Quand un prix Nobel écrit de la science-fiction

Doris Lessing (1919-2013), prix Nobel de littérature en 2007, est surtout connue pour des romans comme Vaincue par la brousse ou Le carnet d’or, ainsi que ses engagements contre le colonialisme ou l’apartheid. On sait moins qu’elle a écrit tout un cycle de romans de science-fiction intitulé Canopus dans Argo, elle y décrit la façon dont une espèce, les Canopéens, observent l’évolution de sociétés moins avancées, qu’elles guident parfois. Les agents sentimentaux de l’empire Volyen constituent le cinquième roman de ce cycle très singulier.

La force de la parole

Tout commence avec Klorathy, dont le rapport structure le récit. On découvre Volyen, un empire de cinq planètes convoité par Sirius. Sorte de société dictatoriale, Volyen est en proie à des débats, à des affrontements. Tout cela à cause de la parole et de son utilisation. Ici chaque mot compte. Klorathy est venu s’occuper d’Incent, un agent de Canopus victime d’une attaque de « rhétorique » : il est désormais victime d’accès de sentiments qu’il n’arrive pas à contrôler. S’en sortira-t-il ? Et Volyen résistera-t-elle aux assauts de Sirius ?

Un roman perturbant

Doris Lessing est une écrivaine pour qui comptent les mots et le point de vue du narrateur. Par rapport aux précédents ouvrages du cycle, Sirius joue ici le rôle d’agresseur, même si leur invasion ne sera pas une réussite. À travers l’histoire d’Incent, on a aussi affaire à un observateur qui finalement se retrouve piégé par un autre observateur. Les agents sentimentaux de l’empire Volyen est un roman de l’incertitude, où Lessing défait ce qu’elle a construit auparavant. Troublant.

Sylvain Bonnet