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Interview de Mélanie Fazi
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Interview de Mélanie Fazi

Si tu devais présenter Serpentine
Mélanie Fazi : C'est un recueil de nouvelles fantastiques intimistes, centrées sur les personnages et les ambiances. Une promenade dans différentes ambiances et différents lieux. Je suis cependant toujours surprise par la façon dont les gens le perçoivent.

Nous : A quel moment as-tu réalisé que tu écrirais ?
Mélanie Fazi : Il n'y a pas eu réellement un moment. Depuis que je suis petite, j'invente des histoires et j'ai toujours eu envie soit de les dessiner soit de les écrire. J'ai abandonné le dessin à l'adolescence. Vers 17 ans, j'ai écrit des nouvelles et me suis tout de suite sentie à l'aise dans le format écriture. Quelques années après, plusieurs ont été publiées et tout s'est enchaîné à partir de là. Mais ça m'a toujours intéressée. Et j'ai toujours été une lectrice boulimique. Il n'y a pas eu de déclic, c'était là depuis longtemps.

Nous : Justement, après deux ouvrages édités, est-ce que le fait d'être publiée change quelque chose dans ton écriture ?
Mélanie Fazi : L'écriture change avec l'évolution personnelle. La première fois que j'ai eu un texte publié, je l'avais écrit sans penser du tout qu'il serait accepté. Par la suite, je me suis posé plus de questions. Je ne pouvais plus être aussi insouciante. Je faisais plus attention à la cohérence interne, il y avait comme un déclic…Quand j'ai eu des retours, j'ai pris conscience que je pouvais provoquer certaines réactions chez les gens. A partir de là, j'ai essayé d'aller plus loin, de faire autre chose, de fournir un effort pour justifier que les textes soient publiés. Et aussi pour remercier les gens qui ont aimé les autres textes, en essayant de les surprendre.

Nous : Quelles sont tes inspirations littéraires ?
Mélanie Fazi : Ca dépend si je parle d'auteurs qui m'ont marquée ou d'auteurs qui m'ont vraiment influencée. Les auteurs qui me marquent, c'est par période. En fantastique, quand j'ai commencé à écrire, je lisais Stephen King et Lovecraft puis, dans des choses plus récentes, j'ai lu Lisa Tuttle. Ca m'a beaucoup marquée. J'ai eu une réaction au départ assez étonnante. J'étais intriguée, je ne comprenais pas ce que c'était. J'étais face à une littérature qui ouvrait des portes que je n'avais même pas soupçonnées. Elle m'a pas mal influencée. En littérature blanche, ça dépend des périodes. J'ai eu une phase, vers dix sept ans, où je lisais beaucoup de littérature sudiste, des auteurs américains comme Carson McCullers. Après, j'ai lu tout Paul Auster. Je fonctionne beaucoup comme ça : je découvre un auteur, je lis tout de lui puis je passe à autre chose. J'adore aussi Nancy Huston. Il y a un truc que je ne m'explique pas dans ses livres, une espèce de magie qui embarque le lecteur pour ne plus le lâcher. Il y a une intelligence incroyable, une sensibilité, tout ce que j'aime dans la littérature est là. J'entends souvent des auteurs dire que quand ils tombent sur un livre qui les impressionne, ils sont très intimidés et se disent qu'ils ne pourront jamais faire aussi bien. Je me dis exactement l'inverse avec Nancy Huston. Elle est la preuve qu'à travers la littérature, on peut transmettre cette magie, ça ouvre des horizons.

Nous : Ce qui étonne, dans tes nouvelles, c'est leur sincérité, leur véracité psychologique. Comment travailles-tu ? Es-tu tournée plus vers l'intérieur ou l'extérieur, dans ta façon de suivre le cheminement psychologique de tes personnages ?
Mélanie Fazi : Plus vers l'intérieur, je pense. Quand je parlais de Lisa Tuttle tout à l'heure, c'est justement à ce propos : c'est un fantastique tout à fait intérieur. J'ai tendance à avoir plus de mal à chercher ailleurs. Souvent, je pars d'une situation que j'ai vraiment vécue, puis je construis une intrigue autour. Matilda, par exemple, est basée sur l'époque où j'allais beaucoup à des concerts et à la façon dont je les vivais.

Nous : On te reconnaît dans pas mal de personnages, je pense. Du moins, on a réellement l'intuition que c'est toi. C'est le sentiment qu'on a, en suivant par exemple la jeune fille de Trois pépins du fruit des morts.
Mélanie Fazi : C'est peut-être, au départ, un des textes les plus personnels que j'aie écrits. C'est mélangé à de la fiction mais ça reflète beaucoup mon expérience de l'adolescence. C'est une période douloureuse et une fois qu'on en est sorti, se replonger dedans devient intéressant, ne serait-ce que pour voir le chemin parcouru. Parfois, je pars d'un fait réel. D'autres fois, comme dans certaines nouvelles, le Passeur, par exemple, je me projette dans une situation totalement fictive. Plusieurs personnes m'ont demandé comment je pouvais écrire une nouvelle comme Elégie, sur la perte de ses enfants, alors que je n'en ai pas. J'essaie juste d'imaginer ce qu'on peut ressentir. C'est formidable de créer un personnage avec qui on a des points communs, mais aussi de partir à l'inconnu, au risque de se projeter plus que ce qui était prévu.

Nous : Il y a beaucoup de contes, dans tes histoires, de récits très lyriques…
Mélanie Fazi : J'ai été très marquée par les contes. Les contes d'Andersen, en particulier, pour leur cruauté et leur bizarrerie. J'adore aussi l'univers de Tim Burton, par exemple. Ma nouvelle Elégie rappelle un peu les contes, comme on me l'a fait remarquer, mais ce n'était pas un parti pris conscient au départ. J'ai juste repris des éléments d'un texte plus ancien, et pas très bon, en décidant de me concentrer sur une seule situation et en évacuant le reste de l'intrigue. J'ai eu envie d'écrire un texte qui repose plus sur des sensations que sur une progression narrative classique.

Nous : Quels sont tes projets ?
Mélanie Fazi : Je retravaille en ce moment un roman plus ancien que Trois Pépins du Fruit des Morts. Il s'intitule Arlis des forains et doit paraître aux éditions Bragelonne fin août. Je ne peux pas trop en parler, parce que l'intrigue est en train de subir des changements importants. Ca se passe dans le sud des Etats-Unis, et le narrateur est un enfant élevé par une troupe de forains. Sinon, ma nouvelle La Cité Travestie vient d'être traduite dans le Magazine of Fantasy & Science Fiction, aux USA. J'ai également écrit une pièce radiophonique, La chambre de Cléa, pour l'émission Fictions Mauvais Genre sur France Culture (ndlr : diffusion le samedi 1er mai à 22 heures).

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