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Dossier libraire : O'Merveilles à Grenoble
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Dossier libraire : O'Merveilles à Grenoble

Actusf : Quels chemins avez-vous suivis pour devenir libraire et vous occuper du rayon "Imaginaire” ?
Frédéric Fromenty : Un chemin long et périlleux avec de nombreuses embûches. Un parcours scolaire chaotique, de multiples petits boulots avant de réaliser à 25 ans que je pourrais peut être apprendre un métier en rapport avec les livres. La création d’une librairie était alors un rêve lointain et nébuleux. Quatre ans plus tard Omerveilles était née sous sa forme ambulante, deux ans de plus ont été nécessaires pour amener les valises pleines de bouquins au 5 rue Bayard à Grenoble.

Actusf : Parlez-nous de votre librairie et de sa taille. Pouvez-vous nous la présenter ?
Frédéric Fromenty : Elle est placée à l’entrée du quartier des Antiquaires de Grenoble, dans un local en angle. Superficie de 70 m² environ, un peu plus de 50 m² pour l’espace de vente, le reste en réserves et commodités. A peu près 6 m linéaires de vitrines en trois parties. C’est un espace largement suffisant pour une seule personne en activité mais qui peine à absorber en rayons tous les livres du catalogue. On peut y trouver les livres neufs, les collections anciennes, de nombreux comics et de plus en plus de BD cartonnées.
 
Actusf : Comment choisissez-vous les titres que vous prenez en rayon ?
Frédéric Fromenty : Etant un peu collectionneur, j’ai tendance à avoir une politique d’accumulation et à chercher l’exhaustivité. Les limitations principales restent financières et physiques. Quels sont les titres qui fonctionnent le mieux ? Y-a-t-il des genres qui se vendent mieux que les autres ? Je dirai qu’il y a des auteurs qui se vendent bien et d’autres moins bien, je ne sais pas s’il faut distinguer les genres. Pratchett se vend très bien, il se trouve qu’il écrit de la fantasy parodique, Peter Hamilton ou David Weber se vendent très bien aussi, eux font plutôt dans le Space Opera. Je vends également très bien certaines collections épuisées depuis longtemps mais je serais bien en peine de les classer dans un sous-genre.
 
Actusf : D’après vous, quelles sont les raisons qui font qu’un livre marche bien dans votre librairie ? Quelle est la part de votre conseil, de la couverture, de l’importance de l’auteur ou du “buzz” autour du livre ?
Frédéric Fromenty : En fait, il y a un peu de tout ça dans un livre qui se vend très bien. Tout dépend de la personne qui s’y intéresse finalement. La présence d'un libraire connaissant bien les œuvres proposées à la vente est un plus indéniable.
 
Actusf : On parle souvent d’un déclin de la science-fiction par rapport à un essor de la fantasy. Avez-vous l’impression que c’est le cas ? Est-ce que la SF se vend moins bien ces dernières années ? Et la fantasy ?
Frédéric Fromenty : Franchement, avec le recul, le discours sur le prétendu déclin de la SF me paraît totalement inexact dans les faits. J’ai à peu près autant de livres de SF que de Fantasy, les clients sont assez également répartis entre les deux sous-genres. La Fantasy occupe de plus en plus de place dans le paysage éditorial, c’est vrai, mais je vois plutôt ça comme un rattrapage du retard français dans le domaine par rapport à la SF des années 70 à 90. La Fantasy est populaire ? Tant mieux, ça permet de faire connaître par ce biais l’ensemble du spectre de l’Imaginaire.

Actusf : Avez-vous l’impression dans votre librairie que les acheteurs de Bit Litt’, de science fiction et de fantasy sont les mêmes lecteurs ?
Frédéric Fromenty : En fait, il y a toujours dans les lecteurs de tout poil des allergiques à tel ou tel genre ou sous-genre. Une fois éliminés ces cas très ponctuels, les lecteurs d’Imaginaire sont en général des gens curieux, qui lisent beaucoup de choses différentes, ce qui semble normal si on regarde le fantastique au sens large comme un formidable creuset pour toutes sortes de sujets. C’est sûr qu’on peut aussi dresser un portrait rapide et caricatural des lecteurs : l’ingénieur en informatique amateur de SF hardscience, le jeune (garçon ou fille) qui achète du Bragelonne, la gothique aux cheveux teints en noir corbeau qui ne lit que du sanguinolent, etc… Tout ça ce sont des étiquettes commodes. L’ingénieur achète aussi du vampire parce qu’il aime ça, le jeune lit avec assiduité les Frank Herbert de papa et la gothique dévorera les Gemmell mythologiques.
 
Actusf : On parle parfois de séparer dans les rayons la science-fiction et la fantasy. Etes-vous pour ou contre ? Et pourquoi ?
Frédéric Fromenty : Je peux difficilement être contre, puisque c’est ce que je fais dans cette librairie depuis sa création. Je pense qu’il est ainsi plus facile pour le lecteur de faire son choix en connaissance de cause des thèmes et styles d’histoires abordés. J’ai poussé le classement thématique assez loin. Avec un bon retour de la part des clients, fort contents de trouver ensemble tous les titres traitant d’un sujet. Ça n’est possible qu’en raison des très nombreux titres disponibles à Omerveilles, avec moins de choix ce type de classement n’aurait pas de sens.

Actusf : Comment voyez-vous la multiplication des titres et des éditeurs ? Est-ce que cela est un problème pour vous ?
Frédéric Fromenty : A vrai dire non, je vois plutôt ça d’un bon œil et de toutes façons le libraire a toujours un choix à faire parmi les livres, que ce soit pour les commander ou bien pour les présenter à ses clients. Un bon niveau de publication me permet de présenter l’ensemble de la gamme de l’Imaginaire à des amateurs bien loin de se douter qu’ils n’ont pas à se contenter des tables de sélection FNAC. La profusion peut être un vrai problème pour les points de vente quand les parutions atteignent les niveaux de la BD et que l’ensemble devient un business ultra-concurrentiel. Mais l’Imaginaire en est loin.
 
Actusf : Comment gérer vous votre “fonds” ? Arrivez-vous à avoir du fonds dans votre librairie ?
Frédéric Fromenty : Pas de gros problème pour avoir du fonds, car je vise plutôt à l’exhaustivité ; la plus grosse difficulté est surtout en terme de place. La gestion est une autre paire de manches car le stock constitue un poids financier indéniable et tout semble fait, d’un point de vue de la distribution  pour plomber les petites structures (livraisons mauvaises, facturations aléatoires, offices en fin de mois, conditions immuables…) et pour obliger à se couler de plus en plus dans le moule des grandes surfaces culturelles qui jouent la quantité au détriment de la qualité.

Actusf : Votre métier a-t-il évolué ces dernières années ? Qu’est-ce qui a changé ?
Frédéric Fromenty : L’évolution constatée est surtout fonction des orientations de la librairie, le passage de l’ambulant au fixe, le travail du catalogue de livres neufs en plus des occasions, la participation aux évènements propres à Grenoble et l’organisation de signatures. L’insertion dans le contexte grenoblois s’est faite petit à petit et se travaille encore au jour le jour. Disons que les casquettes à coiffer sont de plus en plus nombreuses.

Actusf : Quelles ont été les meilleures ventes en 2010 ?
Frédéric Fromenty : Sans conteste les livres de Jean-Philippe Jaworski, "Janua Vera" et "Gagner la Guerre", qui rejoignent ceux d’Alain Damasio dans le palmarès de tête, et l’album "Dragons et Chimères" illustré par Camille Renversade, succès confirmé et conforté par celui de "l’Herbier Fantastique" du même illustrateur.
 
Actusf : Quels ont été vos derniers coups de cœur de lecteur ?
Frédéric Fromenty : Une bonne surprise récente chez Eclipse, avec les "Chroniques de l’Armageddon", de J.L. Bourne, l’excellent album "Kadath" chez Mnémos, du collectif Fazi/Poujois/Camus/Fructus emmené par Raphaël Granier de Cassagnac, ou bien encore "Frey" de Chris Wooding paru chez Bragelonne, le "Cygnis" de Vincent Gessler très justement récompensé. Les bonnes lectures ne manquent pas, le temps pour tout lire par contre…

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