La sensation du moment
Avec Terra Ignota, dont L’alphabet des créateurs est le 4e tome, Ada Palmer a sans conteste marqué le genre de la science-fiction en ce début de XXIe siècle. Il s’agit d’un cycle ambitieux, un livre-monde, qui veut se hisser au niveau du Dune de Frank Herbert et d’Hypérion de Dan Simmons. Complexe, le cycle se voulait une confrontation entre les idées des philosophes des Lumières et la science-fiction selon Ada Palmer elle-même. Le problème est tout de même que cela donne une histoire très compliquée où le narrateur, Mycroft Canner, s’amuse avec le lecteur (il a même fait croire à sa mort), décrit une société, où le système des ruches a remplacé les anciens Etats-nations, à côté de laquelle l’Inde des castes fait dans le simplisme… A l’issue de La volonté de se battre, l’humanité sombre pour la première fois dans la guerre après l’attaque d’Atlantis.
Un univers en crise
D’un côté il y a Sniper, un leader controversé qui veut réformer le système et de l’autre J.E.D.D Maçon, radical, qui veut fonder un nouveau système. Soit. Les voitures volantes, moyen de locomotion privilégié, tombent en panne et provoquent des accidents et des morts et les communications aussi. Quant à Mycroft Canner, on le croit mort, porté disparu après l’attaque d’Atlantis : après deux cents pages écrites par un anonyme, il réapparait. Bien. Beaucoup ont vu dans la description de cet univers hyper connecté et plongé dans la guerre une allégorie de notre propre monde où la guerre russo-ukrainienne fait rage : pourquoi pas ? De fait, on est impressionné par le travail d’Ada Palmer et par sa maîtrise de la narration. On se doit cependant de noter des longueurs (par exemple avec la transcription de pages de code, elle aurait pu raccourcir). On se permet aussi d’être frappé par le côté abscons de l’ouvrage. J’attends de voir la fin du cycle cependant pour savoir si je suis devant du génie ou une simple mystification.
Sylvain Bonnet