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Dossier libraire : Sauramps à Montpellier
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Dossier libraire : Sauramps à Montpellier

Actusf : Quel chemin avez-vous suivi pour devenir libraire et vous occuper du rayon “Imaginaire” ?
Olivier : J'ai surtout suivi une succession de hasards et d'opportunités, qui de librairie en librairie et de rayon en rayon m'ont mené là où je voulais être. Je suis ainsi passé par le scolaire, l'universitaire, la jeunesse et la BD. Mais je n'ai suivi aucune formation aux métiers du livre ou de la librairie.
 
Actusf : Parlez-nous de votre librairie et de sa taille. Pouvez-vous nous la présenter ? Quelle place occupe le rayon Science-Fiction / Fantasy ?
Olivier : Sauramps a d'abord été une papeterie-imprimerie, née en 1946, et proposant un  rayon librairie. C'est aujourd'hui le deuxième libraire indépendante de France. Après trois déménagements, la librairie « historique » occupe 1 400 m² dans un labyrinthe sur plusieurs niveaux (sans compter une librairie jeunesse de 450 m²) en centre-ville, et propose un stock de 150 000 références. Le rayon SF, qui partage une salle avec le polar et la littérature en VO, dispose de 90 m de linéaire et de plusieurs tables de présentation, et propose, tous genres confondus, un stock de plus de 3 000 références...
 
Actusf : Comment choisissez-vous les titres que vous prenez en rayon ?
Olivier : Disposant d'une place non négligeable et des moyens de l'exploiter, je peux me permettre d'être quasi exhaustif en ce qui concerne les nouveautés. Il me reste donc à choisir les titres que je souhaite mettre en avant, ce que je fais en fonction de mes goûts et de ce que je sais de ceux de ma clientèle. Le tout étant d'arriver à un équilibre qui satisfasse les deux parties ! Il arrive ainsi souvent que des livres publiés « hors genre » soient suivis au rayon SF, et l'inverse est vrai aussi : l'important est de permettre à chaque livre de trouver ses lecteurs.
 
Actusf : Quels sont les titres qui fonctionnent le mieux ? Y a-t-il des genres qui se vendent mieux que les autres ?
Olivier : Les titres qui fonctionnent le mieux à la nouveauté sont les titres « installés », comme un nouveau  volume de L'Épée de vérité, ou un dernier Pratchett. En ce qui concerne les genres, la fantasy garde la première place, même si les ventes baissent sensiblement. La SF reste stable et occupe toujours la deuxième position. Je n'étonnerai personne en disant que la bit-litt a le vent en poupe : elle a triplé son emprise sur le rayon SFFF en l'espace d'une année. La bonne surprise vient du fantastique : même si les chiffres sont encore faibles, il reprend lentement mais sûrement du poil de la bête.
 
Actusf : D’après vous, quelles sont les raisons qui font qu’un livre marche bien dans votre librairie ? Quelle est la part de votre conseil, de la couverture, de l’importance de l’auteur ou du “buzz” autour du livre ?
Olivier : Dans ces rayons, outre les quelques titres très attendus, les « gros scores » se font toujours sur le conseil, sur les livres qu'on soutient, qu'on garde sur table et qu'on aime proposer. Le « buzz » n'a que rarement de réel impact, sauf s'il se transforme rapidement en « bouche à oreille », et perdure. Une adaptation ciné ou télé fait toujours son petit effet, le dernier exemple en date étant Le Trône de fer, dont les ventes ont explosé dès la diffusion du premier épisode de la série...
 
Actusf : On parle souvent d’un déclin de la science-fiction par rapport à un essor de la fantasy. Avez-vous l’impression que c’est le cas ? Est-ce que la SF se vend moins bien ces dernières années ? Et la fantasy ?
Olivier : Oui, la SF a clairement subi le contrecoup de l'essor de la fantasy, avant tout parce que l'on publie moins de l'une pour laisser plus de place à l'autre : la surproduction en fantasy a en quelque sorte exclu la SF du champ des « littératures de l'imaginaire » aux yeux de toute une génération de lecteurs : pourquoi chercher à lire de la SF alors qu'il y a tant à lire en fantasy ? Toutefois, j'ai le sentiment que l'engouement récent pour la fantasy était essentiellement générationnel. Je ne serai pas surpris de voir les ventes se tasser (la baisse est déjà significative), et le lectorat s'éroder. Les ventes de SF ne sont plus ce qu'elles ont pu être il y a quelques années, mais elles se maintiennent. Je crois qu'elles ne peuvent que rebondir.
 
Actusf : Avez-vous l’impression dans votre librairie que les acheteurs de Bit Litt’, de science-fiction et de fantasy sont les mêmes lecteurs ?
Olivier : A quelques exceptions près, non. La SF et la fantasy partagent un certain nombre de lecteurs, mais les lecteurs de bit-litt ont tendance à être exclusifs.
 
Actusf : On parle parfois de séparer dans les rayons la science-fiction et la fantasy. Êtes-vous pour ou contre ? Et pourquoi ?
Olivier : Je ne vois pas trop l'intérêt. Ces genres sont déjà dans un « ghetto » littéraire, inutile d'en créer de nouveaux. Cela reviendrait à couper les dernières passerelles qui peuvent exister entre eux, à séparer la production de certains auteurs... Sans compter que ce serait un enterrement de première classe pour les livres « inclassables ». J'ai par contre consacré une table à chaque genre pour les nouveautés.
 
Actusf : Comment voyez-vous la multiplication des titres et des éditeurs ? Est-ce que cela est un problème pour vous ?
Olivier : C'est un problème, parce que le rayon n'est pas extensible, et qu'un jour ou l'autre il faudra choisir entre le fonds et les nouveautés. Les livres restent sur table de moins en moins longtemps, ce qui est pour le moins gênant dans un domaine ou même les plus grands succès ont besoin de temps pour s'imposer. D'autre part, la qualité se noie dans la quantité, et pour les lecteurs qui ne s'adressent pas aux libraires et ne prospectent pas sur le net avant d'acheter, le risque de mauvaise pioche est grand. Sans compter que les portefeuilles des lecteurs non plus ne sont pas extensibles.
 
Actusf : Comment gérez vous votre “fonds” ? Arrivez-vous à avoir du fonds dans votre librairie ?
Olivier : La richesse du fonds a toujours été la force de Sauramps. Celui du rayon SFF ne fait pas exception. J'essaie de faire en sorte de présenter en poche la quasi totalité des titres disponibles (y compris en Présence du futur !), et je le ferai tant que la librairie pourra se le permettre, économiquement parlant. Pour le grand format, c'est différent : impossible de conserver tous les titres jusqu'à leur sortie en poche. Sauf naufrage manifeste, j'essaie d'accorder à chaque livre un an de présence en rayon. J'essaie également de maintenir les séries jusqu'au terme de leur passage en poche. Le fonds permanent est essentiellement constitué de classiques et de certains de mes coups de cœur, ainsi que d'un rayon consacré aux œuvres patrimoniales et aux curiosités méconnues. Je suis également de nombreux « petits » éditeurs (Rivière blanche, Griffe d'encre, ActuSF...), et maintiens un rayon consacré aux revues, essais, biographies, etc.
 
Actusf : Votre métier a-t-il évolué ces dernières années ? Qu’est-ce qui a changé ?
Olivier : Rien n'a changé radicalement, même si les outils professionnels en ligne offrent certaines facilités... Il faut par contre s'adapter à la surproduction, qui nous oblige à revoir nos comportements d'achat, de présentation et de vente. Il faut aussi composer avec les attentes d'une clientèle de plus en plus habituée à l'immédiateté de l'achat en ligne. Enfin, les médias prescripteurs se multiplient, et cerner leurs impacts respectifs devient de plus en plus délicat.
 
Actusf : Quelles ont été les meilleures ventes en 2010 ?
Olivier : Pour les nouveautés, le trio gagnant (dans l'ordre d'arrivée) : Le rire du cyclope (B. Werber), Le Vaisseau ardent (J.-C. Marguerite), L'épée de vérité t.10 (T. Goodkind); viennent ensuite Gagner la guerre (J.-P. Jaworski), le 33ème volume des Annales du Disque-Monde (T. Pratchett) et Chien du Heaume (J. Niogret).
 
En ce qui concerne les poches : Spin (R. C. Wilson), le premier volume de True blood (C. Harris) et celui du Disque-Monde. Suivis de Werber (Paradis sur mesure), Hobb (L'Assassin royal t.1), Damasio (La horde du contrevent) et Jaworski (Janua Vera). Ceci sans compter quelques volumes de True blood qui s'intercalent.
 
Actusf : Quels ont été vos derniers coups de cœur de lecteur ?
Olivier : Pour les plus récents : Rêves de Gloire de Roland Wagner, et May le monde de Michel Jeury. Parce que ce sont des chefs-d'œuvre. Et un peu avant, Le Vaisseau ardent de Jean-Claude Marguerite, pour sa capacité à jouer de l'émerveillement. Mentions spéciales à Carnaval sans roi, hors concours comme tous les Berthelot, et au Fleuve des Dieux de Ian McDonald, de la SF comme j'aimerais en lire plus souvent.

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