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Les coups de coeur de Jean-Luc Rivera - juillet 2017
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Les coups de coeur de Jean-Luc Rivera - juillet 2017

 Cela fait fort longtemps, et je m'en excuse auprès de mes lecteurs, que je n'ai pas publié de coups de coeur. La faute m'en incombe car j'ai été un peu débordé par la préparation de divers festivals mais elle revient aussi, et pour beaucoup, aux éditeurs qui rivalisent pour publier beaucoup de romans d'une très grande qualité. Je vous livre donc mes coups de coeur de ces dernières semaines, plus courts que d'habitude, en forme de liste de lectures de vacances, aussi variées que passionnantes dans leurs domaines respectifs.
 
Il ne faut pas manquer la première incursion du grand écrivain qu'est Pierre Bordage dans le domaine de la fantasy : « La Désolation », tome 1 d'un diptyque intitulé « Arkane » (Bragelonne), est une réussite parfaite. Il nous emmène dans l'extraordinaire ville d'Arkane, cité gigantesque bâtie sur plusieurs niveaux qui ne communiquent entre eux que par des labyrinthes que seuls connaissent des guides patentés, appartenant à une guilde très fermée. Et, lorsque l'ordre politique établi par les sept déesses du fleuve Odivir qui, à travers leurs serviteurs, ont sauvé d'une inondation catastrophique et dévastatrice les familles fondatrices des sept maisons dirigeantes (chacune ayant pour emblème la figure de l'animal qui l'a sauvé, mais n'est-ce qu'un animal totémique ?), est bouleversé par le renversement et le massacre de la maison Drac par des maisons rivales, la jeune Oziel, seule survivante, va partir à la recherche de Mattéo, son frère, exilé dans les tréfonds de la ville. Elle découvrira ainsi la réalité de cette ville, l'agitation qui anime les niveaux les moins favorisés, écho des bouleversements en gestation. Bouleversements que va découvrir de son côté le tout aussi jeune Renn, apprenti enchanteur de pierre (je vous laisse le soin de découvrir de quoi il s'agit, une très belle idée qui va parcourir l'ensemble du roman), dont le maître, le dernier des enchanteurs, est tué par des envahisseurs sans pitié qui menacent la ville. Une course va s'engager entre Renn et le guerrier Orik qui a tout abandonné, y compris son honneur, d'une part, et les barbares (mais le sont-ils vraiment et qui servent-ils ?) d'autre part, afin d'arriver les premiers à Arkane et permettre à la ville de se défendre. Entre les descriptions somptueuses d'Arkane, de ses différents niveaux et de ses dédales, les personnages attachants et les complots entrecroisés où chacun croit se servir des autres, sans parler de l'intrigante question de qui sont les pétrocles, ces créatures énigmatiques, qui ressortent des légendes pour réapparaître. Et, en filigrane, Pierre Bordage, outre qu'il raconte une très belle histoire avec sa plume magnifique habituelle, nous fait passer un message politique très actuel : lorsque ceux qui gouvernent oublient qu'ils sont là pour servir le peuple et ne pensent plus qu'à leurs propres intérêts, c'est le corps social entier qui devient malade. Oziel découvrira au travers d'épreuves multiples que le sacrifice et le don de soi pour le bien des administrés est la vraie grandeur et le devoir des dirigeants. J'attends avec impatience de voir ce que vont devenir la malheureuse Oziel, le gentil Renn et le valeureux Orik, pris dans cette tourmente dont les enjeux les dépassent et ce que les dieux réservent à Arkane.
 
Certains d'entre vous se souviennent sans doute de l'excellente série des aventures de Téméraire, dragon impérial chinois, et de Laurence, son capitaine, contre Napoléon dans un monde où les dragons servaient dans les flottes aériennes de chaque pays. Son auteur, Naomi Novik, nous revient avec « Déracinée » (Pygmalion), un bien beau roman où la jeune Agnieszka, petite villageoise tout ce qu'il y a de plus ordinaire, se retrouve, à la surprise de tous et surtout de la sienne, choisie par Sarkan, le « Dragon », le magicien qui protège la région en échange d'une jeune fille de son choix tous les dix ans. Craignant le pire, elle va s'apercevoir que ce n'est pas pour « cela » que Sarkan prend des jeunes femmes mais parce que la vie est longue lorsqu'on est quasi immortel et qu'il les éduque avant de les envoyer à la capitale, comprenant bien qu'elles ne pourraient plus se réadapter à la vie étriquée de leur village... Et elle va s'éduquer, bien au-delà de tout que pouvait imaginer Sarkan ; elle va réaliser ce qu'est la « contamination », ce mal qui ronge tout ce qu'il touche et dont les magiciens protègent tout le pays, elle va découvrir la Cour et ses dessous, et surtout son innocence et son ingénuité vont remettre en question l'ordre établi, en particulier le rôle des femmes. Situé dans un pays fortement inspiré de la Pologne traditionnelle (on y mange beaucoup de plats paysans classiques) et de son folklore, l'histoire d'Agnieszka, la jeune « Déracinée », racontée avec beaucoup d'humour, est une histoire fort plaisante à lire, une lecture estivale obligée.
 
On ne présente plus Poul Anderson, l'un des plus grands auteurs classiques américains : dans le cadre de leur entreprise de mise en valeur de son oeuvre, les Editions du Bélial et Jean-Daniel Brèque, après nous avoir donné l'intégrale de « La Patrouille du Temps » (classique absolu !), nous propose maintenant le cycle, méconnu en France, dit de « La Hanse galactique ». Avec les tomes 1 (« Le Prince-Marchand ») et 2 (« Aux comptoirs du cosmos »), nous suivons les aventures à travers la galaxie de Nicholas Van Rijn, prince-marchand de la Ligue Polésotechnique, cette organisation de grandes compagnies concurrentes qui commercent à travers les étoiles avec toutes les planètes humaines et non-humaines, qui protègent férocement leurs intérêts dans un laissez-faire total où seul compte le profit. Van Rijn est sans doute le plus grand de tous les requins, avec sa Compagnie solaire des épices et liqueurs, et l'on comprendra vite, en le suivant, pourquoi : personnage falstaffien, viveur et buveur, son intelligence acérée, ses talents de navigateur et son oeil pour tout profit potentiel lui ont permis de bâtir à la force du poignet une entreprise gigantesque. Mais l'on s'aperçoit vite que sous ses dehors de capitaliste sauvage, il n'a pas oublié ses humbles origines dans les bas-fonds de Jakarta et que, de manière subtile, il apporte aide et protection aux indigènes plus ou moins primitifs et autres exploités et victimes possibles. Ces deux tomes nous permettent aussi de lire sur les débuts de David Falkayn, celui qui deviendra son bras droit. Toujours écrites avec beaucoup de drôlerie, beaucoup de rebondissements et un final qui laisse pantois, ces aventures sont de la bonne SF traditionnelle, celle qui vous fait rêver en vous apportant une bouffée d'optimisme. A lire impérativement, de préférence en sirotant l'une de ces boissons affublées d'un petit parasol.
 
Les Editions Agullo, toujours à la recherche d'auteurs aussi originaux que talentueux, nous proposent un livre à la fois curieux et drôle, écrit par Saad Z. Hossein, journaliste et romancier de Dacca (Bangladesh). Avec « Bagdad, la grande évasion », celui-ci nous offre à la fois un récit picaresque dans le chaos de la Bagdad et de l'Irak de 2004, juste après l'invasion du pays par les Américains, et un thriller archéologique. Un certain nombre de personnages tous plus différents les uns des autres (deux petits voyous bagdadis, un ancien membre de la Sécurité intérieure de Saddam Hussein, un soldat américain traficoteur et débrouillard, un alchimiste, un reclus bibliothécaire fou sauvegardant une immense bibliothèque foutoir, etc...)vont se retrouver, s'entrecroiser, se servir et se tromper allègrement les uns les autres, sans oublier de se massacrer, le tout autour d'une montre aussi ancienne que curieuse et énigmatique qui cache un secret autrement plus important (et pas seulement financièrement) que le trésor planqué par Tarek Aziz (l'ancien ministre des Affaires étrangères de Saddam) près de Mossoul. Ecrit avec un humour décapant, mettant dans le même sac toutes les factions en présence (qu'elles soient politiques, religieuses ou étrangères) et analysant avec finesse le chaos qu'a entraîné l'effondrement du régime baasiste et l'incompréhension américaine face à la situation, ce roman présente en même temps une énigme historique tout à fait originale, basée sur une population peu et mal connue, celle des Druzes. A lire sans modération cet été !
 
Je vous avais parlé avec un enthousiasme non dissimulé, il y a deux ans (coup de coeur de septembre 2015), du drôlissime et très fin roman d'urban fantasy de Daniel O'Malley, « Au service surnaturel de Sa Majesté » (Super 8 Editions et Pocket), qui nous contait les débuts de Myfanwy Thomas en tant que l'une des deux Tours de la Checquy, une organisation secrète calquée, comme son nom tiré du vieux français l'indique, sur les pièces du jeu d'échecs, et qui protège le royaume de toutes les menaces surnaturelles, sans beaucoup se préoccuper de considérations morales, que ce soit dans le recrutement de ses membres, dans le traitement de ses employés ou dans les solutions retenues pour résoudre les problèmes et faisant face à la plus terrifiante des menaces, celle des Greffeurs de la Wetenschappeljik Broederschap van Natuurkundingen, ces alchimistes maîtres des transmutations biologiques, issus des profondeurs de ces territoires sous domination espagnole qui formeront plus tard la Belgique. Dans « Agent double » (Super 8 Editions), nous retrouvons cette chère Myfanwy qui essaye de faire fonctionner l'alliance passée entre la Checky et les Greffeurs, face à la défiance innée et à l'hostilité de la majeure partie des membres des deux organisations car on n'efface pas d'un coup de plume des siècles de haine et de peur... Outre les principaux membres de la Checky et de la Confrérie, nous allons faire la connaissance de Felicity, pion et soldate redoutable, qui va se retrouver assignée au poste peu enviable (pour un pion) de garde du corps de la ravissante et timide Odette, arrière-arrière-arrière...-petite-fille du comte Ernst Van Suchtlen, le fondateur et dirigeant des Greffeurs, qui dirige l'imposante délégation venue du Continent pour entériner les accords d'alliance et de fusion des deux organisations. Mais une menace nouvelle pèse sur ceux-ci, les actions de terrorisme surnaturel (mais l'est-il vraiment ?) qui s'attaquent à une population britannique innocente et ignorante de ce qui se trame autour d'elle : qui sont ces mystérieux Antagonistes qui frappent ainsi ? Il appartiendra à Myfanwy et Ernst de suivre les pistes, démêler l'écheveau des antipathies et incompatibilités entre Britanniques et Belges qui brouillent et rendent inefficaces les actions entreprises, le tout au milieu de la suspicion mutuelle de double jeu et de trahison. Avec brio, O'Malley oppose tout au long du roman les deux visions contradictoires du monde, et les incompréhensions que cela entraîne, qu'ont les deux organisations, entre celle surnaturelle de la Checky (avec les pouvoirs et dons stupéfiants mais, paradoxalement, d'origine naturelle que possèdent les pions) et la vision que l'on pourrait qualifier de naturaliste de la Confrérie (tout est basé sur la science, une science biologique tellement avancée qu'elle en devient quasiment de la magie), rentrant dans la psychologie des personnages avec beaucoup de finesse. Inutile de préciser qu'attaques de créatures étonnantes, négociations diplomatiques musclées et humour sont au rendez-vous, dans près de 900 pages impossibles à lâcher une fois le roman commencé.
 
Une autre lecture parfaite pour les vacances, en particulier pour les amateurs de space opera flamboyant, est les Skylark de Edward Elmer « Doc » Smith, l'un des fondateurs et des maîtres du genre : l'intégrale des quatre romans vient de sortir en français pour la première fois chez Rivière Blanche (seul le premier était sorti au Rayon fantastique il y a déjà quelques dizaines d'années sous le titre de « La curée des astres »). Outre sa série des Fulgur, celle des aventures de Richard Seaton, inventeur de génie qui met au point une méthode de propulsion atomique révolutionnaire et embarque avec sa fiancée sur le « Skylark » pour conquérir les grands espaces intersidéraux, est l'une des sagas fondatrices du genre. Au cours des quatre volumes (« Le Skylark de l'Espace », « Skylark III » réunis en un volume, « Le Skylark de Valeron » et « Skylark DuQuesne ») Seaton, héros droit dans ses bottes comme on les aime, fera face à et surmontera d'innombrables obstacles et embûches semés par les nombreuses races extraterrestres assoiffées de conquête qu'il rencontrera et, surtout, affrontera (et déjouera) les complots de son ennemi et double maléfique, l’ignoble Dr. DuQuesne, aussi génial que jaloux de Seaton, sans aucun doute l'un des « méchants » les plus réussis de la SF, dont l'évolution psychologique au cours des romans est absolument fascinante. Il faut féliciter Martine Blond pour son beau travail de traduction des textes (et de rétablissement du texte original pour le premier roman). Agrémentés d'une bibliographie de Smith et d'introductions par Jean-Marc Lofficier, Jean-Michel Archaimbault ainsi que d'un texte du Maître lui-même datant de 1940, passionnant à lire, voilà la saga de l'été !
 
En juillet 2015 j’avais un grand coup de cœur pour « L’Instinct du Troll », un hilarant roman de fantasy de Jean-Claude Dunyach. Son troll nous revient avec « L’Enfer du Troll » ‘L’Atalante) et c’est aussi jouissif (désolé, il n’y a pas d’autre terme adéquat) que le premier. Notre troll, accompagné de sa trollesse, de son stagiaire Cédric et de ses autres compères, va affronter, suite aux manigances de son ex-chef qui le fait recruter en tant que consultant (puisqu’il a quitté son poste à la mine), une menace aussi terrifiante qu’inconnue dans une contrée lointaine. Entre l’éprouvant (mais émoustillant) voyage en bateau et les ennemis de toutes sortes (dont les boules à neige piéges à touristes…, sans parler des zombies, mages noirs consultants et des chevaliers en training), Jean-Claude Dunyach met à nouveau en scène avec son humour décapant et son impitoyable sens de l’observation l’univers « corporate » contemporain dans toute son horreur et son absurdité. A lire pour rire à gorge déployée avant de relire pour en apprécier tout le sel et la finesse de l’observation.
 
Chaque nouveau roman d’Estelle Faye promet un plaisir de lecture original, « Les Seigneurs de Bohen » (Editions Critic) ne fait pas exception à la règle. A travers le récit de Ioulia la Perdrix, une très vieille dame qui fut un petit rouage du système au service de l’Empereur de Bohen mais un témoin uniquement bien placé (et qui démontre qu’il ne faut pas être dans une position de pouvoir pour entraîner la faillite du système, le plus humble pion placé au bon endroit suffit), nous allons assister aux événements qui vont entraîner la chute de ce puissant Empire de mille ans d’âge, basé sur l’exploitation d’un métal unique, le lirium. Le récit est tellement dense, précis, superbement écrit, avec une richesse de détail dans les caractères des personnages, la description des villes et des campagnes (sans parler des mines de lirium à l’horreur hallucinante) et le déroulement implacable de l’histoire, un ensemble d’actions qui, prises séparément, ne devraient avoir aucune influence ni importance, mais qui s’enchaînent, s’additionnent et se répercutent les unes sur les autres jusqu’à l’écroulement final. Estelle Faye a, pour cela, créé une galerie de personnages inoubliables : outre Ioulia, qui est la récitante à la manière d’une pièce de théâtre antique, Maëve la morguenne (une sorcière qui agit sur l’océan et découvrira la vérité sur les vaisseaux mystérieux qui ravagent les ports des Havres en découvrant ce qu’implique, pour une reine, de servir son peuple et en se découvrant elle-même par l’acceptation de sa propre sexualité), Sainte-Etoile, le bretteur qui porte un monstre dans sa tête (mais que se cache-t-il derrière le monstre ?), le clerc De Wens qui découvrira ses dons en interagissant avec le garde essène mutilé (on lui a coupé la langue) Janosh – un duo extraordinaire -, mais aussi l’Empereur et l’Impératrice folle, pathétiques humains placés dans une situation de pouvoir absolu et donc de servitude tout aussi absolue, prisonniers de leurs devoirs. Ajoutez-y une bonne dose de magie et des revenants surprenants, une révolution qui apporte son lot de gens sincères et dévoués et son lot tout aussi obligatoire de profiteurs et ralliés opportunistes et cela vous donne près de 600 pages magnifiquement écrites d’une action prenante, encore un roman qui m’a fait passer une nuit blanche car impossible à reposer.
 
Et j’ai encore adoré beaucoup d’autres romans, que je vous recommande pour l’été :
 
-  Le diptyque de Jean-Luc Marcastel, « Tellucidar » (bel hommage à Edgar Rice Burroughs), sorti chez Scrinéo : une exploration du monde intérieur et de ses royaumes par le jeune Lucas, en compagnie de Koré, la belle princesse de Panshir, de son oncle Patrick, le journaliste effacé qui l’a éduqué et qui se révélera être bien différent de ce qu’il imaginait et de son meilleur ami au lycée, Charles le geek. Lucas y retrouvera son père disparu et luttera à ses côtés contre l’infâme Tellcorp, une multinationale sans foi ni loi, dont le principe est d’exploiter sans vergogne les ressources naturelles au mépris de l’environnement et des populations indigènes du moment que cela rapporte à court terme. Description d’une civilisation hybride entre la Grèce antique et les Mayas, des paysages époustouflants de beauté sauvage, des personnages sympathiques et des dinosaures, beaucoup de dinosaures, batailles nombreuses (dont une que l’on rêve de voir mise en scène par Spielberg) plus une histoire d’amour sulfureuse – je vous laisse la surprise - tout cela donne deux tomes à lire au soleil.
 
-   Et comme il faut que les enfants restent tranquilles pendant que vous lirez « Tellucidar », vous pourrez leur remettre, du même Jean-Luc Marcastel, le premier volume de « L’Auberge entre les mondes », intitulé « Péril en cuisine ! » (Flammarion Jeunesse) : le jeune Nathan est pris par Monsieur Raymond comme apprenti cuisinier dans une auberge aussi reculée que réputée des montagnes arvernes où il se rend pour l’été, accompagné de son meilleur ami, Félix, tous deux orphelins. A la plus grande stupéfaction de Nathan, ils vont découvrir les réalités fabuleuses de cette auberge entre les mondes où les deux chefs extraordinaires peuvent servir les plats de toutes les planètes de l’univers connu. Extraterrestres sympathiques, plats tout aussi sympathiques mais dont les ingrédients savent souvent bien se défendre, philosophie de la diplomatie par le ventre encore plus sympathique (et qui reflète parfaitement celle de l’auteur), écrit sur un rythme rapide et enjoué, plein d’humour, voilà un court roman qui devrait séduire et amuser les plus jeunes. Atout supplémentaire : l’auteur nous livre les recettes secrètes de Tonton Kolkrabbi et de Tonton Bleksprutt, qui vous mettront l’eau à la bouche mais il n’est sans doute pas recommandé de laisser les enfants les essayer sans surveillance.
 
-   Depuis quelques années John Scalzi construit une superbe et palpitante histoire de l’évolution des relations entre la Terre qui, à travers ses vieillards, fournissait la piétaille des armées de l’Union Coloniale (les autres planètes humaines colonisées) dans sa guerre contre les extraterrestres et celle des rapports entre l’espèce humaine et le Conclave qui s’est créé pour unir les civilisations ET contre cette même menace humaine. Commencé avec le grandiose « Le Vieil Homme et la Guerre », poursuivie avec « Les Brigades fantômes » puis « La Dernière Colonie » (tous parus chez l’Atalante), nous découvrions la vérité derrière les menées de l’Union coloniale puis la rupture avec la Terre, nous poursuivions ensuite avec « Humanité divisée » (coup de cœur de février 2015) et voici maintenant « La Fin de tout » (toujours à L’Atlante) qui nous fait participer aux derniers événements : entre les divisions humaines et les divisions ET, la guerre semble à nouveau inéluctable, avec pour conséquence la fin de notre espèce, d’autant plus qu’une puissance clandestine œuvre à faire échouer toutes les tentatives des hommes et des ET de bonne volonté, qui sont pourtant nombreux et décidés. L’histoire est racontée à travers celle de Rafe Daquin, pilote humain capturé, qui n’est plus qu’un cerveau dans une boîte pilotant un vaisseau car il n’a pas d’autre choix. Mais son ingéniosité prendra le dessus et changera le cours des choses. Scalzi, comme dans ses romans précédents, fait preuve, ainsi que ses personnages – qu’ils soient des hommes ou des ET -, d’une grande humanité et d’une volonté de comprendre l’étranger en face afin d’éviter les drames. C’est ce qui rend, outre les belles descriptions psychologiques mais aussi de batailles spatiales ou planétaires, son roman à la fois passionnant et poignant. Sans aucun doute, l’une des plus belles sagas de SF en cours !
 
-   Est sortie aux Editions Armada une bien jolie uchronie de Meddy Ligner, « Semper Lupa. L’histoire éternelle de Rome », qui, de 759 A.U.C. (an 6 de notre ère) à Jérusalem à 2845 (2092) et au-delà, nous présente l’essor d’un Empire romain autre, qui conquerra une partie du monde (y compris une partie de l’Amérique du Nord), fera sa révolution industrielle et ira dans l’espace, le tout à travers un ensemble de courtes histoires consacrées chacune à un événement historique de cet Empire. C’est très bien écrit, très plausible et fournit une belle histoire alternative se terminant sur une chute tout à fait inattendue. Un auteur (qui nous avait déjà donné une autre uchronie historique, « Les Roses de Karakorum », aussi chez Armada) et un roman à découvrir !
 
-   Avec « Les Elémentaires » (Castelmore), Nadia Coste nous propose un roman de fantasy très original : la malheureuse Cassandra ne maîtrise pas, depuis sa naissance (elle a gravement brûlé sa mère en venant au monde), son pouvoir lié au feu car elle souffre d’un dérèglement hormonal des glandes de pouvoir : à la moindre émotion elle s’enflamme... En désespoir de cause, elle va convaincre ses parents (en particulier le duc son père) de l’envoyer à l’autre bout du royaume pour y suivre une cure miracle afin de guérir. Inutile de vous dire que, comme elle est obligée de voyager plongée dans un baquet d’eau en permanence pour éviter les risques d’accident alors que tout est nouveau pour elle et donc source d’émotions, tout va se dérouler de manière imprévue, d’autant plus que son accompagnateur est un aventurier débutant malchanceux, Grégoire Brémond, qui a le pouvoir de l’eau (heureusement), doté d’un apprenti plein de bonne volonté, auxquels se joindront sa cousin Kiana, qui a le pouvoir fort peu estimé de la terre, et son père, inutile doc de vous dire que rien ne se passera comme prévu. Entre les bandits qui s’acharnent à les attaquer, les animaux-élémentaires sauvages de toutes sortes, les manigances du duc et de son oncle plus une femme-mage savant fou, spécialisée dans les greffes de glandes élémentaires, Cassandra, Grégoire et Kiana vont avoir fort à faire. Sorte de road trip de fantasy, « Les Elémentaires » est un roman très drôle – bourré de jeux de mots et de clins d’œil, je vous laisse découvrir ce que sont les CRS dans ce monde -, qui nous montre comment des adolescents et de jeunes adultes mûrissent alors qu’ils sont confrontés aux épreuves. Excellente lecture estivale !
 
-   « L’Alchimie de la Pierre » (Le Bélial), d’Ekaterina Sedia, est sans aucun doute l’un des romans les plus originaux que j’ai lu : on pourrait le qualifier de fantasy steampunk car dans cette ville gigantesque, bâtie par un peuple de pierre devenu légende, les gargouilles, la rivalité entre les guildes rivales des Mécaniciens (le monde physique) et des Alchimistes (le monde spirituel) est à son comble, et l’équilibre entre les deux (représentant les gargouilles qui maîtrisaient les deux mondes) semble basculer en faveur des premiers. Mattie, le personnage central du roman, est une automate douée de conscience, s’est émancipée de son maître Mécanicien, Loharri, qui entretient des relations troubles avec elle, et elle a décidé de devenir Alchimiste… Et c’est elle, personnalité unique dans la ville, qui va être choisie par les gargouilles survivantes pour trouver le remède au mal qui les frappe, la pétrification. Nous la suivrons dans sa quête, dans une ville étonnante et extraordinaire, rencontrant des personnages tout aussi étonnants et extraordinaires – mention spéciale au pathétique et noble Ilmarekh, le Fumeur d’âmes, une idée superbe ! - alors que des complots se développent dans tous les milieux pour gagner du pouvoir, que des attentats ravagent la ville dont, de plus, des bâtiments disparaissent soudainement et qu’une évolution inexorable, celle du progrès, semble remettre en cause la société, le tout sous le regard impuissant des gargouilles. Le roman est d’une originalité folle, souvent très poétique dans son exposition, superbement écrit et fort bien traduit par Pierre-Paul Durastanti qui rend parfaitement bien la puissance de l’écriture de l’auteur, mise au service d’une très belle histoire. 
 
-   Cela faisait trop longtemps que nous n’avions plus rien lu de Ian McDonald en français : la collection Lunes d’Encre vient de corriger cette lacune avec la sortie du premier tome d’une nouvelle trilogie, « Luna ». Nous sommes en 2110 sur la Lune, colonisée et devenue le « paradis » capitaliste par excellence ! Tout se vend, tous s’achète, y compris les produits de première nécessité comme l’eau et l’air (les Quatre Fondamentaux : eau, air, carbone, données, payés quotidiennement) – on offre leurs dix premières respirations aux immigrants, ensuite le compteur tourne, les plus pauvres survivent en vendant leur urine, les corps appartiennent à la LDC, l’autorité gouvernementale lunaire, qui en récupère tous les sels minéraux et autres-, tout se règle par contrat privé par « consentement » mutuel (la loi du plus fort…) et la sexualité est sans tabou aucun. C’est le monde d’une dureté sans égale que découvre une nouvelle immigrante brésilienne, Marina, qui aura la chance d’intégrer l’organisation des Corta, l’un des cinq « Dragons », les grandes familles lunaires, ayant chacune leur spécialisation, qui se partagent l’exploitation des différentes ressources lunaires. McDonald nous décrit un univers hallucinant, où l’on parle et vit selon les codes des cultures coréenne, brésilienne et arabe (normal, ce sont les plus pauvres qui ont immigré), où la chute n’est jamais loin vu les rivalités et haines féroces, en particulier entre les Corta et les Mackenzie, où la gestion de l’environnement est poussée à un degré extrême, où la religion et la spiritualité font plus ou moins bon ménage avec l’exploitation des masses, où pouvoir et argent sont les maîtres mots, bref, la société dont certains semblent rêver pour nous, ici, sur la Terre… Toute une galerie de personnages particulièrement bien développée nous est présentée, avec le talent de l’auteur pour des caractères à la psychologie fouillée, qui survivent, se battent et jouissent tant qu’ils peuvent face aux difficultés, avec une emphase sur les projets de société alternatifs, McDonald nous réservant un certain nombre de surprises au cours du roman. Bref, il y a non seulement du sang, de la sueur et des larmes (beaucoup !) mais aussi une bonne dose de réflexion sur notre société et son devenir, de quoi nourrir nos pensées pour l’été. Il me semble que nous tenons là un futur classique de la SF.
 
-   Toujours chez Lunes d’Encre est sorti un autre excellent roman, une uchronie de Robert Charles Wilson, « La Cité du Futur » : quelles seraient les conséquences sur la société des années 1870 si des hommes du XXIème siècle débarquaient, construisaient au milieu de l’Illinois une cité selon leurs standards, et organisaient des visites pour les touristes ? C’est ce que nous fait découvrir Wilson, avec la cité de Futurity qui n’est là que pour cinq ans. Pour quelles raisons, cinq ans seulement ? Et qui a essayé d’assassiner le président Grant en visite avec un pistolet du futur alors que les armes sont interdites ? Jesse Cullun, employé comme agent de sécurité, va mener l’enquête en tandem avec Elizabeth, une investigatrice du futur, à la demande expresse d’August Kemp, le sympathique grand patron, le fondateur de l’entreprise. Et leur enquête va les mener sur des pistes bien curieuses, montrant que, quelle que soit l’époque, les hommes ont toujours les mêmes ressorts de fonctionnement et les mêmes motivations, se livrent toujours aux mêmes trafics et ont toujours les mêmes appétits, qu’ils soient petits employés ou grands capitalistes… Le roman va nous montrer les Américains et leurs réactions face à leur propre futur – les passages sur l’égalité des races et des sexes sont très bien vus -, nous emmener jusqu’à San Francisco, mêlant de belles histoires personnelles à la grande Histoire, jouant avec finesse sur les conséquences des paradoxes temporels et l’exploitation du passé. 
 
-   « Zalim », de Carina Rozenfeld (Scrinéo) est un excellent roman de fantasy sur le thème du monstre : vu le ressort du roman, il est difficile de vous en parler sans spoiler gravement l’intrigue. Sachez seulement que le royaume d’Arensdaal est gravement menacé par les armées de soldats mécaniques du royaume ennemi de Rakeshin et que, face à l’incurie du roi Yalmar, Ederinn Maley, le dévoué chef des armées, sait que le seul recours est de faire appel à Zalim, le monstre relégué dans les limbes, et de le faire s’incarner afin qu’il détruise l’ennemi. Mais, outre le fait que l’on doit sacrifier l’incarnation, le plus gros problème est que Zalim est incontrôlable et peut se retourner tout aussi contre ceux qui l’ont fait venir. Ederinn devra faire face à ce dilemme avec la princesse Elyana, sachant les risques encourus. Je ne vous en dis pas plus si ce n’est que le roman est excellent, prenant et que Carina Rozenfeld sait entretenir jusqu’à la fin un suspense intense. Une autre belle lecture !
 
-   Je vous signale aussi, sorti chez Actusf, le beau roman historique de Jean-Laurent Del Socorro, « Boudicca », consacré à la grande reine guerrière, qui mena la résistance contre les Romains en Grande-Bretagne. L’auteur s’intéresse particulièrement aux ressorts psychologiques des protagonistes, très finement observés, nous montrant que, parfois, les différences culturelles sont fondamentales et que des décisions fondamentales peuvent se jouer sur quasiment rien – la rencontre entre Boudicca et l’Empereur est remarquable -. Il nous montre aussi que peu importe que les dieux soient réels et interviennent véritablement dans les affaires humaines, ce qui compte c’est que les destinataires des messages ou des apparitions soient convaincus de leur réalité, ce qui était le cas dans les sociétés celtes de l’époque.
 
-   Un nouvel auteur, Ariel Holzl, vient de publier son premier roman, « Le Complot des corbeaux », tome 1 de « Les sœurs Carmines » (Mnémos, collection NAOS), un très bon roman de fantasy, drôle et original. Le décor est la ville de Grisaille, ville sinistre qui porte bien son nom, où l’on s’assassine avec enthousiasme, où l’on utilise des zombies dans les usines, où le passe-temps favori des grandes familles aristocratiques aux dons surnaturels est de comploter pour s’emparer du trône (malgré une espérance de vie des monarques remarquablement courte…) et où survivent trois soeurs d’une famille de la noblesse ruinée, les soeurs Carmines : l’aînée, Tristabelle, est une évaporée qui refuse d’accepter de déchoir et essaye de maintenir les apparences, Dolorine, la cadette, est une fillette gentille mais inquiétante (elle qui est seule à communiquer avec Monsieur Nyx et avec l’Homme Bleu, qui sont-ils, existent-ils seulement ?), et seule Merryvère fait tourner la maison grâce à ses dons pour aller voler les riches. Entre complots de la haute société, révolutionnaires de la plèbe, nécromants et vampires, plus ses deux sœurs, Merryvère va avoir fort à faire. Voilà un roman très réussi, très original, drôlatique, avec des personnages d’un cynisme réjouissant, qui se lit d’une traite et fait attendre le tome 2 avec impatience.
 
-   Autre premier roman à découvrir, celui d’Alex Evans, « Sorcières associées » (Actusf) : que fait-on lorsque la magie réapparaît après quatre cents ans d’absence et fonctionne ? C’est le problème qui se pose dans la ville de Jarta et on fait avec : les créatures surnaturelles sont intégrées dans la vie de tous les jours et tiennent commerce (y compris des maisons de mauvaise vie). Deux sympathiques sorcières – la sorcellerie étant un métier fascinant, profitable et dangereux -, Tanit et Padmé, se sont associées pour ouvrir un bureau d’enquêtes surnaturelles et elles ne manquent pas de travail. Le récit, raconté à deux voix en alternance, va nous exposer les affres d’un vampire qui veut savoir qui l’a envouté et leur mission pour découvrir les causes des incidents étranges survenant dans une usine qui emploie de la main d’œuvre zombie, à la limite de la légalité. Bien entendu, d’autres horreurs innommables se cachent derrière, qu’elles vont découvrir à leur corps défendant (dans tous les sens du mot…), surtout que le capitaine pirate, pardon, honorable commerçant, Rahul Iskander, ne recule devant aucune méthode de séduction avec Padmé, alors qu’il détient peut-être la clé du trafic du jus de lotus noir. Sans compter la propension de Jihane, la fille de Padmé, à sauver et adopter les créatures les plus invraisemblables et à les ramener chez elle : un gremlin ne constitue pas, par exemple, le plus adorables des animaux de compagnie… mais peut constituer une bonne base lorsqu’on veut devenir, comme elle, cryptozoologue. Vous le voyez, non content d’être un excellent roman de fantasy plein de bonnes idées, « Sorcières associées » est aussi écrit avec beaucoup humour et des personnages haut en couleur, truculents ou inquiétants, en somme un vrai bonheur de lecture.
 
-   A ne pas manquer non plus, « Célestopol » d’Emmanuel Chastellière (Editions de l’Instant) pour tout connaître du joyau de l’Empire russe dans ce monde où la conquête de la Lune s’est faite bien plus tôt et où la fortune de la ville lunaire sous globe, en ce début du XXème siècle, ainsi que la puissance de son duc, Nicolas, s’est bâtie sur l’exploitation du mystérieux sélénium. A travers un ensemble d’une quinzaine de courtes nouvelles, vous découvrirez la magnificence de Célestopol, traversée et illuminée par ses canaux de sélénium (et qui cachent d’étranges secrets), son petit peuple laborieux et son aristocratie pleine de morgue qui organise des courses de yachts spatiaux, ses automates désespérés, et son aspiration à la liberté. Doté d’une belle imagination, Emmanuel Chastellière a réussi le tour de force de créer une cité magnifique, étrange et originale, sans égale, dans des récits à la fois empreints de poésie et de révolte ou de résignation, qui vous enchantera comme elle l’a fait pour moi.
 
-   Est sorti aux Editions Mosquito un bel album de BD de Grégoire Bouchard, « Le Cauchemar argenté », premier volume d’un diptyque sur « Les aventures de Bob Leclerc » : les Martiens se sont infiltrés sur Terre en prenant notre forme afin de la conquérir sans coup férir de l‘intérieur, les peuples étant trop occupés à profiter de la paix retrouvée et de la société de consommation qui tourne à plein régime. Mais, dans le Canada de 1959, la résistance s’est organisée autour d’une équipe de savants qui construisent dans le plus grand secret une fusée atomique afin de porter la guerre sur Mars. Et seul le « captain » Bob Leclerc peut mener à bien cette mission. Ce premier volume couvre les préparatifs de la mission, entre le recrutement de l’équipage et la préparation de la fusée. L’histoire est prenante, très rétro dans son déroulé (et c’est un compliment car cela rend bien l’atmosphère de l’époque). Quant au dessin, il ne laissera personne indifférent avec ses références à la ligne claire tout en étant très moderne, un mélange qui m’a séduit. Suite et fin à la rentrée de septembre, nous n’aurons pas attendre trop longtemps pour en savoir plus sur cette civilisation martienne conquérante et mourante.
 
-   Dans un style rétro-moderne, je ne peux que recommander l’album de Joe R. Lansdale, « Steam Man » (Delirium), inspiré par l’un des succès de la SF américaine de la fin du XIXème siècle, le « Steam Man of the West » qui paraissait en « dime novels ». Il est devenu un robot géant à vapeur, piloté par une intrépide équipe de chasseurs de monstres, qui parcourt les grandes plains américaines, combattant Martiens et singes-albinos avant d’affronter un vampire dément… C’est très bon, très violent, y compris graphiquement (dessins de Piotr Kowalski), et très prenant.
 
-   Et si vous aimez Lovecraft et les X-Files, il faut lire « Sous de mauvaises étoiles », premier volume « Weird Detective » (Akileos). Sur un scénario de Fred Van Lente et un dessin de Guiu Vilanova, vous suivrez les enquêtes de l’inspecteur Sebastian Greene sur les horreurs innommables qui infestent New York. Mais n’est-ce point qu’une couverture pour cacher à sa partenaire, Sana Fayez, qu’il s’est laissé corrompre ? Et par qui, au vu de ses réactions bizarres ? Un album aussi sympathique que spectaculaire, bel hommage au Maître HPL.
 
Jean-Luc Rivera 
 
Tous les coups de coeur de Jean-Luc Riviera

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