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Interview 2015 : Regis Goddyn pour Le Sang des sept rois
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Interview 2015 : Regis Goddyn pour Le Sang des sept rois

ActuSF : Le sixième tome du Sang des 7 Rois sort ce mois-ci chez l’Atalante. Le septième et dernier tome sortira au premier semestre 2016. Quelle est votre première impression « à chaud » alors que votre arrivez au dernier tome de cette saga ? 
 
Régis Goddyn : Disons que sortir d’un aussi long voyage ne se fait pas en un jour. En ce moment même, les relecteurs de la série prennent connaissance, crayon en main, de la fin du Sang des 7 Rois, sur format A4 et agrafés par chapitre. À mesure que leurs retours me parviennent, je corrige, fais des choix, rien n’est encore fini ; le livre est sorti de la forge pour mieux y retourner.
 
Après cela, il reste plusieurs étapes : les « corrections éditeur » qui me replongeront dans l’histoire au début de l’année prochaine, puis ma dernière relecture du texte une fois mis en page, fin février peut-être. Il reste également tout ce qui gravite autour du texte : le résumé, la mise à jour des index et glossaires, la 4e de couverture, les remerciements... Le roman est globalement terminé, mais je suis encore avec Orville pour à peu près trois mois, c’est donc un deuil très progressif qu’il faut affronter. Je suis serein.
 
 
ActuSF : Pouvez-vous (re)présenter votre série Le Sang des 7 Rois à ceux qui ne la connaissent pas encore ?  
 
Régis Goddyn : Le Sang des 7 rois est un roman de Fantasy sans elfes, sans orques ni grimoires, où le lecteur évolue dans un monde médiéval imaginaire : un univers simple et austère dans lequel un personnage, représentant peu d’intérêt sur le plan archétypal, va se découvrir à mesure que la société qui l’a engendré s’effrite. Il s’agit d’un roman où la magie et l’hérédité sont les notions clés, mais aussi d’un authentique roman d’aventure, de politique, de rencontres, de combats et de haine.
 
ActuSF : Difficile de parler des derniers tomes de la série sans nuire à l’intrigue. Est-ce que vous pouvez cependant nous dire les éléments marquants qui ont changé entre le premier et le dernier tome, en terme, d’ambiance, d’action, d’évolution des personnages ou de temporalité ?
 
Régis Goddyn : C’est une question complexe. Si l’ambiance reste sombre du début à la fin de l’histoire, elle l’est certainement selon différentes approches : cruauté, indifférence, solitude, désespoir, épuisement, coups du sort, trépas... Rares au début de l’histoire, les personnages se partagent ensuite le temps par nécessité, comme dans une famille devenue nombreuse. L’augmentation du nombre des points de vue implique alors une écriture plus resserrée sur l’action, tandis que le premier livre prend le temps d’explorer le contexte politique, le cadre géographique dans lequel l’histoire se pose. En ce qui concerne les personnages, on les connaît mieux après les avoir vu vivre, survivre pour certains d’entre eux sur près de trois mille pages. C’est au travers de leurs actes qu’on finit par connaître les personnages, à l’épreuve des faits, c’est finalement comme dans la vraie vie. 
 
J’ai le sentiment que ces aspects du roman que votre question distingue (rythme, ambiances, personnages...) sont tous intimement liés, et qu’au-delà des items qu’on peut étudier séparément, c’est cet ensemble de liens qui fait histoire.
 
 
ActuSF : Vous nous aviez donné une interview à la sortie du tome 1 en 2013. Vous disiez que : « L’univers des 7 rois est plus une trajectoire qu’un lieu ». Est-ce qu’aujourd’hui l’univers des romans a pris davantage corps ou reste-t-il encore un territoire à découvrir et à défricher ? 

Régis Goddyn : L’espace dans lequel se déroule le Sang des 7 Rois est de dimension assez modeste, disons de la taille de l’Europe. Or, tous les personnages sont perpétuellement en mouvement. Il va donc de soi que sept volumes plus tard, nous avons presque parcouru la totalité du territoire, souvent à plusieurs reprises. Parvenant au terme du roman, je reste sur cette position : le sang des 7 Rois est un road movie et le déplacement est le sujet du roman, certainement le personnage principal du livre.
 
Lors de l’édition 2013 des Imaginales, un éditeur important de notre paysage littéraire avait décelé cette particularité dès le premier tome et m’en avait parlé, relevant le côté « vernien » de mon écriture. Cette tendance ne se dément pas au fil des pages.
 
ActuSF : Vous aviez annoncé une heptalogie. Est-ce que son écriture a été aussi évidente que vous l’aviez prévue ? Comment s’est passé ce marathon littéraire – les bonnes comme les mauvaises surprises ? 
 
Régis Goddyn : Écrire est toujours difficile, bien entendu, et rien n’était gagné d’avance. Je n’avais pas prévu que ce serait évident et pour dire vrai, en dehors de me faire plaisir en racontant une histoire, je n’avais rien prévu du tout. 
 
Maintenant, effectivement, c’est un marathon qui s’achève avec ces sept livres parus ou à paraître en un peu plus de trois ans. Cela représente des milliers d’heures d’écriture qu’il a souvent fallu gagner sur les heures sombres de la nuit. Il aura fallu aussi beaucoup de régularité, beaucoup de patience à mes proches et beaucoup de rigueur personnelle, comme pour tous les auteurs. Mais il y a le temps d’écriture que chacun connaît ou imagine, mais aussi la vie d’auteur, au sens large.
 
Les bonnes surprises : La première bonne surprise est d’avoir été capable d’écrire un roman, rien que ça... Une autre bonne surprise est d’avoir été sollicité par plusieurs éditeurs pour la publication de cette histoire. Ces deux étapes étaient bien sûr essentielles, mais elles ont engendré un enchaînement de bonnes surprises. Depuis deux ans à peu près, je reçois chaque semaine des courriers de remerciements et d’encouragements de lecteurs qui attendent la suite du Sang des 7 rois avec impatience. Je rencontre dans les salons des gens qui viennent pour me rencontrer, discuter de mon livre et de mon parcours ; je vous assure qu’on ne s’en lasse pas. 
 
 
Me sentir si vite intégré dans ce milieu de l’imaginaire a également été une expérience forte ; les auteurs, les organisateurs, les éditeurs, les habitués... les salons en sont devenus des retrouvailles entre amis. Une mention spéciale pour Yal qui depuis les sommets de la hiérarchie des auteurs de l’imaginaire avait conservé un extraordinaire sens de l’accueil. Lors de notre première rencontre mi-2013 à Lyon, je m'étais senti auteur ; un cadeau inestimable. 
 
Les huit nominations à des prix, dont le prix Imaginales, le prix Bob Morane, le Grand Prix de I'Imaginaire et le prix Julia Verlanger ont aussi été des moments importants. 
 
Il y a eu des rencontres inespérées, inestimables, impossibles à imaginer il y a si peu de temps, comme cette table ronde aux dernières Imaginales avec Robin Hobb. En trois ans, ce n’est pas si mal.
Les mauvaises surprises : Il y en a toujours, bien entendu. Elles ne font pas le poids.
 
ActuSF : On oppose souvent auteurs scripturaux, qui écrivent avec peu de plans, aux auteurs structuraux, qui s’imposent un cadre et une structuration forte de leur récit avant de commencer à écrire. Qu’en est-il pour vous ?
 
Régis Goddyn : J’ai parfois essayé de faire des structures, surtout au début, mais je suis bien incapable de les suivre ; mon cerveau ne fonctionne pas ainsi. Depuis que je l’ai réalisé je n’en fais plus, c’est du temps perdu. Débuter un livre ou un chapitre se fait donc toujours de la même manière : où était ce personnage la dernière fois que je l’ai mis en scène ? Combien de temps a bien pu se passer depuis la dernière fois où nous nous sommes croisés ? Qu’a-t-il fait de tout ce temps-là ? Qu’est-ce qu’il peut bien vouloir maintenant ? Par quoi va-t-il commencer pour l’obtenir ? Et c’est parti... Le chapitre pourra faire deux ou trente pages, le personnage en question mourir en route ou rencontrer quelqu’un que je ne connaissais pas et qu’il faudra intégrer au roman... C’est le plaisir de l’écriture que de découvrir l’histoire comme le ferait un lecteur, de réfléchir dans la journée à ce qui suivra la scène écrite la veille. Pour revenir en arrière aussi, pour supprimer un paragraphe qui gêne la suite ou ajouter un détail qui trouvera sa justification cent pages plus loin. Pour parler en plasticien, l’expérience d’écriture pour moi n’est pas de la sculpture, ne se fonde ni sur le plan ni sur l’épure, c’est du modelage et je travaille à vue.
 
 
ActuSF : Y aura-t-il une suite ou une autre série dans l’univers des 7 rois – une seconde heptalogie  ? Quels sont vos autres projets ?
 
Régis Goddyn : Difficile de répondre à cette question alors que le 7e opus de Stars Wars sort sur les écrans et que Robin Hobb nous invite à nouveau dans l’univers de l’assassin royal. Un roman n’est finalement qu’une portion de temps enfermé dans des pages, et dont les limites sont souvent arbitraires. Pour chacun d’entre eux, il y a forcément eu un « avant l’histoire » et il y a potentiellement un « après l’histoire », fut-il post-apocalyptique. S’agissant du Sd7R et de mes projets, je serais tenté de dire que non. En tout cas pas dans l’immédiat. D’une part, je pense que le potentiel de cet univers est épuisé et d’autre part, voilà plusieurs années que je chevauche chaque nuit aux côtés d’Orville, j’ai pour l’instant d’autres envies de voyage. 
 
Mes projets ? En attendant le retour des relectures du livre sept, j’ai commencé l’écriture d’un roman de fantasy sans épée et sans chevaux. Naturellement, je ne sais pas du tout où ce projet me mène. Un personnage se construit doucement, il évolue dans un univers relativement placide que je découvre par ses yeux. D’ici une bonne semaine, j’aurai à peu près écrit une centaine de pages, ce sera le moment de lui trouver un nom et de tracer une première carte. À suivre...
 
ActuSF : Où les lecteurs pourront-ils vous retrouver en dédicace ? 
 
Régis Goddyn : Je serai le 28 novembre au salon de Sèvres, puis au Salon Fantastique porte Champerret fin février 2016. D’autres occasions de nous rencontrer viendront bien entendu, mais il est trop tôt pour s’avancer sur les manifestations du printemps, elles se construisent en ce moment même. 
 
ActuSF : Le mot de la fin, quel est votre roman coup de cœur du moment ?  
 
Régis Goddyn : Difficile question, tant les livres de qualité embellissent notre monde parfois un peu gris. Puisqu’il ne faut en citer qu’un, je parlerai de Points chauds de Laurent Genefort, pour sa philosophie désabusée et sa poésie ; celle de ces créatures sensibles qui, sorties des Bouches, ne rencontrent dans notre espèce violente et cruelle que trop peu d’oreilles pour les entendre. Leur seule présence dans ces pages est une invitation à un voyage auquel nous ne sommes finalement pas conviés, certainement ne le méritons-nous pas.
 
Mais il y a aussi Philippe Jaworski pour la précision diabolique de ses textes et son art consommé du contre-pied, Laurence Suhner pour le souffle épique de la trilogie Quantika, Jules Verne pour 20 000 lieues sous les mers, un roman fondateur dont on ne dira jamais assez l’éternelle jeunesse.
 
 

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