Jeune autrice, Marie Fabre signe ici son premier roman avec Le Maître de l'anarchie, publié aux éditions Mnémos. Une fable passionnante qui mêle steampunk, enquête, technologie et société.
En plein cœur de la révolution industrielle, Bohème s’érige comme la ville la plus influente du XIXe siècle grâce à l’Oré, un métal hors norme et miraculeux qui attise la convoitise. Cependant, cette prospérité est depuis peu menacée par les crimes d’un tueur en série qui s’en prend à des politiciens.
Hatcher, jeune reporter, se lance sur la piste de cet assassin et s’allie à une brigadière, pour sa part à la recherche d’un mystérieux médecin, à l’origine d’un traitement qui pourrait bien enrayer une maladie inconnue se propageant dans les quartiers pauvres.
De l’opulence des demeures aisées à l’atmosphère sinistre des bas-fonds, cette traque les mène au centre d’un complot bien plus grand qu'ils n'y pensaient.
Pour un premier roman, ce livre est d’une qualité remarquable. L’écriture est juste et fluide, très agréable à lire avec un aspect psychologique et sociétal maîtrisé. On comprend très vite que l’Oré est un miroir de notre nucléaire et que l’aspect lutte des classes dans cet univers ouvrier se rapproche davantage de notre propre XIXe siècle et de la révolution industrielle, que du steampunk traditionnel. Si l'on peut relever quelques facilités et parfois un manque de subtilité, cela n’entache en rien le récit qui reste prenant. La curiosité est un vilain défaut...
« Cette enquête, Hatcher Nemova la convoitait. Elle était unique ; un nœud improbable et dangereux, qui devait être défait dans l'urgence absolue. Il trouvait cette pression galvanisante. Un défi à la hauteur, qu'aucune sous-mission de recherches n'égalerait jamais. Hatch avait trimé pour être là et il lui tardait de s'y mettre enfin.
Ce ne serait pas simple, mais c'était tout l'enjeu. »
Nous suivons Hatcher, un journaliste de basse extraction, en quête de vérité et de justice. Personnage complexe, il ne manquera pas de ressources pour découvrir qui tue et qui soigne dans cette ville divisée. Réelle poudrière, notre reporter n'a pas de temps à perdre pour résoudre cette énigme s'il veut éviter l'implosion de Bohème. S’il est plaisant de suivre Hatch dans ses raisonnements et ses déductions, son syndrome de l’imposteur est, quant à lui, un peu trop présent et l’aveuglement dont il fera preuve sur le(s) coupable(s) soulève quelques questions. L’enquête est toutefois bien construite, cohérente, avec de nombreux enjeux à la clef, aussi bien politiques que militaires et humains ; de quoi passer un agréable moment de lecture au côté de notre protagoniste à l'esprit foisonnant !
Les personnages sont intéressants, nuancés, et assez complets pour nous faire oublier les quelques clichés du genre. Certains restent encore mystérieux là où d’autres font tomber les masques. Willem « Liam » reste probablement le plus énigmatique et celui que nous avons hâte de découvrir dans la suite qui s’annonce passionnante. L’utilisation de plusieurs points de vue dans le deuxième tome devrait permettre d’approfondir les personnages et leurs perceptions du monde, tout en étoffant l’univers, et nous y plongeant, nous lecteurs, encore plus profondément.
Un premier tome que l'on vous invite à découvrir.
