Frank M. Robinson a eu une formation à la fois scientifique et littéraire. Attiré très vite par l'écriture, il plonge dans le journalisme après un passage dans la Navy. Il fera son travail jusqu'en 1973, où il quitte Playboy pour se consacrer à plein temps à l'écriture. Il est l'auteur de près d'une vingtaine de romans (presque aucun n'ayant été traduit en français).

Cercle fermé

Il s'appelle Moineau ; c'est du moins ce qui lui est dit quand il se réveille, amnésique, sur l'Astron, un vaisseau lancé de la Terre dans lequel vivent des hommes et des femmes depuis de nombreuses générations. Rapidement, il se sent décalé, entouré de mystère dans cet espace où il est né et a grandi. Depuis ses amis jusqu'à Grive qui souhaite sa mort, tout le monde a l'air d'en savoir plus que lui sur sa propre vie.

Le Capitaine lui aussi s'intéresse à Moineau. Seul homme à bord à avoir, avant le départ du navire, subi le traitement de longévité, il est pratiquement immortel et regarde les générations passer, les hommes naître, vivre et mourir en un cercle sans fin. Il a quitté le monde des hommes, s'isolant dans un rêve, le but de la mission de l'Astron : trouver de la vie sur une autre planète que la Terre.

Jusqu'ici, tous les débarquements n'ont montré que des sols vides et stériles. Mais le vieil humain veut encore croire. Et il veut lancer l'Astron dans une traversée mortelle, celle d'une zone d'espace totalement vide. L'équipage ne verra plus de planètes ni de soleils avant plusieurs générations. Poussé par ses amis, Moineau va entrer en résistance, chercher comment contrer le Capitaine.

Mais pourquoi lui ? Qu'a-t-il de si spécial ? Et si la vérité était cachée, horrible et effrayante ?

Un magnifique huis clos

Un monde fermé, immuable, ancré dans ses rites et ses habitudes, où les humains ne sont que des pièces d'une mécanique folle dont la programmation s'est déréglée. Voici un thème souvent repris par de bons auteurs de SF, un support idéal pour des réflexions et des analyses sur la notion d'humanité, sur les sociétés - la nôtre et celles que nous avons détruites. Robinson signe avec Destination Ténèbres une belle réussite du genre.

Bâti comme un thriller, le livre se dévoile peu à peu, mêlant scènes de vie ordinaire - le thème du sexe en espace fermé est omniprésent - et découvertes de plus en plus macabres. Chaque personnage montre une facette de l'Homme, depuis le Capitaine fou rongé par ses actes passés jusqu'au jeune amnésique au regard d'enfant sur ce monde sclérosé, en passant par Givre, torturé par ses propres démons, et tous les marins qui ont conscience de n'être que des pions dans un jeu qui les dépasse.

On peut regretter la fin, abrupte et peu claire - est-ce dû à la traduction ? - mais ce texte va au-delà de la simple SF, parlant de l'humanité et de son désir d'absolu, d'infini, qui peut la pousser au-delà du raisonnable.