A l'occasion de la parution de Des Œillets pour Antigone, aux éditions Scrineo, Charlotte Bousquet revient sur l'écriture de ce roman.
"Trois époques. Trois femmes. Trois destins.
Une volonté : être libre."
Actusf : Des Œillets pour Antigone, votre nouveau roman doit paraître aux éditions Scrineo le 18 juin. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?
Charlotte Bousquet : Depuis très longtemps, je m’intéresse au personnage d’Antigone pour sa loyauté, son idéalisme et son, féminisme lui fasse la morale...), notamment. De manière plus générale, l’histoire des Labdacides et la figure de la Sphinge m’interrogent particulièrement : les notions de malédiction et de destin, mais aussi d’impunité, de transgénérationnel, de justice et de monstre, de puissance féminine, également.
Ainsi, je voulais écrire une variation sur le thème d’Antigone.
Le lieu choisi pour situer mon intrigue, au départ, était l’Argentine. Mais j’ai changé d’idée en cours de route. Probablement parce que j’ai découvert ce pays magique qu’est le Portugal (je connaissais déjà ses chevaux), et son histoire moderne, si peu connue. L’Espagne a eu 1936 et Franco, des années d’une dictature atroce (et une Barcelone autonome, féministe, solidaire en 1936-1937, dont Lilian Bathelot parle très bien dans son roman L’Étoile noire, sorti il y a quelques années chez Gulf Stream éditeur). Le Portugal a subi 51 ans de dictature feutrée, qu’on s’est empressée d’oublier sitôt la Révolution des Œillets.
Xavier Mauméjean, m’avait conseillé, il y a quelques années, d’écrire une saga familiale. Le conseil a mûri., l’histoire aussi.
Au fur et à mesure que je construisais mon récit, je me suis aussi rendu compte que je voulais parler du SIDA. Des « années SIDA », plus exactement, peut-être parce que je fais partie de cette génération qui a grandi avec...
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son intrigue ?
Charlotte Bousquet : L’intrigue se situe à trois époques, très proches : 1971, 1986 et 1991. Ces trois époques sont liées par une dimension double : fantastique et familiale. C’est une quête, quête de vérité, de justice. C’est aussi une histoire d’amitié, d’amour et de loyauté...
Actusf : Trois époques. Trois femmes. Trois destins. Comment les avez-vous créées ? Représentent-elles chacune quelque chose de différent ?
Charlotte Bousquet : Il y a deux Antigone et une Ismène, je dirai ! La première, Alma, est la plus proche dans sa construction de l’héroïne antique : refus de choisir entre ses deux frères, amoureux « secret », idéalisme, loyauté, envers les humains et envers les chevaux. La seconde Antigone, c’est bien sûr Luzia, rebelle, combattive, loyale elle aussi, envers ses convictions, envers son meilleur ami, qui choisit la vérité à tout prix
Actusf : Vous sentez-vous plus proche de l’une d’entre-elles ? Pourquoi ?
Charlotte Bousquet : Je pense qu’il y a un peu de moi dans chacune d’elles. Je dirai qu’Alma, qui est fusionnelle avec son cheval, est sans doute celle avec laquelle il m’est plus facile de m’identifier.
Actusf : Avec Des Œillets pour Antigone, vous abordez l’Histoire au travers d’une enquête. Pourquoi choisir de parler de la guerre au Portugal et de la révolution des Oeillets plutôt que d’une autre ?
Charlotte Bousquet : Je crois avoir répondu à cette question, en partie. Mais le Portugal est vraiment un pays que j’apprécie énormément. Et c’est un pays à secrets. Mon roman évoquant un secret de famille (des secrets...). Ce que je trouve très étonnant, c’est qu’on ne connaît pas grand-chose de l’histoire du Portugal. Et ce, au-delà même de la dictature de Salazar. On connaît l’Espagne, sa culture – même si ça ressemble parfois à du folklore –, ses guerres, mais fort peu le Portugal, considéré comme le parent pauvre de l’Espagne (conquérante, forcément), alors que ces deux pays sont très différents, à tous points de vue. Et même moi, je me rends compte que je n’en ai gratté qu’un tout petit bout, en fait. Et qu’il y a un monde à découvrir.
Actusf : La Guerre du Portugal n’est pas le seul sujet important que vous traitez dans ce roman. Je pense notamment au suicide adolescent, aux rapports familiaux complexes, au Sida, l'homosexualité ou encore le regard des autres. Cela vous semble-t-il primordial de sensibiliser votre lectorat à ces sujets ?
Charlotte Bousquet : Oui, mais c’est aussi l’histoire contemporaine, l’histoire de notre société. Je parle aussi du racisme, dans ce roman. Un racisme qu’on a un peu oublié, mais quand j’étais gamine, on parlait des « Polaks », des « Portos », des « Ritals », avec les bonnes vannes bien ignobles qui vont avec. Le racisme, l’intolérance, sont des monstres protéiformes, qui évolue avec les vagues d’immigration et la peur qu’elles provoquent. L’homosexualité a été dépénalisée dans les années Mitterrand. Vous imaginez ? Même pas quarante ans qu’on a le droit d’aimer qui l’on veut, en France. Et ces droits sont régulièrement remis en cause par des minorités haineuses. C’est insupportable, parce que ça ne devrait même plus poser problème, comme ça ne devrait même plus faire débat, le fait de changer de genre... Bref...
Actusf : Avez-vous du faire beaucoup de recherches pour créer votre univers ? Comment avez-vous travaillé ?
Charlotte Bousquet : Je me suis imprégnée de littérature, de musique, de documentaires. J’ai lu quelques ouvrages historiques et socio-économiques. Et surtout, surtout, j’ai interviewé des Portugais installés en France, des personnes franco-portugaises qui ont connu cette époque.
Actusf : Un roman historique saupoudré de fantastique. Comment avez-vous fait la part des chose ? La part fantastique était là depuis le début ?
Charlotte Bousquet : Oui, bien sûr. Si je travaillais sur Antigone, je travaillais sur la tragédie des Labdacides, donc, il me fallait une Sphinge. Et une malédiction : donc du fantastique.
Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspirations en particulier ? Littéraires, cinématographiques ?
Charlotte Bousquet : Jose Saramago. Sophocle. Queen. Etc.
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Charlotte Bousquet : Je travaille sur une trilogie de fantasy pour les 9-12 ans (Gulf Stream éditeur) et sur une autre série, de romans indépendants cette fois, chamanique, animalière, fantastique, pour Scrinéo.
Qu'en pensez-vous ?