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Celui du sang

François Baranger (Scénariste, Dessinateur)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/04/2005  -  bd
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Celui du sang

François Baranger aime les images. Il confesse d’ailleurs que si le milieu de cinéma n’était pas fermé, il ne ferait peut-être pas de bande dessinée. D’une formation de graphiste, il a notamment réalisé des courts métrages d’animation (Antebios) et participé à des jeux vidéos d’héritage lovecraftien (Alone in the Dark IV). Le reste du temps, il donne dans l’illustration de fantasy ou de science-fiction, dont vous pouvez trouver des échantillons sur son site internet : www.francois-baranger.com. Mais voilà : le gaillard a besoin de s’exprimer, et de le faire avec ses mots, son feeling. Dans ce cadre, il lui a paru plus naturel de se tourner ver le milieu de la BD.

Pour sa première réalisation, François Baranger attaque avec du lourd : une série prévue en pas moins de trois époques de trois tomes chacune : Freaks Agency, qui a failli être un roman graphique, avant d’être travaillé au format BD. La première trilogie : Celui du Sang, s’ouvre sur un premier tome dans la pure tradition fantastique.

"C’était probablement dans votre cauchemar"

Faire la paix avec sa mère après douze ans de séparation... L’idée saugrenue qui a tout précipité. Bien installée dans sa vie new-yorkaise et ses responsabilités de conservatrice adjointe à l’American Museum of Natural History, June Hackett n’envisageait certes pas de renouer le contact avec sa mère, personnage antipathique qu’elle s’était empressée de quitter dès qu’une bourse universitaire lui en avait offert les moyens. Mais quand celle-ci lui envoya une lettre lui faisant part de la proximité de sa mort et de sa volonté de la revoir, June prit aussitôt son véhicule et roula jusqu’au port de Clifftown, dans le Maine, à proximité du manoir Hackett où sa mère vivait recluse.

June apprend alors que le manoir ainsi que la famille de sa mère traînent une bien triste réputation héritée de la chasse aux sorcières du début du vingtième siècle. Sa rencontre avec Caleb Vaughan, détective privé chargé de résoudre des cas de disparitions suspectes dans la région ne fait rien pour dissiper l’aura de mystère qui entoure le manoir Hackett. Un manoir bien difficile à atteindre, bizarrement protégé par un barrage d’hommes en armes. Défoncer le barrage n’arrangera pas les affaires de June... Pas d’autre solution pour elle et Caleb afin d’échapper aux militaires que de se réfugier dans le manoir, apparemment déserté depuis des années. Etonnamment, les hommes en armes ne les suivront pas jusque là...

"Oui, probablement"

Freaks Agency
apparaît comme un projet ambitieux. Graphiquement, bien sûr et on va en reparler, mais au moins tout autant sur le plan du scénario. Même si on n’est pas ici dans le registre de la nouveauté délirante : une jeune femme isolée, une histoire familiale trouble, les paysages encombrés de pluie du Maine, la réserve sinon la méchanceté des autochtones, un manoir inquiétant… Du point de vue de l’ambiance, on est sans doute à cheval entre Le Chant des Stryges de Corbeyran, le Dagon de Lovecraft et les élucubrations de King.

Pour ce premier opus, François Baranger tient à nous allécher et nous invite au questionnement. On ne dénoue rien, bien au contraire : on s’entrave un peu plus à chaque page, et plus on se débat pour y comprendre quelque chose, plus l’histoire se referme sur nous, avec l’implacable efficacité de celui qui manie le suspens comme le fan d’épouvante qu’il est. L’étrangeté des dialogues qui entament et closent ce volume, le ton de conspiration dont ils transpirent avec leur "affaire NH", les sujets "201" et "304" nous laissent mesurer la largeur du gouffre qui nous sépare encore de la compréhension du tout. Une belle réussite scénaristique qui nous fait espérer gros pour la suite.

Le constat graphique est lui plus mitigé. En artiste numérique qu’il est, François Baranger ne pouvait que bousculer les standards de la BD. Sa maîtrise des couleurs et des lumières atteint un degré rarement vu à ce jour. Réciproquement, et malgré une composition audacieuse, les visages des personnages manquent terriblement d’expression. On se croirait revenu au film Final Fantasy, avec ses visages de cire. On a l’impression que le monde entier de Freaks Agency se shoote au botox.

Heureusement, au fil des pages, le dessin des visages devient moins cireux, moins artificiel. Les couleurs adoptent, elles, des tons à la fois moins naturels et aussi plus franchement bande dessinée. L’impression de roman photo retravaillé au pinceau s’estompe, ou bien c’est que l’on s’habitue. Sans rentrer dans le rang, on a le sentiment que l’auteur maîtrise mieux l’exercice technique qu’il s’est imposé. De quoi, là encore, se réjouir en attendant la suite.

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