Trouver un public
On connaît peu dans l’Hexagone la science-fiction russe et soviétique, mis à part Arcadi et Boris Strougatski. La défunte collection Présence du futur proposa autrefois à la découverte du public français nombre de leurs romans et recueils (rappelons-nous par exemple de L’Auberge de l’alpiniste mort). Folio SF a pris la suite et nous propose ici l’édition de poche (avec traduction révisée) d’un de leurs deux classiques (l’autre étant Stalker) récemment adapté au cinéma par Alexeï Gurman : Il est difficile d’être un dieu. Tout l’enjeu ici est de savoir si ce roman est capable de trouver son public en 2015…
Le piège de l’observateur
La lointaine planète Arkana a vu se développer une autre espèce humaine. À ce stade de son évolution, la société féodale d’Arkana voit se développer un ministère de la Sûreté animé le sombre don Reba qui vise à établir une dictature totalitaire sur ce monde. Des terriens, sous de fausses identités, se sont fondus dans la société d’Arkana et observent cette évolution : il en est ainsi du noble Roumata, sous l’identité duquel se cache un humain prénommé Anton. Ce dernier est déchiré par le doute : doit-on laisser s’établir sur un monde arriéré le fascisme, au risque de voir périr des amis ? Mais n’est-ce pas intervenir dans la bonne marche de l’évolution de cette civilisation primitive ? Roumata aura à faire face à des choix cornéliens…
De la pertinence de la science-fiction des frères Strougatski
Ce roman rappelle dans son argument de départ la prime directive de la série Star Trek : pas d’interventions dans le développement des civilisations étrangères non parvenues au stade spatial (ce qui démontre au passage que les auteurs soviétiques/russes égalaient leurs homologues américains dans leurs propositions de départ). Le lecteur contemporain sera cependant étonné (et c’est une belle surprise) par le ton du roman qui met l’accent sur le désarroi intérieur de Roumata. Car Il est difficile d’être un dieu est aussi un roman du malaise d’un héros qui a fini, quelque part, par intégrer (en contrebandier !) une civilisation étrangère. Pour tout cela, ce roman est à découvrir et à apprécier, comme un vin qui aurait bien vieilli.