Un maître du fantastique
Il y a beaucoup à dire de Clark Ashton Smith et de son œuvre. Pilier de Weird Tales, ami de Lovecraft et contemporain d’Howard, Smith a été pendant longtemps dans l’ombre de ses pairs. Voici ici Averoigne, le 3e volume de l’intégrale, après Zothique et Hyperborée. Belle entreprise éditoriale menée par Mnémos qui reprend ici le flambeau des éditions Néo, les derniers à s’être livré à une édition d’ampleur des œuvres de Clark Ashton Smith. On les salue donc bien bas et on part ici à la découverte de Smith (ami lecteur, c’est une invitation au voyage).
Sombre Moyen-âge, démons exotiques
L’Averoigne, c’est l’Auvergne revisitée par Smith qui y importe ses démons, l’ambiance onirique et cauchemardesque qui le caractérise. Ses histoires se déroulent dans le temps d’un long moyen-âge, jusqu’à la révolution en fait : la première nouvelle du recueil, La fin de l’histoire, se déroulent durant l’année 1789. On découvre petit à petit un univers singulier qui se déploient dans des histoires hantées par le paganisme comme Le satyre où La Venus exhumée où on voit des chrétiens affronter des résurgences divines ou démoniaques de l’antiquité. Le vampirisme apparaît aussi dans Un rendez-vous en Averoigne (avec des nobles devenus des esclaves de leur soif de sang) et L’enchanteresse de Sylaire, belle variation sur l’amour et l’érotisme où le jeune Anselme préfère les illusions de Sylaire à la réalité (mais n’est-ce pas aussi une belle illustration de l’amour ?). Et les victimes sont souvent des moines victimes de la tentation…
Mars et les autres planètes
Ce volume rassemble aussi des histoires se passant ailleurs qu’en Averoigne. On trouve donc des nouvelles se déroulant sur Mars comme Vulthoom et surtout Les caveaux de Yoh-Vombis. Ici, Smith emprunte la structure narrative des Montagnes hallucinées de Lovecraft et livre un récit horrifique où des explorateurs humains descendent dans les entrailles de Mars pour y affronter des créatures anciennes, bien plus vieilles que les martiens eux-mêmes. Smith est un auteur fascinant, y compris stylistiquement : la surabondance d’archaïsmes lui confère un charme suranné et entêtant, bien rendu par la traduction. On recommande donc ce recueil, ainsi que les précédents. Smith est un auteur qui vieillit bien.
Sylvain Bonnet