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ITW Simon Sanahujas
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ITW Simon Sanahujas

ActuSF : Comment vous est venu l'idée de Nereliath ?
Simon Sanahujas : Le héros de « Nereliath », Karn, est un personnage qui me suit depuis mes tous premiers essais d’écriture, puisque c’est par des nouvelles le mettant en scène que j’ai commencé sur cette voie. Ainsi, il s’agit d’un personnage particulièrement attachant pour moi, et je n’ai jamais cessé d’écrire à son sujet : régulièrement de petites nouvelles entre d’autres travaux, et puis je l’ai aussi casé en sorte de « guest star » dans d’autres textes qui le permettaient, notamment mes deux romans parus chez Rivière Blanche « Suleyman » et « L’Emprise des rêves ».

Pour en revenir à l’origine de « Nereliath », c’est assez con : j’avais achevé différents travaux d’écriture et Karn m’est tout naturellement revenu en tête, comme il le fait régulièrement. Je me suis dit que, ayant le temps, c’était l’occasion de le remettre en scène dans un texte un plus conséquent : un roman. Je me suis plongé dans mes carnets de notes, j’en ai ressorti quelques idées potentiellement intéressantes, lesquelles ont amené le projet de « Nereliath » à se concrétiser doucement dans mon esprit. Très rapidement, deux thématiques centrales me sont apparues. La première concernait la liberté et le libre-arbitre, ce qui m’a amené à choisir l’univers des pirates pour la mettre en scène, lequel me paraissait le plus apte à illustrer cette idée. Quant à la seconde thématique, si je l’abordais ici je déflorerais une bonne partie du final de « Nereliath », je ne le ferai donc pas. Disons juste qu’elle est en partie liée à la première…

 ActuSF : Quels sont vos sources d'inspirations pour l'univers de piraterie et de fantasy que vous proposez dans votre roman ?
Simon Sanahujas : Pour l’univers de piraterie, c’est assez vague car, je l’avoue sans détours : je ne suis pas un fondu d’histoires de pirates. J’ai lu des bouquins sur ce sujet, évidemment, et surtout vu de nombreux films. J’ai souvent apprécié ces expériences, mais je n’ai jamais fait de véritables efforts pour m’immerger dans ce type d’histoires. Dans un premier lieu - et c’est en rapport avec ma réponse à la question précédente - ce qui m’a amené à choisir le cadre de la piraterie pour « Nereliath », ce sont de vieilles réminiscences de mon bref passage en fac d’histoire, lors de cours où avaient été évoquées la constitution des pirates au sens des textes de fondement politique, des textes qui sont encore aujourd’hui les constitutions les plus égalitaires et les plus libertaires de notre histoire (en même temps, vu comment évolue de nos jours la politique, cela ne risque pas de changer). Ensuite, évidemment, l’idée de me lancer dans un récit mettant en scène des pirates me promettait de pouvoir coucher sur le papier moult scènes toutes plus sympathiques les unes que les autres : abordages, attaque de monstres marins, course au trésor, découverte d’îles oubliées, repères malfamées et bouges de loups des mers etc.

Concernant l’univers de fantasy que je propose, il s’agit d’un monde médiéval, bien entendu, mais très légèrement teinté de fantastique. Je n’ai jamais été conquis par les univers possédant une magie omniprésente, avec des boules de feu qui jaillissent dans tous les sens et des nuées de dragons dans les airs. J’ai toujours été plus attiré par un certain réalisme car ce réalisme me permet de m’identifier aux personnages et aux lieux. Une magie trop présente implique un univers complètement différent de notre époque médiévale. Par exemple, un seigneur susceptible de se retrouver attaqué par une horde de dragons n’a aucun intérêt à se construire un château comme on le voit souvent dans ce genre d’univers, il faudrait mieux pour lui qu’il s’enterre sous le sol. Et moi, eh bien j’aime notre époque médiévale, son iconographie et son ambiance, c’est elle dont je veux parler, en y adjoignant quelques touches de fantastique d’autant plus fort et effrayant qu’il se trouve extrêmement rare. En ce sens, mes inspirations, vont plus à des auteurs comme Robert E. Howard et Clarck Ashton Smith, pour ne citer qu’eux.

ActuSF : Vous privilégiez souvent l'action de vos personnage et notamment pour Karn, mais quand est-il de ses motivations ? C'est un personnage qui vous est cher, est ce une série qui va durer dans le temps ?
Simon Sanahujas : Les motivations de Karn sont très proches des miennes et plutôt simplistes : il se satisfait d’un rien et on pourrait résumer sa quête à celle d’un endroit et d’une position où il se sente bien. Karn est un homme somme toute normal, qui ne possède pas de projets concrets dictant ses actions : pas de vengeance à poursuivre, pas de rêves de richesse, pas de destinée à combattre. Ce qui m’intéresse avec lui est de montrer un personnage aussi proche que possible de nous, si ce n’est qu’il évolue dans un univers différent, auquel on peut s’identifier, notamment car c’est très important pour moi au niveau des questionnements qu’il est amené à se poser. Après, on peut ajouter à cela une personnalité plutôt humaniste mais qui, à l’âge qui est le sien dans « Nereliath », ne le pousse pas réellement à agir dans ce sens autrement que par des actions anecdotiques et sans préparation. Mais les motivations de Karn vont être amenées à changer ; l’objectif de cette série est de le camper à différentes périodes de sa vie, et de montrer justement comment l’âge et l’expérience peuvent influencer sur ses actions et sa manière d’être.

Quant à la série en elle-même, je l’ai pensée comme une succession de one-shots uniquement reliés entre eux par le personnage principal. Des idées pour faire perdurer cette série dans le temps, j’en ai a la pelle et j’adorerais pouvoir les écrire, mais c’est le succès en librairie qui décidera de cela.

ActuSF : Comment voyez-vous évoluer votre personnage fétiche ?
Simon Sanahujas : Malheureusement pour lui, il va s’en prendre plein la gueule. Si je l’ai appelé Karn, ce n’est pas par hasard : je le vois comme un morceau de viande – pas vraiment tendre – sur pattes. Sa problématique est également assez simple : c’est un homme, il vit et donc il souffre. C’est là, grossomodo, la base de son rapport au monde, une base dont les facettes seront développées au fur et à mesure des situations. Même si je projette pour lui quelques moments de calme et de plaisir, comme c’est le cas dans plusieurs passages de « Nereliath », il va aller de désillusion en désillusion tandis qu’il découvrira les multiples possibilités que lui offre la vie. Et comme il possède une bonne part d’humanisme, il sera forcément amené à découvrir petit à petit toutes les horreurs que recèle le genre humain, ce qui a de fortes chances de l’assombrir avec l’âge…

ActuSF : Certains de vos héros comme Yaelid défendent des valeurs de liberté et du libre arbitre, est ce aussi vos valeurs ?
Simon Sanahujas :Oui, mais probablement pas dans une version aussi radicale que celle de Yaelid. J’attache énormément d’importance à la liberté mais, malgré cela, je suis conscient de ce que nos sociétés actuelles auraient bien du mal à fonctionner si elles se basaient sur un libre-arbitre complet.

ActuSF : Vos nouvelles dans le roman apportent un point vu différents de la situation mais aussi une histoire dans l'histoire, est ce une technique simplement pour enrichir la trame ou allons nous retrouver ces personnages hauts en couleurs ?
Simon Sanahujas :Ajouter des nouvelles en sorte de « bonus » au roman m’a permis de poser l’idée que je me fais de la série, à savoir Karn dans une situation donnée, à un âge donné, avec une mentalité donnée. Au-delà, nous avons pensé avec le directeur de collection que cela représentait un « plus » appréciable en ce sens que, personnellement, je suis toujours frustré lorsque je finis un roman que j’ai aimé. En ajoutant ces nouvelles, nous espérions (dans le cas de lecteurs ayant pris du plaisir à leur lecture évidemment) pouvoir atténuer cette frustration tout en leur permettant de retrouver Karn pour quelques dizaines de pages supplémentaires. Parallèlement, cela me permet également de donner d’autres images d’un monde dont je possède une vision assez précise. Je sais que certains des personnages apparaissant dans ces textes sont amenés à réapparaître dans d’autres histoires. Pour d’autres je ne l’ai pas particulièrement prévu mais on ne sait jamais ce que l’écriture nous réserve. Peut-être un jour aurais-je l’idée d’un texte et que je trouverai judicieux d’y incorporer l’un de ces personnages.

ActuSF : Utilisez-vous la musique pour écrire et si oui lesquelles ?
Simon Sanahujas : J’écris systématiquement en musique, en tout cas si l’endroit me le permet (mais, avec les technologies actuelles, à moins d’un problème de batterie, la musique est potentiellement partout). La musique est essentielle à mes yeux ; au-delà de son influence sur mon écriture, tout bêtement parce qu’elle me suit depuis tout gamin. J’ai commencé à étudier au conservatoire à l’âge de 6 ou 7 ans, j’ai passé un bac pro musique et je travaille depuis comme régisseur d’orchestre, difficile dans ces conditions de faire comme si elle ne m’importait pas.

Quant à ce que j’écoute en écrivant, il s’agit majoritairement de musique de film. La musique classique a commencé à véritablement raconter des histoires avec les symphonies du 19ème puis les poèmes symphoniques, et la musique de film est le prolongement direct de ces formes. C’est une musique narrative et cet aspect m’aide beaucoup à travailler. Après, j’essaye régulièrement de choisir des BO en rapport avec les ambiances de ce sur quoi j’écris, et j’ai certaines préférences au niveau des compositeurs : Zimmer, Goldsmith, Williams, Poledouris, Badalamenti, Elfmann, tout dépend des scènes qu’ils vont accompagner à leur insu. Etant un gros fan de rock, il m’arrive aussi d’en écouter en écrivant mais c’est plus rare, probablement car, à mon sens, le format « chanson » se prête moins à l’exercice. Mais un bon Pantera pour une scène de baston, ça marche parfois plutôt bien…

ActuSF : Et bien sûr que va contenir le prochain tome ?...
Simon Sanahujas : On retrouvera Karn dans une autre partie de son univers, à la tête d’une petite compagnie de mercenaires qui se retrouvera impliquée dans une guerre civile et coloniale. Karn y découvrira un peuple étonnant, certaines facettes du pouvoir et il tombera amoureux, mais de deux femmes en même temps sinon c’eût été trop facile.

ActuSF : Et quels sont vos projets ?
Simon Sanahujas : Je viens d’achever un gros roman d’une fantasy complètement différente, plus ambitieuse, plus moderne aussi par les thèmes abordés et par sa construction. Pour l’instant il est en lecture donc je ne peux guère en dire plus. Parallèlement, j’ai encore un peu de travail sur la suite de « Nereliath », à paraître début 2012, je vais en partie réécrire mon premier roman – « Suleyman », en vue d’une reprise poche chez Lokomodo d’ici peu et je vais repartir avec mon comparse photographe Gwenn Dubourthoumieu pour un nouveau périple sur les traces d’un personnage imaginaire, lequel nous amènera à publier un troisième récit de voyage. Si j’ai le temps, j’écrirai quelques nouvelles pour me changer les idées tout en réfléchissant à un autre projet romanesque qui me trotte dans la tête depuis quelques années mais, avec tout ça, je crois que ça ne se fera pas tout de suite…

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