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Divorce symbiotique et Séquoia - Les secrets d'écriture de Stéphane Desienne
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Divorce symbiotique et Séquoia - Les secrets d'écriture de Stéphane Desienne

A l'occasion du Club de la nouvelle de ce mois de juillet, Stéphane Desienne revient sur l'écriture de Divorce symbiotique, mais également de Séquoia !

Actusf : Stéphane Desienne, vous avez rejoint le catalogue des éditions ActuSF avec « Divorce symbiotique », une nouvelle au Club de la nouvelle de juillet. Mais surtout avec Séquoia, une série de space-opéra d’aventure ! Pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs et les lectrices qui ne connaissent pas encore votre travail ?

Stéphane Desienne : Je suis un serial-auteur de science-fiction dans le circuit éditorial depuis une dizaine d’années, avec plusieurs séries SF à mon actif, dont Toxic (chez Gephyre éditions) qui mixe les zombies et les aliens dans un univers space-opera et post-apo. J’ai écrit une trilogie SF, Voyager (parue aux éditions du 38), récemment qualifiée de « The Expanse » français. Un compliment qui m’a beaucoup touché (je suis fan de la série Expanse). J’ai commis plusieurs romans et au fil des années, je creuse petit à petit un nid « space-opera » qui s’est agrandi depuis quelques jours avec Planètes à vendre, et dans les mois à venir, avec Galactic Circus, trois séries, dont Séquoia qui s’inscrit finalement dans la même spirale « galactique ».

Actusf : vous écrit Évasion, le premier épisode de Séquoia – une série de space-opéra et d’aventure. D’où t’es venu l’idée d’un univers avec ces séquoias, ces vaisseaux-arbres géants capables d’échanger avec une interprète-botanistes ?

Stéphane Desienne : C’est une combustion spontanée. Comme souvent, je lis des textes d’autres auteurs, des articles scientifiques, les concepts infusent, j’absorbe des informations, des « sensations », des idées de tous les horizons et il arrive un moment où des pièces s’assemblent. Avec le temps, j’ai l’impression que ça arrive par « accident ». Comme si on mettait des tas de Lego dans un sac, qu’on secoue le tout pendant des semaines puis, un jour, quelques briques finissent par s’imbriquer et créer une forme, certes dégrossie, mais intéressante.
C’était aussi une période où je travaillais sur les synopsis de deux séries space-opera, dans l’une d’elle est aussi question de drogues… Le lien avec un vaisseau-arbre a été quasi instantané et ça, je ne saurais l’expliquer autrement qu’avec le sac de briquettes en plastique.
À partir de là, le travail de remue-méninges commence. J’en discute avec des amis auteurs (toujours prompts à moquer) qui me parlent directement de tondeuse à gazon en rigolant (de là, naîtra la monstrueuse machine qu’est l’élagueur) et assez vite, arrive la cascade, c’est le moment où je fais le tri dans les idées qui s’empilent très vite. Je cadre un premier pitch d’exploration avec les éléments centraux. En dessous, je liste ce qui peut me passer par la tête ou toutes les âneries qu’on peut échanger.
En quelques jours, j’obtiens un gros document que je synthétise sur deux pages en un pitch éditorial. Que je propose ensuite pour voir si le concept de base suscite un intérêt.

Actusf : Floora Banks est un personnage très intéressant, plein de nuances ; dans l’empathie pour pouvoir communiquer avec le vaisseau-arbre, mais très méfiante des humains, car elle est souvent discriminée pour son ADN modifié. Tous tes héros et tes héroïnes ont un profil comme le sien ?

Stéphane Desienne : La seule exception, c’est Tamy Tusk, l’héroïne d’une série écrite pour Mastodon (Back-Up). Privée de ses jambes qu’elle traîne comme une partie morte d’elle-même, elle est l’objet de railleries de la part de quelques membres de l’équipage de la station spatiale dans laquelle elle travaille.
Vilma Bates et Naomi Tschuno (Voyager), Emiliana (Dealers de nuages), Elaine (Toxic), Emily (Exil) et donc Floora Banks ont surtout en commun leur énergie, leur courage, leur vivacité, des aptitudes certaines pour se battre ; elles ont aussi en commun de se méfier des autres. L’idée d’une discrimination de Floora s’est ajoutée à sa dimension d’interprète-botaniste, la seule personne capable de lire dans la psyché du vaisseau-arbre. C’est une opposition « sociale » qui rend les choses plus difficiles pour elle, ce qui l’oblige à coopérer, à s’exposer.

Actusf : Votre genre de prédilection est la science-fiction. Pourquoi cela ?

Stéphane Desienne : Pour moi, c’est le genre littéraire le plus ouvert, le plus expérimental, le plus prospectif. Il est possible d’y explorer le vertige, de plonger dans les extrêmes, d’étirer les courbes vers plus l’infini, d’aborder des questions que tout le monde se posent mais aussi celles qu’on ne perçoit pas de prime abord… La science ouvre le champ des possibles et la fiction entre alors en scène pour lui donner du relief, de la saveur, une compréhension et une grille de lecture à travers des personnages, des héroïnes, des héros, des intrigues, des mises en situation.
De ce point de vue, je me suis récemment régalé à lire Le Problème à 3 corps et l’idée de la forêt sombre comme une explication – glaçante – au paradoxe de Fermi. Et tout ce que cela implique.
La science-fiction permet d’accentuer les traits, de déformer le miroir de notre monde, pour imaginer de quelle manière un système culturel et économique peut se comporter aux extrêmes, quand on pousse les curseurs. Toxic porte par exemple au paroxysme l’idée de marchandisation de l’homme en tant que produit de consommation par des aliens ultra-libéraux. Il y a notamment cette scène où des humains sont accrochés tels des bovins sur une ligne de production avant étiquetage et emballage vers les marchés galactiques ou encore la fameuse salades de phalanges…
Je ressens la science-fiction comme un laboratoire, sans toutefois oublier la dimension « plaisir » d’un espace de jeu quasi sans limites. Sur le papier, les effets spéciaux ne coûtent rien. Il y a ainsi un côté très jouissif à assécher le lac Léman pour en faire une arène à la Mad Max survolée par un Canadair rafistolé, pourchassé par d’anciens monomoteurs, et qui se livrent un duel sans merci.
De même, ancrer une cité flottante géante hi-tech avec des tas de personnes très riches à bord en face d’une petite ville pauvre et isolée d’Alaska dans un monde en plein déclin civilisationnel (Série Exil), ça génère une différence de potentiel explosive, des tas de cordes avec lesquelles jouer.
Séquoia se positionne dans une veine similaire : je pousse le curseur de la vengeance, de la différence et l’idée que les personnes qui ont le plus à perdre sont prêtes à tout. Et bien sûr, le séquoia est un vaisseau qui se décrit qu’avec des superlatifs, ça c’est le côté jouissif, le sense of wonder de la science-fiction, celui qui peut faire naître des réactions telles que : « Wow ! »

Actusf : Qu’est-ce que vous aimez le plus écrire ? Les scènes de bataille, de complots, d’émotions ?

Stéphane Desienne : J’ai toujours eu une prédilection pour les scènes d’action, j’aime quand ça bouge, quand les personnages prennent des décisions, qu’ils s’exposent aux dangers au risque d’y perdre la vie. C’est souvent d’ailleurs que des personnages importants passent l’arme à gauche.
Ce sont des moments décisifs, on accélère le rythme et les joueurs abattent leurs cartes.
Dans le space-opera, les scènes spatiales, et notamment d’affrontement, sont capitales. Elles nécessitent de la préparation, des notions de base en trajectographie, en distance, en dynamique, et c’est un peu comme régler du papier à musique.
Quand j’écris une scène de bataille, j’écris plus vite, comme si j’accélérais en même temps que le récit. Souvent, elles s’écrivent d’un seul jet, d’une seule course, comme si moi-même je subissais une décharge d’adrénaline.

Zoé Laboret

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