Avec déjà six romans à son actif, tous plutôt bien accueillis par la critique, on ne peut plus vraiment dire que Xavier Mauméjean est une valeur montante de la SF francophone. Fidèle aux éditions Mnémos, c'est cette fois en Asie Mineure, presque six siècles avant notre ère qu'il nous emmène, et pour nous faire franchir les portes d'airain menant à la cité du Roi des rois. A Babylone.
L'Ordre des Accusateurs
Alors qu'il n'a qu'une dizaine d'années, Sarban, fils de Dagan, quitte pour toujours sa famille. Un an plus tôt, un étranger a fait halte dans la modeste ferme de ses parents. L'homme arborait au revers de son manteau indigo la broche Apkallu, signe de son appartenance au redoutable Ordre des Accusateurs. Tout à la fois enquêteurs, juges, jurés et bras armé de la justice, eux seuls sont habilités à faire régner sur le Pays d'Entre-Deux-Fleuves le code d'Hammurabi, la seule Loi de Royaume. L'homme qui s'est arrêté ce jour-là dans la ferme de Dagan est Zod. Ancien général en chef des armées de Nabuchodonosor et Grand Maître de l'Ordre des Accusateurs. Impressionné par la vivacité d'esprit du jeune Sarban, il a enjoint ses parents de le conduire à Babylone, où il sera formé pour devenir lui-même un Accusateur.
Vingt ans plus tard, devenu un Juge craint et respecté, Sarban, comme tous ses condisciples, va devoir affronter le Chaos. Car est revenu le temps du sommeil des Dieux. Marduk, le Protecteur, est las, et durant son repos, c'est sa mère, Tiamat, qui règnera sur Terre. Durant le sommeil du Dieu, le Chaos s'abattra sur Babylone. Le fils tuera le père, la mère couchera avec le fils, l'ami deviendra l'ennemi. La Loi ne s'appliquera plus.
Mais au cœur du massacre et de la folie généralisée, Sarban découvrira qu'un meurtre a été commis. Un meurtre qui nécessite une enquête. Mais que pourra faire la Loi, alors que partout le Chaos est devenu la norme ?
Extrême violence
Xavier Mauméjean avait promis un roman "d'une extrême violence", et c'est le cas, même si, effectivement, elle n'est jamais gratuite. Il nous livre ici un roman qu'il qualifie lui-même de Fantasy, dans le sens où il met en scène l'affrontement entre l'Ordre et le Chaos. Soit. En fait Car je suis Légion n'est à rattacher aux littératures de l'Imaginaire que parce qu'il se réfère directement à nombre de mythes fondateurs de la culture indo-européenne.
Dans la même interview (qu'il nous avait accordée en novembre 2004) il s'étonnait que les Babyloniens ne soient pas plus exploités dans la littérature. Sans doute parce que placer l'action d'un roman au cœur d'une civilisation si méconnue du grand public est un défi qui exige les mêmes contraintes d'exposition de l'univers qu'un Space Opera. Contraintes dont Xavier Mauméjean s'acquitte à merveille. Il nous plonge sans l'ombre d'une difficulté dans l'atmosphère à la fois toute de mysticisme et profondément dépaysante de Babylone. Même si, pour forcer notre familiarisation, il n'hésite pas à occidentaliser les réactions de son héros, au point parfois d'en faire un pendant antique d'inspecteur Harry, jamais nous ne perdons de vue son intrigue profondément empreinte d'ésotérisme. Jamais non plus nous n'oublions que nous sommes à Babylone, cinq siècles et demi avant notre ère. Il y a dans Car je suis Légion, un souffle romanesque qui fait immanquablement penser à Robert Silverberg. On y retrouve ce style un peu solennel des chansons de geste que Silverberg avait lui aussi habilement utilisé pour son Gilgamesh, roi d'Ourouk. La filiation est évidente, et Xavier Mauméjean fait partie de ces auteurs qui, tout comme Ugo Bellagamba, pensent que les littératures de l'Imaginaire sont des littératures de l'Histoire. Ce qui n'est guère étonnant de la part de ce diplômé de philosophie et d'histoire des religions. Une "école", si "école" il y a, qui, pour exigeante qu'elle soit s'ouvre sur des mondes où l'épique le dispute à la pertinence du propos, à la condition bien sûr, de suffisamment maîtriser son savoir-faire littéraire. Ce qui est le cas ici. Car je suis Légion est aussi une enquête policière, un "thriller" comme le précise la quatrième de couverture, et se lit comme tel, vous maintenant en haleine tout au long des 350 pages, et jusqu'à son final.
Même s'il sera parfait pour la plage ou la campagne, dire que Car je suis Légion est un roman idéal pour l'été serait un peu lui faire injure, parce que c'est généralement le sort que l'on réserve à des livres bien moins consistants. Alors que la SF/Fantasy anglo-saxonne peine de plus en plus à éveiller notre intérêt, noyés que nous sommes sous la médiocrité d'une production qui nous était encore épargnée il y a seulement quelques années, Xavier Mauméjean s'impose d'évidence et démontre que, plus que jamais, l'imaginaire francophone est apte à prendre la relève.
En tout point magistral.
L'Ordre des Accusateurs
Alors qu'il n'a qu'une dizaine d'années, Sarban, fils de Dagan, quitte pour toujours sa famille. Un an plus tôt, un étranger a fait halte dans la modeste ferme de ses parents. L'homme arborait au revers de son manteau indigo la broche Apkallu, signe de son appartenance au redoutable Ordre des Accusateurs. Tout à la fois enquêteurs, juges, jurés et bras armé de la justice, eux seuls sont habilités à faire régner sur le Pays d'Entre-Deux-Fleuves le code d'Hammurabi, la seule Loi de Royaume. L'homme qui s'est arrêté ce jour-là dans la ferme de Dagan est Zod. Ancien général en chef des armées de Nabuchodonosor et Grand Maître de l'Ordre des Accusateurs. Impressionné par la vivacité d'esprit du jeune Sarban, il a enjoint ses parents de le conduire à Babylone, où il sera formé pour devenir lui-même un Accusateur.
Vingt ans plus tard, devenu un Juge craint et respecté, Sarban, comme tous ses condisciples, va devoir affronter le Chaos. Car est revenu le temps du sommeil des Dieux. Marduk, le Protecteur, est las, et durant son repos, c'est sa mère, Tiamat, qui règnera sur Terre. Durant le sommeil du Dieu, le Chaos s'abattra sur Babylone. Le fils tuera le père, la mère couchera avec le fils, l'ami deviendra l'ennemi. La Loi ne s'appliquera plus.
Mais au cœur du massacre et de la folie généralisée, Sarban découvrira qu'un meurtre a été commis. Un meurtre qui nécessite une enquête. Mais que pourra faire la Loi, alors que partout le Chaos est devenu la norme ?
Extrême violence
Xavier Mauméjean avait promis un roman "d'une extrême violence", et c'est le cas, même si, effectivement, elle n'est jamais gratuite. Il nous livre ici un roman qu'il qualifie lui-même de Fantasy, dans le sens où il met en scène l'affrontement entre l'Ordre et le Chaos. Soit. En fait Car je suis Légion n'est à rattacher aux littératures de l'Imaginaire que parce qu'il se réfère directement à nombre de mythes fondateurs de la culture indo-européenne.
Dans la même interview (qu'il nous avait accordée en novembre 2004) il s'étonnait que les Babyloniens ne soient pas plus exploités dans la littérature. Sans doute parce que placer l'action d'un roman au cœur d'une civilisation si méconnue du grand public est un défi qui exige les mêmes contraintes d'exposition de l'univers qu'un Space Opera. Contraintes dont Xavier Mauméjean s'acquitte à merveille. Il nous plonge sans l'ombre d'une difficulté dans l'atmosphère à la fois toute de mysticisme et profondément dépaysante de Babylone. Même si, pour forcer notre familiarisation, il n'hésite pas à occidentaliser les réactions de son héros, au point parfois d'en faire un pendant antique d'inspecteur Harry, jamais nous ne perdons de vue son intrigue profondément empreinte d'ésotérisme. Jamais non plus nous n'oublions que nous sommes à Babylone, cinq siècles et demi avant notre ère. Il y a dans Car je suis Légion, un souffle romanesque qui fait immanquablement penser à Robert Silverberg. On y retrouve ce style un peu solennel des chansons de geste que Silverberg avait lui aussi habilement utilisé pour son Gilgamesh, roi d'Ourouk. La filiation est évidente, et Xavier Mauméjean fait partie de ces auteurs qui, tout comme Ugo Bellagamba, pensent que les littératures de l'Imaginaire sont des littératures de l'Histoire. Ce qui n'est guère étonnant de la part de ce diplômé de philosophie et d'histoire des religions. Une "école", si "école" il y a, qui, pour exigeante qu'elle soit s'ouvre sur des mondes où l'épique le dispute à la pertinence du propos, à la condition bien sûr, de suffisamment maîtriser son savoir-faire littéraire. Ce qui est le cas ici. Car je suis Légion est aussi une enquête policière, un "thriller" comme le précise la quatrième de couverture, et se lit comme tel, vous maintenant en haleine tout au long des 350 pages, et jusqu'à son final.
Même s'il sera parfait pour la plage ou la campagne, dire que Car je suis Légion est un roman idéal pour l'été serait un peu lui faire injure, parce que c'est généralement le sort que l'on réserve à des livres bien moins consistants. Alors que la SF/Fantasy anglo-saxonne peine de plus en plus à éveiller notre intérêt, noyés que nous sommes sous la médiocrité d'une production qui nous était encore épargnée il y a seulement quelques années, Xavier Mauméjean s'impose d'évidence et démontre que, plus que jamais, l'imaginaire francophone est apte à prendre la relève.
En tout point magistral.