Un phénomène éditorial

Alain Damasio a d’abord été l’auteur de La Zone du dehors (1999), un roman assez déroutant, avant de se faire connaître avec La Horde du contrevent (2004), roman culte pour une bonne partie des amateurs de science-fiction et inspiré des travaux de Gilles Deleuze. Puis, à l’exception de quelques nouvelles, c’est le silence. En 2019, la sortie des Furtifs a constitué un véritable évènement littéraire remportant un grand succès, tant public que critique, qui a mis Damasio au premier plan des écrivains actuels. Il s’agit maintenant de voir ce que valent Les furtifs.

La recherche d’un enfant

Bienvenue dans le monde de la fin des années 2030 où les villes ont été rachetées et sont gérées par de grandes multinationales, ne laissant à l’Etat que la gestion dite « régalienne ». Mais l’imprévu arrive. Voici l’histoire d’un père, Lorca, à la recherche de sa fille Tishka dont la disparition l’a rendu fou. Persuadé que sa fille a été enlevé par des êtres nommé « furtifs », il intègre une unité d’élite de l’armé dont la fonction est justement d’identifier et de d’étudier ces furtifs. Très doué, Lorca en trouve. Il convainc ses supérieurs et son ex-femme, Sahar, que Tishka cherche à les contacter. En fait elle est devenue une des leurs… Ce qui n’arrête pas l’amour de ses parents. La révélation de l’existence des furtifs au grand public va provoquer une tempête politique et mettre en danger la vie de l’enfant et de ses parents.

Un roman foisonnant

Des villes privatisées, des fleuves détournés par les multinationales, des humains portant des bagues qui contrôlent leurs mouvements : voici l’illustration du cauchemar néolibéral peint dans Les furtifs! Il s’agit d’un roman âpre, tant par sa description d’un futur dans lequel on reconnaît notre présent que par les émotions qu’il véhicule : on ne peut qu’être ému par l’histoire de Lorca, Sahar et Tishka. Le style très particulier du livre, renforcé par les expérimentations syntaxiques (y compris une ponctuation parfois bien baroque), peut dérouter un lecteur lambda. Mais Alain Damasio nous parle de notre monde, de la tendance qu’il suit, de ce qui peut se produire si… Si rien ne change. Malgré ici et là quelques outrances gauchisantes, la charge sonne juste. On ne peut donc que recommander Les furtifs, à cause du cœur (l’histoire est souvent poignante) et aussi parce que sa lecture est une occasion de prendre conscience que ce monde doit changer !

Sylvain Bonnet