Actusf : Question traditionnelle pour commencer, peux-tu nous dire dans quel contexte tu as écrit les Oiseaux de Lumière à l'aube des années 2000 ?
Jean-Marc Ligny : Les Oiseaux de Lumière sont d'abord issus d'un rêve que j'ai fait au début des années 80, où j'ai effectivement rêvé de grands oiseaux chromatiques volant dans l'espace. Joli... Ca a fait l'objet d'une nouvelle parue dans Libé le 25 janvier 1980, intégrée par la suite dans les Chroniques des Nouveaux Mondes. Puis en 1999, j'ai eu l'idée de reprendre cette nouvelle et d'en faire un roman, une histoire d'Oap Täo. Avec Mandy, qui s'intéressait beaucoup aux Chroniques (il avait illustré les romans parus au Fleuve Noir) on a développé le scénario, basé sur certaines de ses peintures, à l'occasion d'une résidence d'auteur au Futuroscope, sous la houlette de Bruno Della Chiesa. J'ai écrit le roman en 2000, il est paru en 2001 chez J'ai Lu/Millénaires et a obtenu le Prix de la Tour Eiffel... Ce qui nous a donné, à Mandy et moi, l'occasion de visiter la Tour Eiffel pour la première fois !
Actusf : Arrêtons nous trois minutes justement sur la période. On est au moment des années 2000 et on parle alors d'un rebond, d'un retour de la science fiction. Il y a la collection Millénaires chez J'ai lu qui fait du bruit. Le prix vous est remis à la Tour Eiffel donc. Avec le recul, c'était une période "optimiste" pour toi ?
Jean-Marc Ligny : Une période d'ouverture, oui un peu. Un certain nombre d'éditeurs lançaient de nouvelles collections ou se mettaient au grand format. Je suis sorti du format poche ou "semi-poche" (Denoël) avec Jihad, publié en 1998 dans la collection Présences. Puis il y a eu Millénaires de J'ai Lu, un éditeur jusqu'alors voué au poche, la collection grand format du Fleuve Noir, et l'arrivée de l'Atalante, du Diable Vauvert, etc.. Flammarion m'a fait les yeux doux et m'a promis un contrat mirifique qu'il a fait traîner pendant un an, jusqu'à ce qu'il soit revu fortement à la baisse. Du coup je leur ai claqué la porte au nez et j'ai proposé le projet que je leur destinais à l'Atalante... C'était AquaTM. Bien m'en a pris !
Actusf : Quel rapport as-tu avec ton personnage d'Oap Tao ? Il s'est imposé tout de suite pour les Oiseaux ?
Jean-Marc Ligny : En fait, il était déjà présent dans ma petite nouvelle pour Libé, qui racontait juste le début : la chasse à l'oiseau de lumière avec le fils d'un riche oligarche astroïde, qui foire à cause du gamin. Ce début a bien été développé dans le roman. Mais je peux dire qu'Oap Täo est né avec les Oiseaux de lumière... même si d'autres aventures de lui sont parues avant.
Actusf : Tu veux dire que c'est là qu'il a pris corps ? Ou chair, dans ton esprit ?
Jean-Marc Ligny : Oui oui, tout à fait : en 1980, dans ma nouvelle pour Libé, qui a constitué également, en quelque sorte, le point de départ des Chroniques des Nouveaux Mondes, ou du moins la première nouvelle publiée de ce cycle (qui n'avait pas encore de nom à cette époque). L'idée même des Chroniques est née d'une exposition de vaisseaux spatiaux de Jacques Lelut, au festival SF de Roanne en 1979.
Actusf : Il y a seize ans, lors d'une première interview autour du livre, tu nous disais : "Il faut déjà être sacrément optimiste pour croire à l’exploration spatiale par des vaisseaux habités, du moins dans un avenir envisageable. En outre, je présente une humanité globalement pacifiée (même si des conflits et tensions demeurent), sous la houlette de deux races infiniment supérieures et suprêmement puissantes mais non agressives. Le fait est qu’il n’y a pas de morts ni de violence dans Les Oiseaux de Lumière… Je crois encore en l’humanité, à long terme. " Est-ce que tu partages encore ton avis de l'époque ? Est-ce que tu vois toujours Les Oiseaux comme une sorte de feel good books ?
Jean-Marc Ligny :Oui, tout à fait, même s'il y a un peu plus de violence dans La Saga d'Oap Täo ou dans Un Eté à Zedong. Les Chroniques des Nouveaux Mondes sont ma danseuse, mon jardin secret (enfin, pas si secret), un lieu de rêve et d'utopie où je viens me reposer un peu des turpitudes du monde... même si ce n'est pas le monde des Bisounours (cf La Guerre de Trois Secondes, où j'éradique quand même 70% de la population de la Terre...). Les Chroniques décrivent un univers multiculturel où je me sens bien, et où j'espère que les lecteurs se sentent bien aussi.
Actusf :Ah je te confirme qu'on s'y sent très bien dans ton univers des Nouveaux Mondes. Outre l'aventure et le ton parfois léger, il y a aussi une dose d'érotisme dans Les Oiseaux de Lumière. Est-ce que c'est simple pour toi à écrire ce genre de scène ?
Jean-Marc Ligny : J'adore ! Peut-être qu'un jour, quand je serai un vieillard cacochyme et libidineux, j'écrirai un roman érotique... Mais pour moi, l'amour fait partie intégrante des relations humaines, et l'amour platonique, ce n'est pas trop mon truc, alors... Certains critiques me l'ont reproché, mais je pense qu'au fond, les gens aiment bien. Il faut bien sûr faire attention de ne pas tomber dans le vulgaire ou le porno, mais en général je parle d'amour, pas de sexe. Il n'y a pas de scènes de viol ou d'orgie dans mes bouquins.
Actusf : Avec le recul, comment juges-tu ce roman ? C'est l'apogée des Chroniques ?
Jean-Marc Ligny : Oh là, j'espère que non ! Je dois écrire une nouvelle histoire d'Oap Täo, je te rappelle, et j'espère qu'elle sera meilleure que les précédentes. Si je le considérais comme "l'apogée" des Chroniques, je cesserais d'écrire des Chroniques. Et je compte bien continuer, avec des romans et des nouvelles. Cet univers est infini, et a le mérite d'être intemporel.
A suivre
Bonus :
Une interview vidéo sur l'univers des Nouveaux Mondes lors de la sortie du recueil des Chants de Glace