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Interview de loïc Le Borgne
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Interview de loïc Le Borgne

Actusf : Votre biographie mentionne un premier roman de science-fiction achevé en 6e, quel en était le sujet ? Qu'est-ce qui vous avait poussé à l'écrire ? Quels livres lus pendant votre adolescence vous ont particulièrement marqué ?
Loïc Le Borgne : Le sujet était très banal : l’invasion de la Terre par des extra-terrestres, une histoire très inspirée par « La guerre des mondes ». Le roman n’était pas très long, mais pour moi c’était déjà une grande aventure. A l’époque (en 1981), j’écrivais plutôt des poèmes ou de très courts récits, mais j’avais été fasciné par des films comme « Star Wars », « Le trou noir », « Galactica ». Et puis cette année-là, pour de multiples raisons, nous n’avions pas la télé à la maison. J’ai du coup lu plus de 100 romans et écrit ces histoires. Vers 12-13 ans, j’alternais la lecture de récits de science-fiction (Jules Verne, H.G. Wells, la série des « Conquérants de l’impossible », Christian Léourier, des livres comme « La patrouille de l’espace » de Robert Heinlein ou « La guerre des Gruulles » d’Alphonse Brustsche), et de romans d’aventure (Jack London, Michel Zévaco, Alexandre Dumas, les séries vertes « Les trois jeunes détectives », « Alice détective », les éditions « Signe de piste »). Dans le cycle d’Eden, on retrouve ce mélange d’aventures et de science-fiction. J‘ai voulu écrire une histoire que j’aurais aimé dénicher à cette époque.

Actusf : Vous dites avoir été inspiré par des récits de piraterie, y en-a-t’il que vous recommanderiez particulièrement aux lecteurs enthousiasmés par la trilogie des enfants d'Eden ?
Loïc Le Borgne : On ne peut pas passer à côté de « L’île au trésor », de Stevenson. Beaucoup de films, de romans, de BD s’inspirent de ce récit, notamment « Pirates des Caraïbes 2 ». Cet été, j’ai également découvert «Moonfleet », de J.M. Faulkner, l’histoire d’un jeune Anglais embarqué dans des aventures avec des contrebandiers. Ce roman méconnu en France est dans la veine de « L’île au trésor », mais plus sombre. En bande dessinée, on trouve de nombreux récits qui fourmillent de pirates. J’ai particulièrement aimé la série « Les survivants de l’Atlantique ».

Actusf : Sur le site les enfants d'Eden il y a pas mal de croquis quelles impressions cela vous a-t-il fait de découvrir vos personnages vus par Manchu ?
Loïc Le Borgne : Pour l’instant, Manchu a surtout dessiné des vaisseaux. Son croquis de Marine, visible sur la page consacrée aux livres de la trilogie, n’est en réalité qu’un rough (un essai) réalisé en quelques minutes. Quand je l’ai découvert, j’ai été très surpris. Marine est sur ce croquis exactement comme je l’imaginais. Le dessin de l’Epaulard m’a également enchanté. C’est très émouvant de voir un personnage (l’Epaulard en est un à part entière), que vous avez en tête depuis trois ou quatre ans, prendre chair sous vos yeux. D’autant que les dessins de Manchu sont vraiment magnifiques. Je souhaite qu’il dessine d’autres personnages à l’avenir. Mais les lecteurs, sur le site, sont aussi invités à s’y mettre s’ils le désirent…

Actusf : Vous avez visité de nombreux pays lequel vous a le plus séduit , et le plus inspiré ?
Loïc Le Borgne : C’est le Népal, il y a quelques années (aujourd’hui la situation est tendue dans ce pays). La vision de l’Everest immaculé s’élevant très haut au-dessus de nos têtes après deux jours de marche est inoubliable. Les couleurs, à 4200 mètres d’altitude, étaient très contrastées, l’air vif, le relief sidérant. J’ai de même été envoûté par les montagnes de l’Atlas marocain, les canyons américains, les glaciers islandais. Dans tous ces endroits il y a des tons, des perspectives incroyables. J’essaie parfois de transmettre ces impressions à Marine, quand elle découvre de nouvelles terres. Et vous verrez que le mythe du mystérieux « Monde bleu » va prendre de plus en plus d’importance au fil de la trilogie.

Actusf : A en lire le premier tome des aventures de Marine, il semblerait que vous accordiez plus d'importance aux peuples qu'aux paysages et si votre roman relève du roman univers c'est pour l'instant plus par la diversité des "espèces" que par celles des mondes. Est-ce une tendance qui se poursuivra tout au long du récit ou une part plus grande sera-t-elle réservée à l'exploration plutôt qu'à la rencontre ?
Loïc Le Borgne : Dans des romans destinés à de jeunes lecteurs, on ne peut pas se permettre de faire de trop longues descriptions. Mais d’une manière générale effectivement, je souhaite que les êtres vivants, ce qu’ils ressentent, priment sur les décors, les enjeux stratégiques. Je n’apprécie pas vraiment par exemple l’expression « space opéra » parfois utilisée pour classer ce roman. Il faudrait plutôt parler de « space adventure » ou de « space fantasy », les mythes, les personnages et les archétypes y tenant une place essentielle. Je voulais aussi introduire le problème du racisme dans le récit. Si nous nous retrouvons un jour confrontés à d’autres espèces, les phénomènes de rejet existeront sans doute, certains seront tentés de se croire supérieurs, de décréter que les « Xénos » (autrement dit des « étrangers ») n’ont pas autant de droits que les autres. Il y a eu des précédents, avec les Noirs africains ou les Indiens d’Amérique. D’autres, comme Marine, se focaliseront sur le cœur de l’être lui-même, pas sur son aspect ou ses capacités. Mes voyages m’ont appris qu’il y a des notions essentielles que partagent tous les Humains. On parle souvent du problème des différences, peut-être pas assez des points communs. Je continuerai dans cette voie. Si on garde l’esprit ouvert et curieux - et c’est le cas de Marine - on ne peut explorer sans chercher les rencontres.

Actusf : L'aspect technique des embarcations est très détaillé dans le récit, schémas à l'appui, est-ce par fascination pour les vaisseaux, une façon supplémentaire de donner chair à l'équipage ou une volonté d'être dans le concret ?
Loïc Le Borgne : Pour ceux qui ont découvert Star Wars au cinéma alors qu’ils étaient de jeunes enfants, les vaisseaux sont forcément fascinants, de même que les sabres laser ! Mais je souhaite aussi ancrer solidement les personnages dans le concret au début du récit de manière à leur permettre d’aller ensuite très, très loin, en embarquant les lecteurs avec eux. Souvenez-vous de la carte dans « L’île au trésor » : c’était un élément clé du récit, qui captait le regard des jeunes lecteurs. C’est aussi pour cette raison que je glisse beaucoup de détails, et que j’en ajoute encore dans les pages du site, sur internet, dans l’encyclopédie mise en ligne notamment. Une fois bien installés à bord, nous pourrons aller loin.

Actusf : Sans vouloir spoiler d'une quelconque façon, voilà quelques questions sur la suite de l'histoire (même si la rubrique indiscrétions du site contient déjà des éléments de réponse;-) Marine fera-t-elle la connaissance de Rose ? Reverra-t-elle le capitaine Shark ? Dans quel tome découvrira-t-on l'usage de la sphère que ce dernier a remis à Marine ?
Loïc Le Borgne : Oui, Marine rencontrera Rose dans le tome 2. Rose est un personnage très mystérieux, et en réalité un personnage clé. Son passé est particulièrement important… comme celui de la « Rose » de Titanic, le film de James Cameron. Mais elle a deux problèmes : son mauvais caractère et sa mémoire, qui lui joue des tours. Un prologue disponible sur le site dans la rubrique des scènes inédites (coupé dans la version finale du livre pour permettre au lecteur d’entrer plus vite dans le vif du sujet), livre quelques indices. Shark est très malin, on le reverra sûrement, à plusieurs reprises. Entre Marine et Shark, dès le début, c’est « je t’aime moi non plus ». On retrouvera la sphère dans les tomes 2 et 3. Si vous en trouvez une semblable, je vous conseille de ne pas trop la manipuler…

Actusf : Le Glone qui a une certaine importance dans le début du roman n'apparaît plus par la suite ; est-ce signe de la rupture de Marine avec son passé au couvent ? Ou juste le résultat du fait que maintenant elle a trouvé d'autres interlocuteurs bienveillants et plus réactifs ?
Loïc Le Borgne : Il reviendra de temps en temps, parce que Marine n’est pas du genre à trahir ses vieux amis, mais elle grandit, et s’accomplit. Le Glone l’a soutenue dans les épreuves, mais il représente maintenant l’enfance qui s’achève. On peut faire des clins d’oeil à son passé, mais pas revenir en arrière.

Actusf : La trilogie va-t-elle opposer, (confronter ?) les obscurantistes de l'église du Noir-Mystère et les pacifistes enfants d'Eden ? Quelle dimension sera le plus mise en avant : le politique ou la religion ? Ou peut-être les deux resteront -il étroitement mêlés ?
Loïc Le Borgne : En réalité, je ne sais pas encore tout à ce propos. Je découvre aussi des choses, au fur et à mesure de l’écriture. J’ai des balises, des caps, des objectifs, mais pas de certitudes. Il est clair que les Puissances et l’Eglise du Noir Mystère souhaiteraient que rien ne change, et que les pirates et les Archéos ne sont pas de cet avis. Politique et religion sont très étroitement mêlés, comme au Moyen Age en Europe. Attention cependant : les pirates ne sont pas tous pacifistes, je ne veux pas en faire des anges, et tous les soldats des Puissances (William Destroy par exemple) ne sont pas forcément des monstres. Marine croisera toutes sortes de gens, y compris chez les pirates. Les sœurs auront un rôle essentiel plus tard, l’Empire et son chef le Dédalus aussi. Mais l’essentiel au fond, ce sont ces deux mythes qui fondent toute la société : celui de la Matière noire engendré par la fascination pour les mystères du Vide et de l’obscurité de l’espace, et celui du Monde bleu. Ce sont deux manières de concevoir l’inconnu : la peur et le repli sur soi-même ou la soif d’aventures et de nouveautés. Ces tendances existaient aussi lorsque les hommes se sont aventurés sur les océans.

Actusf : Et pour finir quels sont vos projets ? Avec Marine ? Et sans elle ?
Loïc Le Borgne : Marine n’est pas du genre à se tourner les pouces, et si elle me propose un prochain embarquement j’aurai du mal à résister. J’écris en parallèle des nouvelles sur le thème du réchauffement climatique, pas à propos de son impact sur la planète (qui s’en remettra plus vite que nos civilisations) mais sur l’écho que ce bouleversement aura en chacun d’entre nous, sur nos certitudes, nos sentiments, nos illusions. L’une, « Le Dernier Trek », devrait paraître dans le prochain numéro (41) de la revue « Galaxies ».

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