- le  
Genèse de la couverture La Forêt des araignées tristes
Commenter

Genèse de la couverture La Forêt des araignées tristes

On parle de souvent du processus d'écriture, des longues semaines passées à faire naître un texte, du retravail avec l'éditeur, des corrections... Mais une fois que le roman est prêt, il existe une phase cruciale, que l'on oublie trop souvent : la réalisation de la couverture. Aujourd'hui, découvrons les coulisses de cette étape essentielle, en se plongeant dans la genèse de celle de La Forêt des araignées tristes de Colin Heine, qui paraît en ce mois de février 2019 aux éditions ActuSF.

Première étape : le brief couverture

Marie Marquez - éditrice :

Imaginer quelle pourrait être la couverture d'un roman n'est jamais une tâche aisée. Après tout, c'est le premier contact que va avoir un lecteur avec un livre. Il ne s'agit pas de prendre cette étape à la légère : beaucoup de choses en dépendent et une couverture inadaptée peut sceller le destin d'un livre avant même que le lecteur ne donne sa chance au texte.

En imaginaire, la norme se situe plutôt du côté des couvertures illustrées ; nous sommes donc amenés à travailler avec des illustrateurs qui vont produire une illustration unique, plutôt que d'aller piocher dans des banques d'images ou de laisser la couverture vierge, parfois agrémentée d'une photo d'auteur, comme c'est souvent le cas en littérature générale. On a ainsi l'opportunité d'agir en synergie avec l'illustrateur.

À l'origine d'une couverture, il y a toujours une ambiance, une scène marquante, une partie du livre que l'on souhaite transmettre au lecteur pour lui donner envie de plonger dans l'histoire qu'il renferme. De ce choix va également découler tout l'aspect marketing et promotionnel de l'ouvrage ; il s'agit donc de trouver le fragile équilibre entre l'esthétisme et le message que l'on souhaite véhiculer.

Pour La Forêt des araignées tristes, deux ambiances se sont assez vite dégagées : d'un côté, l'aspect Belle Époque du roman, avec cette ville composée de plusieurs piliers, reliés entre eux par des trams treuillés. Un foisonnement d'architecture, des gargouilles qui envahissent les cieux, et cette vape, une sorte de brouillard, à la lisière, comme une sourde menace. L'originalité de l'univers, qui flirte avec l'esthétique steampunk, promet des images fortes. L'autre ambiance, c'est l'aspect plus horrifique du roman, qui se traduit notamment par ces chapitres se déroulant dans les Vaineterres, des zones inexplorées et dangereuses. On évolue dans une forêt aux proportions gigantesques, habitées d'espèces inconnues ; et il y a cette scène où nos explorateurs tombent sur le but de leur expédition, l'endroit où s'est écrasé un dirigeable. Mais évidemment, le danger rôde... Là, on fait plutôt le pari de coller au titre du roman.

Une fois ces deux ambiances sélectionnées, il revient à l'éditeur, moi dans le cas qui nous intéresse, de les retranscrire en quelque chose d'exploitable pour l'illustrateur. Chez ActuSF, toutes nos couvertures sont supervisées par notre directeur artistique, Eric Holstein, qui fait office d'intermédiaire entre l'éditeur et l'illustrateur. La première étape consiste donc à lui transmettre toutes les informations que l'on juge utiles pour la réalisation de la couverture, le brie couverture en quelque sorte. Pour La Forêt des araignées tristes, cela s'est traduit par la mention des deux ambiances, appuyées par des passages précis du roman les décrivant, des extraits qui viendront donner des éléments concrets à l'illustrateur par la suite, afin de nourrir son inspiration (description de telle créature, de tel endroit, de tel personnage...). Cela peut également passer par du ressenti, les ambiances de couleur que l'on souhaite, etc.

À ce stade-là, on peut déjà avoir un illustrateur en tête, dont le style collerait à la direction que l'on souhaite donner au roman ; ou au contraire, se mettre à la recherche de la perle rare...

Eric Holstein – directeur artistique :

Une bonne couverture c’est tout autant une affaire d’ambiance qu’une affaire d’image. L’illustration doit, certes, être accrocheuse, mais elle doit, par son style, son approche graphique, orienter l’imaginaire du lecteur potentiel. C’est donc un pari sur ce qui pourrait le toucher ou l’attirer ou, mieux encore, l’intriguer. J’ai moi-même acheté suffisamment de livres sur la seule foi de leurs couvertures pour savoir l’importance qu’elle peut revêtir.

Ce que j’attends donc d’un brief c’est, effectivement, des détails graphiques précis (description du héros, extrait d’une scène particulière, etc.), mais surtout, je veux le ressenti de l’éditeur ; qu’il ou elle me décrive, avec ses mots, l’univers du roman. C’est ce ressenti qui va alimenter ma réflexion. Dans le cas de La Forêt des araignées tristes, Marie avait une idée très précise de ce qu’elle voulait. Ce n’est pas toujours le cas et c’est alors à moi que revient la tâche de trouver LA bonne idée. Est-ce qu’il nous faut partir sur une scène épique en Technicolor ou, au contraire, sur une illustration plus intime ? Doit-on opter pour une couverture très figurative ou sur quelque chose de plus elliptique ? Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Seulement des choix à assumer et ce sont, essentiellement, les miens. Mon regard. Celui pour lequel on m’a confié cette tâche et qui, au final, détermine la ligne graphique d’ActuSF.

Une ligne qui passe, principalement, par le choix des artistes avec lesquels nous travaillons. J’ai donc un pool d’illustrateurs que j’essaie d’agrandir au gré de nos projets. C’est la partie que je préfère dans ce boulot. Échanger avec des artistes dont j’admire, non seulement le travail, mais aussi l’assurance et la clarté de leur vision artistique. À leur âge, j’aurais tué pour être techniquement et intellectuellement aussi maître de mon art. C’est précisément le cas de Dogan Oztel. Au vu du brief de Marie, son nom s’est rapidement imposé. J’ai tout de suite vu le parti qu’il allait pouvoir tirer des scènes extraites du roman.

Dogan est l’un des rares illustrateurs que nous ne sommes pas allés chercher mais qui est venu vers nous. C’est lui qui nous a fait parvenir son portfolio. Nous travaillons ensemble depuis plusieurs années et nous avons un process assez simple. Il fait partie de ces illustrateurs qui (comme l’immense Manchu) aiment lire le livre avant. En l’occurrence nous n’avions pas le temps, mais je sais que je peux lui envoyer de larges extraits et que ça nourrira sa réflexion. Autre point crucial sur ce projet, Dogan travaille vite. Nos imaginaires connectent assez bien, ça me permet donc de lui faire un brief centré autour de mots clefs (« steampunk », « Belle Époque », « Art nouveau »). Je sais, en faisant cela, que je lui envoie des signaux qu’il va recevoir et interpréter dans le sens de mes attentes. Je lui envoie ensuite des références graphiques (un dirigeable steampunk, une araignée géante, etc.). Non pas que je ne fasse pas confiance à ses talents de dessinateur, mais plutôt pour attirer son attention sur un aspect graphique particulier que j’ai en tête. Il peut m’arriver de lui indiquer un cadrage ou un angle particulier. Ici, je voulais qu’on ait, au centre de la compo, les yeux rouges de l’araignée sortant du brouillard, dans le dos du groupe d’explorateurs. Je voulais une couverture très végétale, qu’on sente la forêt, l’humidité…

À partir de là, c’est à Dogan de jouer. Ne me reste plus, sur ce volet de mon travail, qu’à accepter de me laisser surprendre. C’est la clef. J’ai une idée assez nette de ce que donnera cette couverture, j’ai fait mon possible pour décrire précisément ce que j’attendais, fourni des éléments graphiques détaillés et nourri l’imaginaire de mon illustrateur et… neuf fois sur dix, ce qui me revient ne correspond pas à ce que j’ai en tête. Et c’est justement ce qui fait tout l’intérêt de ce travail. Voir mon imaginaire passé par la moulinette de celui d’artistes que j’ai choisis. J’adore.

Deuxième étape : du croquis à l'illustration définitive

Dogan Oztel – illustrateur :

Le travail d’illustration de couverture est, pour moi, un travail de "traduction".

Mon objectif à la lecture d'un brief ou d'un roman est d'essayer de comprendre au mieux l'intention de l'auteur/l'éditeur/la DA afin de définir une ambiance, un sentiment, une narration à transmettre au lecteur par l'image.
Concrètement ce sont des "mots-clefs" dans les descriptions qui vont résonner et qu'il faudra absolument voir ou ressentir à l'instant même où la couverture croisera le champ de vision du lecteur.

Ces mots seront la base de l'illustration, le message doit être simple et suffisamment percutant pour que le lecteur ait envie de creuser la question. Du coup, on a cet univers tout en verticalité, steampunk, et cette nature démesurée, menaçante.

À partir de là, le travail de recherche peut commencer.
Le travail de composition, d'éclairage et de couleur va plus ou moins de pair, chacun soutenant l'autre dans un équilibre fragile qui a pour objectif de communiquer avec le spectateur.
Tout est plus ou moins flou au début, des idées de formes, des taches de couleurs. Il y a cette araignée qui est centrale dans l'image, mais comment ?
Est-ce qu'elle nous attaque de manière brutale, bestiale, ou est-ce qu'on ne serait pas déjà dans sa toile, piégé ?

De ce questionnement naissent les deux premiers croquis, puis le premier retour et c'est le piège qui gagne !


Les deux premiers croquis de couverture.

Il ne reste plus qu'à appuyer cette narration, ce monde.
J'aime avoir accès au roman pour tous ces petits détails qui permettent d'asseoir l'univers, de créer une narration dans l'image.
La lecture permet d'avoir une meilleure emprise sur les personnages, le monde qui les entoure afin de sortir des stéréotypes, saisir toutes ces subtilités qui constituent l'univers de l'auteur.
À cela s'ajoutent les informations, les conseils, les suggestions, les retours, ce qui a plu ou non.
L'araignée est réduite pour accentuer l'aspect menaçant, les détails sont ajoutés pour appuyer l'univers. Au fur et à mesure, les taches de couleur deviennent de plus en plus petites et précises, la composition, la lumière et la couleur sont ajustées pour que le regard du spectateur circule bien dans l'image.
Le tout permettant d'installer un dialogue cohérent avec le spectateur qui, je l'espère, lui donnera envie d'en savoir plus sur ce monde.

Marie Marquez - éditrice :

Le moment où l'on reçoit les premiers croquis est toujours un moment fort, un peu comme le matin de Noël, juste avant d'ouvrir ses cadeaux. La peur se dispute à la fébrilité : aurons-nous réussi à retranscrire l'ambiance que l'on souhaitait ? Comment cela va-t-il se traduire sous la plume de l'illustrateur ? Est-ce qu'on va aimer ? Va-t-on être déçu ? Est-ce qu'on est bon pour tout recommencer ? Heureusement dans notre cas, le résultat a été à la hauteur de l'attente ! Le choix s'est très rapidement porté sur le deuxième croquis. Il n'y a pas toujours de raison logique, pas de dissection de l'illustration, pas de grandes analyses. À un moment il faut simplement faire confiance à son instinct, to trust your gut comme on dit outre-Manche. En l'occurrence l'ambiance verte malsaine, l'araignée surplombant l'humain... nous a tout simplement plus parlé. Bingo !

Viennent ensuite quelques allers et retours, où l'on affine le rendu. Rendre l'araignée moins présente, la cacher derrière des arbres. Bien faire ressortir le lieu de l'accident, ajouter le dirigeable échoué pour le côté steampunk. Raviver les couleurs. Certaines remarques sont de notre fait mais on n'intervient au final qu'assez peu, pour ajuster un détail ici ou là. C'est aussi ça de travailler avec des illustrateurs de confiance : on y va les yeux fermés ! À ce stade commencent également les premières discussions avec l'auteur, pour être sûr d'être sur la bonne voie. On ne lui fait pas valider toutes les étapes mais au moins la direction générale : impensable de publier un roman dont la couverture ne plairait pas au principal concerné. Et puis arrive un moment où l'illustration met tout le monde d'accord. Mais le chemin ne s'arrête pas là.

L'illustration définitive.

Troisième étape : la couverture


Eric Holstein – directeur artistique :

La deuxième partie de mon travail, une fois l’illustration définitive récupérée après les allers/retours évoqués par Dogan, c’est de l’intégrer à la maquette. En gros, d’en faire un livre. Ce qu’on appelle le montage de la couverture.

Il faut tout d’abord l’adapter au format de nos livres. Tous nos romans des collections Perles d’épice et Les Trois Souhaits font 14 x 20 cm. On remet donc l’illustration aux bonnes dimensions, parfois en la recadrant. Je demande toujours aux illustrateurs d’être généreux sur les extérieurs, de manière à me laisser une marge de manœuvre suffisante. Sauf pour la collection de poche Helios, qui a une maquette gravée dans le marbre, je les laisse libres de leurs compositions. C’est moi qui m’adapte pour la titraille.

Titraille qui passe, en premier lieu, par le choix d’une police de caractère. Il y a de cela quelques années, j’avais tendance à privilégier les plus spectaculaires, les plus ouvragées. C’est incontestablement fun, mais l’effet est généralement facile, voire préjudiciable. Succomber à ces polices très dans l’air du temps date atrocement la couverture et fait très… amateur. L’expérience venant, j’ai appris la force des polices plus sobres et à apprécier l’art Ô combien délicat de la typographie.

Le choix de la police va donc être guidé par l’univers ou l’atmosphère du roman, mais peut aussi l’être par le style de l’illustration, son graphisme, sa composition. C’est le feeling qui prime à cette étape. C’est aussi le moment où se posent des questions aussi cruciales que « capitales ou minuscules ? », « en haut ou en bas ? » « couleur ou pas ? ». Là encore, c’est le feeling, mais ce qu’il faut savoir c’est qu’on a, à notre disposition, tout un tas d’astuce pour rendre un peu plus sexy une police qui, de prime abord, semblera un peu terne (effets de texture, de lumière, ombrage, découpe, etc.)

Premier essai de couverture avec la titraille.

Pour La Forêt des araignées tristes, je voulais quelque chose qui fasse un peu 1900, mais sans tomber dans les excès d’une typo florale à la Mucha. Je suis donc allé chercher l’inspiration dans des titres de presse et des annonces publicitaires datant du début du siècle dernier, avec leurs lettres un rien prétentieuses, qui se haussent un peu du col et essaient de se donner un vernis de respectabilité tout en étant clairement destinée à attirer le chaland.

J’en ai des centaines à ma disposition, donc le choix peut parfois prendre du temps, mais ici, Midnight Moon s’est imposée après quelques essais. Elle avait plusieurs avantages. Tout d’abord, elle correspondait à ce que je recherchais, ensuite, elle « chassait » peu, autrement dit, elle était très condensée, ce qui permettait de mettre beaucoup de lettres en peu d’espace. Impératif avec un titre aussi long que celui-ci. Et en bonus, elle avait une petite coquetterie : des découpes vaguement végétales qui servaient bien mon propos. Il lui manquait toutefois un petit quelque chose d’accrocheur. Lorsque les titres sont aussi longs, il faut aller chercher l’œil, sans quoi, l’acheteur potentiel se perd. Et le plus souvent, ce petit quelque chose sera une lettrine.

La lettrine, c’est cette première lettre géante que vous retrouvez parfois en tête de chapitre. Or, lorsqu’on utilise cet artifice sur des couvertures, on peut aller beaucoup plus loin qu’en maquette intérieure. C’est là que j’ai eu de la chance. Je suis allé sur une banque d’image à laquelle nous sommes abonnés et, juste pour vérifier, j’ai tapé, « lettrine végétale ». Et là, bingo, sur la deuxième page, ce magnifique « F » que vous voyez sur la couverture définitive. Mon idée était de l’adapter un peu, d’ajuster les couleurs pour qu’elles s’intègrent à l’illustration de Dogan. Eh ben vous savez quoi ? Même pas eu besoin. Ce n’est pas très glorieux et j’aurais sans doute mieux soigné mon image en vous disant que j’avais patiemment agencé toutes ses feuilles, une à une, mais la chance est aussi un facteur important de ce travail. Certaines couvertures se battent jusqu’au bout, renâclent, demandent des heures rien que pour révéler la typo qu’elles veulent bien admettre, mais là, non…

Plus délicat, en revanche, fut le placement du nom. C’est important le nom. Lorsque l’auteur est connu c’est clairement un argument de vente. Mettez George R. R. Martin sur la couv’ d’un abécédaire et c’est le carton assuré. Lorsque c’est un premier roman, il faut, au contraire installer le nom, sans pour autant compromettre celui du livre ou sans donner l’impression de survendre. En clair, le nom doit être plus petit, mais pas trop. Et il doit aussi s’intégrer à l’ensemble de la titraille, sans le déséquilibrer visuellement. Ici, nous avions un nom court et un titre très long. Ce qui a demandé pas mal d’essais avant de trouver le bon.

La couverture définitive.

Enfin, j’aime bien ne pas laisser mes quatrièmes de couverture avec un bête à plat de couleur. J’essaie toujours de les texturer un peu. Cette fois, c’était simple : quelques illustrations vectorielles de toiles d’araignées et le tour était joué.

Marie Marquez - éditrice :

Vous pensiez que nous en avions fini ? Toujours pas ! Une couverture ne serait rien sans le fameux résumé sur l'on trouve au dos, la fameuse « quatrième de couverture », ma bête noire ! Il faut, en quelques lignes, arriver à extraire l'essence même du roman sans en déflorer trop l'intrigue, mettre en avant ses points forts sans être trop dithyrambique. L'art difficile de réussir, une fois encore, à séduire un potentiel lecteur tout en restant concis et synthétique ; aller droit au but mais de manière accrocheuse. Chose ardue quand cela fait des semaines voire des mois que l'on travaille sur un texte et que l'on en perd parfois l'essentiel. Alors on écrit, on rature, on coupe, on change de place... et on se fait relire (par exemple par une collègue éditrice bien plus expérimentée ; merci Charlotte !) : rien de tel qu'un œil neuf, ne connaissant pas le roman, pour repérer les phrases bancales, les formules obscures, les détails superflus. Parfois on s'en sort avec quelques lignes, parfois il faut faire plus long. Pour La Forêt des araignées tristes, un roman dense, avec de multiples intrigues et personnages, un mélange d'ambiance et de sujets traités, il a fallu faire le choix d'un résumé conséquent.

Une fois le fichier prêt, l'auteur, l'éditrice et le directeur artistique satisfaits, il reste encore un intervenant à ajouter au processus : l'imprimeur ! Car une couverture, ce n'est pas qu'un PDF enregistré sur un ordinateur, encore faut-il lui donner vie et cela passe par la case impression. Il y a évidemment le choix du papier (plutôt crème ou plutôt blanc ? Plutôt bouffant, ce qui va lui donner de l'épaisseur, ou plutôt offset et son rendu lisse ?) mais la couverture peut aussi s'habiller d'artifices : choisir un rendu mat ou brillant, ajouter un vernis pour faire ressortir certains détails, agrémenter de rabats, jouer avec des découpes, apposer un marquage doré pour un côté luxueux... Ces détails esthétiques doivent aussi faire sens, le but n'est pas d'en ajouter ad nauseam pour s'amuser. Parfois, une couverture s'en trouverait améliorée, cela lui donnera le petit truc qui peut faire la différence. Parfois, cela ne paraît pas nécessaire, pire cela pourrait la desservir. Pour La Forêt des araignées tristes, nous avons fait le choix de la sobriété et parié sur la palette de couleurs qui risque d'attirer l’œil (les couvertures vertes ne sont pas nombreuses en librairies, regardez la prochaine fois que vous y serez) ainsi que la lettrine conséquente. Parfois, oui, less is more.

Étape supplémentaire : l'intérieur

Marie Marquez - éditrice :

Chez ActuSF, on aime bien habiller nos ouvrages jusqu'à l'intérieur... quand cela s'y prête ! Choix des polices, illustrations, culs-de-lampe (illustrations en fin de chapitre)... on n'hésite pas à décorer la maquette intérieure de nos livres pour leur donner un aspect unique. Là encore, il faut que ça fasse sens, que cela serve le texte, que cela lui donne un petit quelque chose. Les cas de figure sont divers : parfois le projet s'est construit dans sa globalité avec l'illustrateur, qui nous fournit également des éléments pour l'intérieur ; parfois, c'est un élément de la couverture, une police utilisée, que l'on va pouvoir reprendre, comme une sorte de fil rouge ; et enfin, parfois, c'est suivant l'inspiration du maquettiste... c'est-à-dire moi (ça tombe bien). Pour La Forêt des araignées tristes, cela s'est traduit par un choix de police et un en-tête de chapitre flirtant avec l'inspiration Belle Époque/Art nouveau. Je voulais que l'on retrouve cette particularité de l'univers, peu présente sur la couverture, quelque part. La boucle du premier brief de couverture est ainsi bouclée : ambiance Belle Époque à l'intérieur, atmosphère plus sombre à l'extérieur, et les deux aspects du roman représentés.

En définitive, si réaliser une couverture ne prend pas autant de temps qu'écrire le roman correspondant, on parle quand même de longues semaines, voire de plusieurs mois de travail ! Un soin tout particulier y est toujours apporté. Avec ce behind the scenes, on espère que vous ne regarderez plus jamais les tables chez votre libraire de la même manière !

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?