On vous propose un petit détour dans nos archives de l'année 2017 pour découvrir les secrets d'écriture des Perséides de Robert Charles Wilson.
Actusf : Vous écrivez relativement peu de nouvelles. Comment est née l’idée de ce recueil ?
Robert Charles Wilson : J'avais commencé à écrire et publier quelques nouvelles vaguement liées à ce recueil qui sont devenues Les Perséides, des histoires à mi-chemin entre la science-fiction et la dark fantasy. J'ai réalisé plus tard qu’en ajoutant une ou deux histoires de plus, je pouvais en faire un vrai recueil. Mon éditeur a accepté avec enthousiasme.
Actusf : Envisagez-vous de développer les univers qui gravitent autour de la librairie Finders dans d’autres récits ?
Robert Charles Wilson : Je n’exclus pas d’écrire une autre histoire sur Finders, mais ça ne sera pas pour tout de suite. De manière générale, ces histoires se focalisent sur la façon dont je percevais la vie en ville quand j’étais encore jeune et naïf. Ça doit être intéressant de revoir ce même contenu d’un point de vue différent et plus mature. Ou pas…
Actusf : Vous semblez fasciné par les traditions gnostiques. S’agit-il du reflet d’un questionnement personnel ou est-ce simplement une source particulièrement riche d’idées littéraires ?
Robert Charles Wilson : Le gnosticisme et les cultes des mystères, l'idée qu'il existe des secrets enfouis derrière les parois du monde... Ce sont des concepts très intéressants, mais je ne pense pas qu'ils présentent un réel intérêt d'un point de vue ontologique, à savoir que tout n'est pas tout à fait vrai. Mais ils sont empreints de métaphores. Ils ont bien des choses à raconter, si ce n'est sur l'univers physique lui-même, peut-être sur l'univers que nous avons créé et que nous transportons en nous.
Actusf : Vous êtes amateur de mystères et d’autres mondes, est-ce que l’idée d’écrire de la fantasy vous a déjà effleuré ?
Robert Charles Wilson : L'heroic fantasy classique ne m'a jamais plus intéressée que ça. Par contre, la dark fantasy possède un certain charme. Les histoires des Perséides tiennent un petit quelque chose des œuvres de dark fantasy de Fritz Leiber ou de « dark science-fiction ». Les Perséides pourraient rappeler par exemple certaines de ses histoires comme "A Pail of Air" ou son roman Notre-Dame des ténèbres. Mais je ne suis pas certain que ma muse me pousse vraiment dans cette direction.
Actusf : Qu’est-ce que la science-fiction, pour vous : un moyen d’explorer les possibilités offertes par les progrès technologiques ou une expérience de pensée qui permet de sonder l’âme humaine ?
Robert Charles Wilson : La science-fiction est un couteau suisse: elle peut faire tout ça, mais bien plus encore. À l'heure actuelle je m’intéresse beaucoup aux sciences cognitives, comme les neurosciences, car toute spéculation sur les technologies cognitives va inévitablement soulever de profondes et intéressantes interrogations sur l'homme.
Actusf : Parmi vos livres, quel est celui qui vous a donné le plus de mal ? Lequel a été le plus facile à écrire ?
Robert Charles Wilson : Le plus difficile à écrire ? La suite de Spin (Axis et Vortex). Surtout parce que l'idée d'emmener une histoire qui avait déjà fait ses preuves dans des directions différentes me mettait pour le moins mal à l'aise.
La plus facile ? Je dirais, Julian, pour des raisons difficiles à expliquer. J'ai écrit ce roman au travers d'un idiome que j'avais emprunté le temps de ce livre et qui semblait me venir naturellement. C'était amusant de se promener dans le monde protestant horriblement naïf et ingénu d'Adam Hazzard, même si celui-ci est peut-être bien moins naïf qu'il ne veut bien nous le faire croire. Le protestantisme des petites villes américaines fait partie de mon arbre généalogique, et j’imagine qu’il fallait bien qu'il ressorte un jour.
Actusf : Quels sont les trois livres qui vous ont le plus influencé, tous genres confondus ?
Robert Charles Wilson : Question délicate que voilà. Mes influences sont très hétéroclites. Mais je peux vous donner trois livres qui m'ont beaucoup marqué lorsque je me suis découvert une passion pour l'écriture, des livres que je relis d’ailleurs toujours à l'occasion.
Ginger Pye d'Eleanor Estes - un livre pour enfants qui m'a appris que les lieux et les rencontres pouvaient ressortir d'un récit d'une façon telle qu'ils font naître de réels sentiments en nous.
Le Pays d'octobre de Ray Bradbury - au travers duquel j'ai appris que la fiction pouvait représenter, par la langue et les métaphores, une incarnation transcendante du monde, comme j'en ai fait l'expérience.
Et enfin, Moby Dick d’Herman Melville - au travers duquel j'ai appris que la fiction pouvait me transporter vers des lieux si réellement beaux et étranges à la fois que mes idées confortablement préconçues concernant la vie et l'écriture se sont condensées et éparpillées comme de la neige tombant par une nuit d'hiver.