- le  
Appel d'Air - Interviews 4
Commenter

Appel d'Air - Interviews 4

Laurent Whale

ActuSF : Pourquoi as-tu participé à Appel d’Air ?
Laurent Whale : A vrai dire, d’ordinaire, je ne me sens pas très concerné par la politique. En revanche, la bêtise me fait chier. Que des millions de gens, supposément dotés du nombre adéquat de neurones, aient pu se laisser abuser par cette manipulation me laisse pantois. Le vieux général et Renaud auraient-ils un point commun ? Les français seraient-ils des veaux ?
Ubu roi dans les ors de la république…
Ce serait comique si ce n’était aussi dangereux. L’avènement du serpent à talonnettes (pardon les serpents). De l’espèce la plus arriviste, avec les crocs qui rayent les marbres de Carrare. En ces jours où le rose est si terne – et à vendre, je me drape de noir. Sans haine, sans violence et sans arme. J’ai trop de mépris pour ça. Alors il ne reste que le stylo. Voilà pourquoi je suis là.

ActuSF : Après cinq mois d’exercice du nouveau gouvernement, quel regard portes-tu sur votre participation à cette anthologie ?
Laurent Whale : Je dirais qu’on est en plein dans la cible ; même un peu gentils. Quand on voit qu’on assassine les générations futures en fourguant nos centrales nucléaires à l’autre bout du monde (hier au news). Cette fierté dérisoire de brader l’avenir de nos enfants dans les salons de l’hôtel Maquignon me dit que j’aurais dû être encore plus méchant. Mon gosse sera bientôt un employé de son entreprise-université – pour peu qu’il choisisse une filière profitable (midi aux news).
En ce moment il fait chaud, la banlieue brûle. Accident de la route qui dégénère en bataille rangée (aujourd’hui aux news).

ActuSF : Combien de signaux d’alarmes, encore, avant l’éveil ?
Laurent Whale : Dans les années 70, quand je lisais un truc sur les puces et autres modes de repérage embarqués sur des humains je trouvais ça original. Maintenant, au moment de m’en servir dans mes histoires, ma main tremble. Pas de peur, non : de superstition : la question n’est plus « si », mais « quand ».
Alors oui, je le clame : cette antho devrait être remboursée par la sécu.
Tant qu’il en reste…

Joëlle Wintrebert 

ActuSF : Pourquoi as-tu participé à Appel d'Air ?
Joëlle Wintrebert :Comme tu le sais, le promoteur de cette idée, c'est Alain Damasio. Qui débutait son courriel collectif par ces mots : "Bon, je pourrais verbigérer sur 20 feuillets mais l'urgence domine."
Qui écrivait en cours de route à propos de N.S. : "Ce type ne nous propose pas un avenir : il insulte notre futur." Qui assurait que nous devions nous grouper pour faire entendre une clameur, parce que seuls et désunis, nous ne resterions que des schtroumpfs (c'est vrai que le langage des nains bleus est assez limité). Difficile de résister, non ?
D'autant qu'il était très facile d'allumer nos mèches, nous étions tous en pétard. Enfin, presque tous. D'aucuns disaient que nos texticules ne feraient en rien changer le cours de l'Histoire, laquelle prenait en France le grand virage conservateur déjà constaté ailleurs en Europe. J'étais personnellement trop en colère contre quelques lois liberticides votées dans une indifférence quasi générale et qui auguraient assez bien de ce qui nous attendait si le petit Nicolas triomphait. Et les tendances caractérielles apparentes de sa personnalité m'inquiétaient. Pas question de me taire, donc. Le texte que j'ai écrit est directement décalqué de vrais contrôles de police pratiqués pendant des concerts. Je pense avoir à peine extrapolé, contrairement à certains de nos amis auteurs qui se sont beaucoup plus décalés. Ce qui m'intéressait, en l'occurrence, c'était de montrer un instantané crédible de ce que nous pourrions vivre demain.

ActuSF : Après cinq mois d'exercice du nouveau gouvernement, quel regard portes-tu sur votre participation à cette anthologie ?
Joëlle Wintrebert :Il faudrait que je relise l'antho, mais je doute qu'elle me paraisse avoir perdu de son impact. Si tant est, bien sûr, qu'un morceau de littérature, fût-il de bravoure, puisse réellement "impacter" les esprits. L'avènement de Sarkozy s'est accompagné de quelques surprises comme le débauchage de personnalités de gauche, soit vendues, soit stupidement sincères, mais aussi d'un cortège de
mesures aussi prévues ou prévisibles qu'intolérables. Je n'en citerai que deux : la chasse à l'étranger, et spécialement à l'enfant scolarisé sans papier, et les tests ADN pour le regroupement familial "proposés" au demandeur d'un visa, et qu'il devra faire réaliser à ses frais.C'est une demande extravagante quand on connaît le coût de ces tests, et si l'on se réfère aussi à ce qui se passe en France, où ce moyen de vérifier la filiation est interdit. Seul un magistrat peut ordonner une recherche génétique dans le cadre d'une procédure. Celui qui passe outre risque un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende ! Pour lever ses incertitudes quant à sa paternité, un Français doit s'adresser clandestinement à un laboratoire étranger. Deux poids, deux mesures : pas d'enfants illégitimes ou adoptés chez les migrants, et on se donne les moyens de les identifier. C'est drôle, j'ai du mal à croire qu'on accordera un visa à ceux qui refuseront le test. Sinon, je réponds à cette question alors que les banlieues s'embrasent de nouveau, et avec une virulence inédite. Je me demande comment notre président va les débarrasser de la "racaille" : c'était son cheval de bataille. Demain, les lycéens rejoignent les étudiants sur le trottoir, attendons de voir si les jeunes font mieux flamber la révolte que leurs aînés...

Jean-Marc Ligny

ActuSF : Pourquoi as-tu participé à Appel d’Air ?
Jean-Marc Ligny : Pour l’argent ! On va gagner des millions, non ?
Plus sérieusement, parce que j’étais très inquiet du mauvais tour que prenaient les élections, et que cette initiative d’Alain Damasio est arrivée à point nommé. Je ne crois pas qu’on va réveiller les consciences avec ce petit fascicule, je pense qu’une fois de plus on ne s’adresse qu’à ceux qui sont déjà convaincus, à ceux qui n’ont pas voté Sarko en tout cas, mais bon, on s’est fait plaisir, on a exprimé nos craintes et opinions, ça fait toujours du bien. Ce serait bien que Sarko en ait un exemplaire ! (Il ne le lira certainement pas mais bon, va savoir…)

ActuSF : Après cinq mois d’exercice du nouveau gouvernement, quel regard portes-tu sur votre participation à cette anthologie ?
Jean-Marc Ligny : Je crois que nos pires craintes sont en train de se réaliser… Peu à peu Nicolas Supervendeur tombe le masque et révèle ses canines de loup dans son sourire ultrabrite. Les Français ont élu le représentant d’une droite cynique, arrogante et sans scrupules, qui va les plumer pour enrichir toujours davantage l’élite qui l’a réellement mis au pouvoir. Car en vérité – c’est un peu ce que j’ai voulu suggérer par mon petit texte sur les élections – Supervendeur n’a pas été véritablement élu par les Français, mais coopté par les multinationales dont il est le VRP. Les élections ont davantage ressemblé à une campagne de promotion d’un produit. J’avais l’impression d’avoir à élire un agent d’assurance qui soir après soir, chaîne après chaîne, média sur média, cherchait à tout prix à me vendre son putain de contrat. Ça m’a rappelé ces méthodes intrusives de vente par téléphone... Ceci dit, on aurait eu Ségolène, ça n’aurait pas changé grand chose. L’emballage aurait été plus rose et soyeux, et ç’aurait été d’autres consortiums qui se seraient partagé le gâteau, c’est tout... Suffit de voir comment Supervendeur achète les “socialistes” par brassées ! Le pouvoir n’a pas de couleur... Je ne crois plus au changement de pouvoir par les urnes, du moins plus en Europe (ça marche encore en Amérique du Sud). Je ne sais pas jusqu’où les gens vont accepter de se faire baiser avant de réagir... Je ne crois plus tellement non plus à une révolution possible, dans nos sociétés en proie au cynisme, à la cruauté et à la décadence des fins de règne. Je pense que c’est l’emballement prévisible du réchauffement climatique qui mettra fin à tout ça. Dans la panique et la douleur...

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?