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Les Imaginales : Lionel Davoust
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Les Imaginales : Lionel Davoust

Actusf : Ma première question porte sur les Imaginales. Qu’est-ce que représente le festival pour toi et le fait d’avoir été choisi comme coup de cœur ?
Lionel Davoust : Le festival l’ignore probablement… mais je considère avoir une relation particulière avec lui. Il a été fondé en 2002, soit à peu près au moment où j’ai décidé de mettre de côté mon versant scientifique pour me tourner pleinement vers la littérature. Quand j’ai débarqué la toute première année à Épinal, je débutais tout juste, je prenais mes marques, je construisais les bases de la revue Asphodale que j’ai dirigée ensuite ; en passant, une anecdote qui ne cesse de m’amuser, certains supports doutaient même de mon existence et pensaient que mon nom était le pseudonyme de quelqu’un d’autre (tu imagines bien, c’est bizarre, un nom pareil…). 
En tout cas, l’événement s’est intéressé tout de suite à ce que j’avais à dire, alors que j’étais un parfait inconnu avec tout à prouver, et pour ça, je l’en remercie. Tandis qu’il prenait de l’envergure, de mon côté, je prenais de l’expérience, je commençais à publier. J’ai donc un peu l’impression qu’on a mûri en parallèle, et c’est devenu pour moi un rendez-vous très particulier, où je reviens toujours, d’année en année, où je me sens bien, où j’ai des habitudes et des connaissances que je retrouve à chaque fois. J’aime la simplicité et la convivialité qu’on y trouve. En fait, c’est un peu comme un vieil ami qu’on retrouve à date fixe. 
Tu imagines donc l’émotion quand j’ai été choisi coup de cœur en 2012. C’est probablement un peu idiot de considérer un événement comme une entité à part entière, mais il reste qu’au-delà de l’honneur et de la distinction faite, il y avait une part affective très forte. 
 
Actusf : Comment est née l’idée de ta nouvelle dans l’anthologie ?
Lionel Davoust : Ce texte a quelques années, et à l’origine, il est né (comme beaucoup, en ce qui me concerne) avec un cahier des charges : fantasy urbaine et féerie. J’aime beaucoup les contraintes en écriture car elles te forcent à sortir de ta zone de confort, à prendre des risques, à te remettre en question et à apprendre de nouvelles choses. Ici, j’ai réfléchi à ce que j’avais envie de faire dans ce cadre, et je voulais rendre hommage à la féerie dans son étrangeté et son ambiguïté, aux antipodes des Clochette à la Disney, et lui faire percuter de plein fouet le désenchantement contemporain, ce qui est pour moi l’essence de la fantasy urbaine. 
 
Actusf : Tu as une passion pour l’océan que l’on retrouve dans ta nouvelle. Qu’est-ce qui t’inspire dans le monde maritime ?
Lionel Davoust :  En un mot, il est magique. Féerique. Non pas, encore une fois, gentil et new age façon harmonie céleste, gentils dauphins et tout le tralala, au contraire, il est dangereux, âpre. Il m’évoque une double dimension à laquelle je reviens toujours et qui, je crois, représente ma réponse à ce qu’est l’existence : c’est d’un côté la liberté sans entraves, les espaces sans limites, de l’autre une énigme, celle des abysses et des ténèbres. Quand tu es en mer – mais cela s’applique à tout le monde naturel – tu ne peux pas tricher. Elle te renvoie ce que tu es, ni plus ni moins, à travers ton attitude, ton comportement avec les autres, avec toi-même. Ce n’est pas forcément flatteur, d’ailleurs. Cela te renvoie au chemin que tu traces dans ta vie, plus ou moins bien. Et à ce que tu veux rêver, croire, et où aller. À toi de voir ce que tu veux faire de ça.
 
Actusf : Ton héros est autiste. Est-ce facile d’écrire une nouvelle sur l’autisme et qu’avais-tu envie de faire ou de dire sur le sujet ?
Lionel Davoust : Il était particulièrement difficile d’être juste envers l’autisme, d’abord au niveau du ton, bien sûr, mais surtout d’être respectueux envers les personnes concernées dans le monde réel, qui peuvent avoir, dans leur entourage, des personnes autistes. Ce n’est pas un objet littéraire abstrait ni une création imaginaire, c’est un sujet sérieux avec lequel on ne peut pas « jouer » à la légère, surtout dans un texte situé dans notre monde, ce qui ajoute à l’effet d’authenticité du récit. Il y a une responsabilité forte. Je me suis efforcé de me documenter au mieux de mes capacités, par des lectures, des échanges, mais il subsiste toujours la crainte de sonner faux. Je ne voulais surtout pas que quelqu’un, qui soit confronté à cette condition, lise la nouvelle et se sente floué, pire, blessé. Alors, mon exigence absolue avec ce texte était d’être le plus respectueux possible, bien sûr des éléments de recherche en ma possession, mais surtout des personnes concernées. Au cas où le premier tomberait court, il était fondamental pour moi que le second soit indubitable. D’ailleurs, Benjamin est diagnostiqué autiste, mais il reste une ambiguïté dans tout le texte quant à savoir s’il l’est vraiment. Ce n’est pas par manque d’engagement, mais par respect. Je ne suis pas infaillible. Heureusement, l’imaginaire permet davantage de complexité que la littérature blanche à travers ce genre de niveaux de lecture multiples. 
 
Actusf : Que représentent les dauphins dans ton imaginaire ?
Lionel Davoust : Ils représentent une part du monde naturel libre et énigmatique dont je parlais avec l’océan et le reflètent. Honnêtement, je rigole doucement de l’image populaire, new age, du gentil dauphin copain venu nous adresser un message d’harmonie universelle d’Alpha du Centaure. Pour avoir travaillé à leurs côtés, pour les connaître à force, je crois, pas trop mal, je peux te dire qu’un dauphin est tout sauf la gentille bestiole rigolote que l’imagerie populaire en a faite. C’est un animal, pas un symbole de valeurs idéalisées et autres foutaises. C’est un prédateur, ça mord, ça se bat. Mais c’est aussi un animal splendide, d’une intelligence rare, merveilleusement adapté à son environnement. Il est une énigme, fondamentalement différent, et c’est au contraire cette altérité, doublée de ces capacités cognitives troublantes, que je trouve sublimes. Pas besoin d’en faire une icône de foire pour un Occident assoiffé de réponses préfabriquées à son mal-être existentiel. Sa nature réelle, quand on commence à la découvrir, est largement plus fascinante et évocatrice. 
 
Actusf : Quelle est ton actualité par ailleurs et quels sont tes projets ?
Lionel Davoust :  Waouh, j’ai plein de fers au feu en ce moment : 
- Déjà, la sortie toute récente de Le Pouvoir, ultime volume de la trilogie Léviathan (éd. Don Quichotte), qui emploie la forme du thriller dans un univers de fantasy urbaine, et où, d’ailleurs, la symbolique de l’océan et des dauphins (enfin, des orques) abordée plus haut occupe une place prépondérante à travers la quête initiatique de son personnage principal ; 
- La réédition de La Chute, premier volume de Léviathan, en poche chez Points Thriller ; 
- La sortie d’Elfes et Assassins, l’anthologie de fantasy du festival Imaginales, dirigée par Sylvie Miller et moi-même, où l’on retrouve treize des plus fines plumes francophones du genre. 
Je serai bien sûr aux Imaginales (pas question de manquer ça !) pour des débats et des rencontres, mais aussi pour une masterclass sur l’écriture de fantasy en collaboration avec Jean-Claude Dunyach, et je participerai au concert The Deep Ones (jeudi soir). 
Et sinon, je continue à nourrir mon site ( http://lioneldavoust.com ) où je blogue quasiment tous les jours sur des sujets allant de la technique d’écriture aux récits de voyage maritimes, et où je développe petit à petit des à-côtés sur les univers des romans (Léviathan et Évanégyre).

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