Auteur incontournable du comics avec notamment Watchmen et The Killing Joke, Alan Moore s’est déclaré très pessimiste quant à l’influence des histoires modernes de superhéros, arguant qu’elles pourraient, à terme, mener au fascisme.
Souvent très honnête dans ses déclarations, l’auteur, qui s’est écarté du monde du comics depuis quelques années, n’hésite pas à critiquer son art. Pourtant pionnier et représentant du genre pour beaucoup de fans, et à ce jour scénariste le plus récompensé dans le domaine, il considère que ce médium s’est « embourgeoisé », comme il l’a dit au Point à l’époque. Autant dire qu’il n’a pas une très bonne opinion des franchises de superhéros actuelles qui cartonnent à Hollywood, et notamment Marvel. Un dégoût qu’il n’hésite pas à clamer bien fort.
Cette fois, c’est dans The Guardian qu’il en fait une critique non plus méprisante mais alarmiste :
La majorité de la production est minable, quel que soit le support. Il y a des films merdiques, des disques merdiques, et des BD merdiques. La seule différence, c’est que si je fais une BD merdique, ça ne coûte pas cent millions de dollars.
Aux alentours de 2011, je m’inquiétais déjà des implications pour le futur de voir des millions d’adultes faire la queue pour voir des films Batman. Ce genre d’infantilisation — et notre désir d’avoir une époque et une réalité facile à comprendre — est souvent un précurseur du fascisme.*
Idoles douteuses, rapprochement avec l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016… Alan Moore ne mâche pas ses mots comme dans les univers qu’il a créés, avec en tête de proue Watchmen qui dénonçait déjà la figure du superhéros. En 2019, la série adaptée de Watchmen par HBO (disponible sur OCS en France) s’attaquait à ce problème en rendant par exemple le superhéros Rorschach, justicier violent et cynique, l’emblème d’une branche moderne du Ku Klux Klan.
Il est vrai que les superhéros ont aujourd’hui une influence palpable sur beaucoup de publics, et que leurs histoires inondent tous les médias. Ici par exemple, on vous parle presque tous les jours de superhéros ! Certaines critiques d’Alan Moore sont donc cohérentes, mais ne participe pas-t-il lui aussi à cet engouement avec l’adaptation des ses comics et avec le statut culte de certains d’entre eux comme Watchmen et V pour Vendetta ?
Évidemment, il n’y a pas de réponse claire à cette question mais l’auteur nous pousse à nous rendre compte que les superhéros n’ont pas forcément toujours raison (ce qui est par exemple bien montré dans la série The Boys sur Amazon Prime Video).
Dans son article sur le sujet, le site écranlarge pousse d’ailleurs plus loin la réflexion en nous rappelant le quatorzième critère d’Umberto Eco pour reconnaitre le fascisme :
Dans une telle perspective, chacun est invité à devenir un héros. Le héros du fascisme éternel rêve de mort héroïque, qui lui est vendue comme l’ultime récompense d’une vie héroïque.
* Traduction de ses propos par écranlarge.com.