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Interview 2015 : Jean-Luc Rivera pour les 5 ans des coups de coeurs
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Interview 2015 : Jean-Luc Rivera pour les 5 ans des coups de coeurs

ActuSF : Les coups cœur sont nés en février 2010 avec Steampunk chez les moutons électriques et Mascarades de Philippe Ward chez Aïtamatxi Editions. John Carter est venu de Mars pour passer  quelques jours de vacances chez moi et il se demandait  : comment êtes-vous tombé au départ dans les littératures de Science-fiction et de fantasy ? 
 
Jean-Luc Rivera : Cela commence à faire longtemps, plus d’un demi-siècle : j’avais huit ans et demi, neuf ans, quand j’ai commencé, attiré par la couverture, un roman de SF – je ne savais pas ce que c’était alors -, acheté sans doute par mon père. Il s’agissait de Les conquérants de l’univers  de Richard Bessière, le n° 1 de la collection Anticipation du Fleuve Noir ; j’ai dévoré avec passion les cinq volumes des explorations du professeur Bénac, dans son Météore, à travers le système solaire. Je ne me suis jamais remis de ce choc intellectuel et, depuis, je ne lis guère plus que cela en matière de littérature.  J’ai continué en lisant avidement ce qui paraissait chez Anticipation et au Rayon fantastique, que j’achetais systématiquement chez les bouquinistes – 1 NF le volume dans ce début des années 1960 ! –, puis j’ai découvert Lovecraft grâce à Jacques Bergier et Planète, autre choc intellectuel, et je me suis donc mis à lire aussi Présence du Futur ainsi que Galaxie et Fiction. Et je ne remercierai jamais assez Jacques Sadoul qui m’a fait découvrir, avec le CLA, un grand nombre de classiques et permis de lire enfin les cycles complets qui avaient été entamés sans suite par le Rayon fantastique (dont ceux d’Asimov et d’Edmond Hamilton) ou d’en découvrir de nouveaux (dont les Pellucidar d’Edgar Rice Burroughs). La fantasy et le fantastique étaient pour moi des lectures associées à la SF, je ne louerai jamais assez les Editions Marabout grâce à qui je suis devenu un fan inconditionnel de Harry Dickson et de Doc Savage.  Et dès mes premières lectures, je suis devenu un collectionneur, je gardais tous mes livres et était un complétiste… 
 
 
 ActuSF : Alors que je prenais un verre avec Bob Morane entre deux de ses aventures, on a fait le compte : avec en moyenne 3 coups de cœur par mois cela fait dans les 200 aujourd'hui ! Comment vous organisez-vous pour faire autant de lectures ? 
 
Jean-Luc Rivera : Vous en avez compté seulement 200 ? D’après mon fichier, j’en suis à près de 400… J’ai la chance d’être un lecteur rapide et compulsif qui a toujours beaucoup lu et, depuis quelques années, m’étant arrêté de travailler dans la vraie vie, je peux me consacrer à ma passion. J’essaye de tenir le rythme d’un livre par jour mais avec l’inflation actuelle de la taille des romans, cela devient impossible : c’est plutôt un tous les deux ou trois jours, sauf si je suis tellement pris par l’action que c’est une journée puis une nuit blanche de lecture non stop… De plus, je privilégie maintenant la lecture de qui est publié en France pour écrire sur des livres accessibles à tous, je lis beaucoup moins en anglais mais je continue à acheter beaucoup dans cette langue pour occuper ma retraite à rattraper mes retards (je sais que c’est un vœu pieu mais l’espoir fait vivre).
 
ActuSF : J'ai pris le thé avec Alexia Tarabotti et, entre deux bouchés de scones à la marmelade d'orange, elle m'a confié que vous écriviez vos coups de cœur d'une seule traite. Est-ce vrai ? 
 
Jean-Luc Rivera : Oui, c’est vrai. Comme l’indique le nom de la rubrique, je ne parle que des romans qui, pour une raison ou une autre, m’ont particulièrement plu et dont j’aurais envie de partager mon enthousiasme avec des amis, autour d’un verre. J’écris donc ce que je leur dirais, cela vient tout seul, en fonction de l’inspiration et, parfois, cela prend du retard car je ne trouve pas tout de suite ce que je considère comme le bon angle. Et cela a toujours été ma façon d’écrire, pendant mes études, je fonctionnais de la même manière, mes copies étaient toujours d’un jet, avec une relecture pour supprimer les répétitions mais jamais de modifications du fond.
 
  
ActuSF : J'ai demandé à Philippe Lasser, le détective des dieux, d'enquêter sur vous. Vous êtes chroniqueur sur le site Actusf, mais aussi membre du Grand prix de l'imaginaire (GPI), vous intervenez ponctuellement dans l'émission radio Mauvais genre,  vous êtes modérateur sur des tables rondes aux imaginales et ailleurs, organisateur du Festival de Sèvres, membre du jury du prix Actusf de l'uchronie… La déesse Isis vous aurait-t-elle fait don du pouvoir d'ubiquité ? Comment arrivez-vous à faire autant de choses ?  
 
Jean-Luc Rivera : J’aimerai bien que la déesse m’ait accordé ce don, ou au moins de n’avoir besoin que de nuits de quatre heures. Lasser avait dû boire un verre de trop au bar du Sheramon car il a oublié que je m’occupe aussi de l’organisation de la partie interventions (le samedi) du Salon de la Littérature populaire d’Elven (Morbihan). Tout simplement, je fais ce que j’aime depuis toujours, maintenant j’ai seulement l’avantage d’être en pré-retraite et donc de pouvoir me consacrer exclusivement à mes activités.
  
ActuSF : Alors que nous passions le week-end à nettoyer nos armes tueuses de vampires avec Jane Yellowrock, elle me disait que vous lisiez toutes les genres de l'imaginaire sans exceptions.  Défendre la littérature populaire, au sens large du terme, c'est important pour vous, non ?
 
Jean-Luc Rivera : C’est vrai que je suis un lecteur éclectique : j’adore la SF et j’en lis énormément, mais je suis aussi un passionné de fantasy, sans doute un peu moins de fantastique et d’horreur. Mais ce que je recherche avant tout, c’est la lecture plaisir, celle que me fait m’évader de mon fauteuil pendant quelques heures et m’apporte du rêve ou des idées nouvelles. C’est pour cela que j’ai été un grand défenseur – et un grand lecteur – de ce que l’on a appelé la bit-lit, car elle renouvelait complètement le mythe du vampire, avec des approches nouvelles, pas forcément toutes réussies mais peu importe : comme dans tout autre genre, il y a des romans médiocres, d’autres moyens ou bons, et quelques chefs d’œuvre. Il en va de même avec ces autres sous-genres que j’aime beaucoup comme le steampunk ou l’urban fantasy, ils apportent des visions différentes de ce qui semblait inaltérable, à savoir le XIXème siècle victorien ou les fées et autres créatures mythiques. Quant à défendre la littérature populaire, oui, c’est très important pour moi : alors que l’on se plaint que les lecteurs se font plus rares, trouver des romans qui sont largement lus, qui ont du succès auprès de gens qui ne sont pas des intellectuels germano-pratins, me semble fondamental. C’est la continuation de ce qui se faisait avec les romans-feuilletons et les fascicules qui touchaient un très large lectorat populaire : on se souvient toujours de Rocambole ou de Fantômas, de Belphégor ou de Rouletabille, ce sont eux qui ont marqué durablement les esprits alors que l’on a oublié la plupart des auteurs qui ont eu le Goncourt dans l’entre-deux-guerres. Peut-être parce que je fais partie de ceux qui ont lu Anticipation, une collection décriée et méprisée par tous les « grands esprits » de la SF française, alors qu’elle tirait et vendait chaque livre – et il en est sorti jusqu’à quatre par mois – à plus de quatre-vingt mille exemplaires, je pense que c’est cette forme de SF, parfois très bonne (Wul ou Steiner par exemple) et souvent quelconque parce que bâclée, qui a introduit  le genre chez des générations de lecteurs. Ensuite on pouvait passer à la lecture d’une SF plus « sophistiquée » : j’aime Greg Egan ou Raphaël Granier de Cassagnac, simplement je ne les lis pas avec la même grille de lecture que Jimmy Guieu ou Maurice Limat (et je n’y cherche pas les mêmes choses). Alors tant mieux si Hunger Games ou La Communauté du Sud ont un immense succès (même si c’est à cause du cinéma ou de la télévision d’abord, cela fait lire les livres), ils encourageront une petite partie de leur public à poursuivre dans le domaine.
 
 
 ActuSF : Je suis passé voir les inspecteurs Peter et Nightingale à Londres. Pendant le repas que nous servait Molly, on se demandait si finalement tous ces coups de cœurs, et plus largement toute cette blogosphère riche en critiques, est-ce que ça ne remet pas un peu le lecteur, parfois un peu réduit à un porte-monnaie ou une cible marketing, au centre de la littérature ? 
 
Jean-Luc Rivera : Vous avez tout à fait raison ! Avec les critiques qui paraissent sur la blogosphère, que ce soient les miennes ou celles de nombre de blogueurs, les lecteurs intéressés savent qu’ils lisent les réactions de lecteurs comme eux et non pas de critiques littéraires spécialisés dont c’est le métier. Je me considère toujours comme un lecteur moyen (sauf que j’ai sans doute lu plus que la moyenne, privilège de l’âge), qui cherche d’abord le plaisir dans ce qu’il lit.
  
ActuSF : L'autre jour, j'ai eu un petit problème avec le vampire Navarre. Il m'a laissé partir à condition que je lui donne des tuyaux exclusifs sur le prochain festival de Sèvres la prochaine fois qu'on se croisera. Si vous aviez quelques informations à me donner, ça arrangerait bien mes affaires.   
 
Jean-Luc Rivera : Eh, eh ! Il sait que je garde toujours le mystère autour des invités et du programme jusque fin septembre. Je vous dirais seulement, afin de vous éviter des soucis avec lui, qu’outre une superbe affiche par Nicolas Fructus, le steampunk et l’uchronie seront à l’honneur de belle manière…
 
ActuSF : Entre deux bouchés de pomme, Silas vous passe le bonjour. Il voudrait savoir où il pourra vous croiser prochainement ? Et si vous avez d'autres projets en cours ?
 
Jean-Luc Rivera : Je serai à la Journée du Livre et de l’étrange, à Rennes-le-Château (Aude), lieu mythique par excellence, le samedi  15 août, journée organisée par l’Oeil du Sphinx, puis à la journée consacrée à Phillip K. Dick en septembre  à Paris, organisée par Actusf, sans doute aux Utopiales. Et, bien sûr, je fixe rendez-vous à tous pour la prochaine édition des Rencontres de l’Imaginaire, à Sèvres, qui, exceptionnellement (à cause des élections régionales), aura lieu le samedi 28 novembre.
 
ActuSF : Le mot de la fin : toute la Compagnie noire – et tous vos lecteurs – sont là. Que voulez-vous leur dire ? Qu'est-ce qu'on peut souhaiter pour la suite de vos Coups de cœur ?  
 
Jean-Luc Rivera : Outre Jérôme Vincent qui a eu le courage et la gentillesse de me proposer de m’accueillir il y a cinq ans, je veux remercier tous mes lecteurs pour me suivre depuis tout ce temps. Je ne m’attendais absolument pas au succès qu’apparemment rencontrent mes Coups de cœur et j’avoue être toujours un peu surpris et embarrassé lorsque je rencontre quelqu’un dans une librairie ou un festival  qui me dit : « Je vous connais, je lis vos coups de cœur, je les suis. » C’est la plus belle des récompenses ! Tout ce que je souhaite c’est continuer encore longtemps de pouvoir partager mes lectures, mes découvertes et mes enthousiasmes avec vous.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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