A l'occasion de la sortie d'Avant 7 jours, Nelly Chadour revient sur l'écriture de ce nouveau roman paru aux Moutons Électriques.
Actusf : Avant 7 jours, votre nouveau roman, sort prochainement aux Moutons Electriques. Comment celui-ci est-il né ?
Nelly Chadour : Avant 7 Jours est né de l’écoute de morceaux de The Cure et d’Echo and the Bunnymen qui m’ont rappelé les ambiances douces-amères de mes années adolescentes. Pour moi, chaque chanson racontait une histoire, qui n’avait sans doute rien à voir avec ce que souhaitait évoquer Robert Smith ou Ian McCulloch, et au fur et à mesure, en piochant dans mes propres souvenirs et mes références cinématographiques et littéraires, un récit complet a pris forme, comme une créature chimérique.
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’intrigue de ce conte horrifique ?
Nelly Chadour : La population d’une île perdue au milieu de la Mer d’Irlande forme une communauté très fermée, vivant au rythme de rituels druidiques et à l’affût du moindre écart dans les rites ou le nombre d’habitants qui doit se maintenir à 999, ni plus, ni moins. Siofra, seize ans, ne trouve pas sa place, rejetée des autres jeunes, incomprise de ses parents. Débarque un jour une nouvelle insulaire, Jodie, une punkette grande gueule et curieuse. Une forte amitié va lier ces deux parias, et peut-être leur permettre de survivre aux événements qui plongent peu à peu l’île dans le chaos.
Actusf : Personnage très sensible, Siofra, votre principale héroïne, va devoir passer outre les mensonges et omissions des adultes pour garantir sa survie et celle des autres habitants. Comment l’avez-vous créée ?
Nelly Chadour : Je n’ai pas cherché très loin, Siofra, c’est moi, en grande partie. Comme mon personnage, j’ai souffert de forts troubles émotionnels et d’hyper sensibilité qui m’ont joué des tours et attiré l’inimitié de mes camarades de classe. Et comme elle, je me réfugiais dans le dessin, les livres, les films d’horreur et les toilettes du collège pendant l’heure des repas. J’ignore, cependant, si j’aurais su réunir autant de courage qu’elle face aux manifestations surnaturelles qui bouleversent l’île.
Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier, littéraire ou/et cinématographique ?
Nelly Chadour : Bien sûr, de nombreuses influences se sont mélangées au point de ne plus savoir où j’ai pioché précisément. Mais l’île d’Unscilly et son ambiance m’ont été inspirées par la série de 1979 qui m’effrayait enfant : l’Île aux Trente Cercueils, d’après un roman de Maurice Leblanc. Des vieilles femmes terrifiantes y pourchassaient l’héroïne qui ne pouvait s’échapper de l’île, rocher battu par les vents et abritant une sorte de secte diabolique. Leblanc s’est inspiré de l’île de Sercq et je me suis permise de lui rendre hommage en reprenant le même décor. La coupée joignant les deux portions de l’île, les falaises, le phare le manoir, presque tout vient de Sercq. Pour les films qui m’ont inspiré, Stand By Me et Breakfast Club pour les interactions entre jeunes, The Wicker Man et Midsommar pour les festivités païennes, The Fog de Carpenter pour l’ambiance angoissante, et j’ai casté l’acteur James Stewart qui prête ses traits au Baron d’Unscilly.
Concernant l’inspiration littéraire, j’avais lu, il y a plus de vingt ans un roman de Raymond E. Feist, Faërie qui présente une facette angoissante des mondes féériques. En y repensant, le bouquin n’était pas terrible, mais j’ai gardé certaines idées.
Actusf : Vous avez déjà écrit de nombreux récits dans le genre de l’imaginaire. Qu’est-ce qui vous fascine dans le fantastique et le surnaturel ? Est-ce plus facile pour parler de certains sujets ou est-ce juste pour divertir ?
Nelly Chadour : Je suis fascinée depuis enfant par le fantastique, l’épouvante car on peut trembler sans courir de risque. En grandissant, je suis devenue une grande sceptique, je ne crois ni aux fantômes, ni aux fées, ni même en Dieu, mais j’aime imaginer des scénarios façon « et si… ? » Il se dégage aussi du fantastique une symbolique forte, et j’aime tellement la définition du fantôme dans l’Echine du Diable de Guillermo del Toro :
Qu’est ce qu’un fantôme ?
Un fait terrible condamné à se répéter encore et encore
Un instant de douleur peut être
Quelque chose de mort qui semble encore en vie
Un sentiment suspendu dans le temps
Comme une photo floue
Comme un insecte piégé dans l’ambre
Les fantômes, les vampires, les fées, il est possible de faire adopter à ces créatures des rôles et des significations tellement plus signifiantes que la vie après la mort, la peur, etc…c’est un reflet déformé du réel. C’est pour cela que j’aime écrire du fantastique, car je peux parler de notre monde sans tomber dans le pensum. Dans Hante-Voltige, réédité et sortant également le 20 août, j’évoque le meurtre de Malik Oussékine et les violences policières mais par le prisme de l’enquête surnaturelle et du slasher, dans Espérer le Soleil, c’est la crise migratoire, les inégalités sociales, l’inhumanité sous couvert policé alors que l’on craint plus les vampires. Il en va donc de même pour Avant 7 Jours, dans lequel tous les jeunes de l’île se voient cacher une vérité effrayante soi-disant pour leur bien alors que c’est afin d’obéir à des traditions séculaires éculées.
Actusf : Avez-vous une référence incontournable en série ou film d’horreur ? Pourquoi ?
Nelly Chadour : Je vénère The Thing, et d’ailleurs tous les films de John Carpenter, en général. Je suis restée un peu bloquée dans les années 80 pour le cinéma d’épouvante, même si j’adore les films de la Hammer, mais mon maître étalon de la terreur demeure The Thing. Claustrophobique, paranoïaque, angoissant, on flippe quand le monstre ne se manifeste pas, et une fois la Chose visible dans toute sa laideur, Carpenter arrive encore à nous faire flipper là où d’autres cinéastes se plantent lamentablement.
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Un nouveau pulp ou carrément autre chose ?
Nelly Chadour : J’ai commencé l’écriture de la suite de Hante-Voltige, Hante-Tension, inspiré du film Shocker de Wes Craven et l’affaire Thierry Paulin. Je ne suis pas prête à débarrasser mes pages du pulp.
Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?
Nelly Chadour : Si la chance est de notre côté, je serai au festival les Hypermondes à Bordeaux, du 1er au 3 octobre et en septembre, en dédicace dans quelques librairies parisiennes. J’en tiendrai informé les lecteurs et lectrices sur mon compte Twitter.