs, de faire la comparaison entre les deux éditions de cette encyclopédie - la première était illustrée, et moins sous l'emprise des "légitimeurs" du milieu).
Evidemment, je pense exactement le contraire: pour moi, ce sont ces productions commerciales et non littéraires qui constituent le véritable envol de la science-fiction moderne. Mais admettre ça, c'est très dur pour des gens (qui peuvent être de grande qualité) obsédés par la question de la "reconnaissance", de la "légitimation" au point de se fabriquer une histoire imaginaire correspondant mieux aux grandes ambitions qu'ils nourrissent pour un genre.
De cette démarche pitoyable, je m'éloigne chaque jour un peu plus. Quand j'entends les mots "légitimation" et "reconnaissance", je sors mon désintégrateur (planqué dans la boîte à gants de ma voiture volante...)
Oncle Joe