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Interview François Baranger
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Interview François Baranger

Actusf : Quel est le point de départ de Dominium Mundi ?
François Baranger : Au départ, il y a deux idées. Premièrement, j’avais envie de tester le mélange de deux genres : le roman historique et la SF. Il ne s’agissait pas de faire une transposition historique dans un univers SF, mais d’utiliser des personnages et le contexte politique d’une époque révolue, et les propulser dans une époque qui n’existe pas encore. J’y voyais matière à des contrastes intéressants. Et après tout, la première croisade remontant à près de 1000 ans, le mode de vie, les mentalités, les rapports militaires ou politiques étaient si différents d’aujourd’hui que c’est déjà de la science-fiction !
Et la deuxième idée… je ne peux pas en parler sous peine de révéler un point fondamental du tome 2 !

Actusf : Qu’est-ce qui vous a donné envie de mettre en scène l’institution chrétienne dans le futur ? Et comment avez-vous imaginé son évolution ?
François Baranger : Pour faire simple, dans toute religion, on trouve deux types d’individus : ceux qui croient sincèrement, et ceux qui instrumentalisent à des fins politiques (cette dichotomie se retrouve d’ailleurs dans à peu près toutes les grandes organisations humaines). C’est évidemment cet aspect des choses qui est utile au romancier, dans la mesure où elle permet de mettre en scène toute une palette de personnages, du fanatique extatique au politicien le plus cynique, en passant par ceux qui acceptent sans se poser de question, ou ceux qui doutent. C’est un matériau formidablement riche pour la fiction.
Par ailleurs, j’aimais bien l’idée de cette Église qui historiquement a toujours rejeté la science et trouve en elle dans le futur un puissant allié pour asseoir sa domination sur le monde. Cela procure des situations paradoxales ou les autorités chrétiennes utilisent sans vergogne certaines technologies, tandis qu’elles en mettent d’autres à l’index.
Quant à son évolution… il n’y en a pas eu ! C’est justement ce qui m’intéressait : imaginer un contexte où la chrétienté est redevenue un empire dans l’acception la plus absolue du terme.

Actusf : Comment avez-vous imaginé l’univers dans son ensemble, avec cette humanité dévastée et la construction de ce vaisseau géant ? Il y a des aspects politiques, religieux, mais aussi technologiques…
François Baranger : Dominium Mundi n’est pas un « post-apo », mais à l’image dans ce genre de roman, il postule qu’une guerre ultime a mis l’humanité à genoux dans un futur pas si lointain. Or, si un tel cataclysme ravage les pays, décime les populations, détruit les infrastructures et les moyens de subsistance, il ne détruit pas les connaissances. La science ne disparait pas. On peut donc se trouver dans cette situation paradoxale ou les populations sont revenues, par la force des choses, à un mode de vie médiéval, tandis que les gouvernants financent des armées toujours plus sophistiquées.
Une grande partie de la terre étant devenue inhabitable suite à la « Guerre d’une heure », il devient nécessaire de chercher de nouveaux territoires. La chrétienté se tourne donc naturellement vers le système stellaire le plus proche, alpha du centaure. Pour coloniser ces mondes nouveaux, un programme de construction de vaisseaux géants est entrepris. Le « Saint-Michel » est le premier d’entre eux.

Actusf : D’ailleurs, comment avez-vous conçu ce vaisseau ? Cela vous a-t-il demandé beaucoup de documentations ?
François Baranger : Mon problème numéro un était la durée du voyage. Alpha du Centaure est à quatre années-lumière de la Terre. C’est énorme. Il a donc fallu que j’invente un moyen technologique hypothétique pour m’affranchir de cette difficulté. Une sorte de variante du « Trou de ver » qui s’appelle l’Effet tunnel.  C’est évidemment totalement fictif, néanmoins, comme dans la plupart des romans de SF, il ne s’agit pas de décrire des technologies totalement crédibles, mais suffisamment vraisemblables. C’est à cette nuance que je me suis attaché. Cela dit, certains des principes que j’évoque sont réels. Par exemple, la description qu’Albéric fait de la Bio-informatique est réaliste. Ce sont des technologies qui existent déjà au stade expérimental.

Actusf : On assiste à une sorte de croisade spatiale. Quelles étaient vos intentions ?
François Baranger : Les croisades sont à la fois une réalité historique et la source d’un grand nombre de mythes et de légendes. En cela, c’est un sujet passionnant. D’autant que, si j’ai utilisé certains évènements ou personnages ayant réellement existé, je me suis également inspiré d’un célèbre poème épique italien du XVe siècle intitulé « La Jérusalem délivrée » qui conte la première croisade comme Homère mit en vers la guerre de Troyes, c’est-à-dire avec flamboyance et sans la moindre exactitude historique ! Les croisades ont pour moi à la fois le souffle des grands romans d’aventures dont l’imaginaire collectif s’est emparé, et la force des événements historiques dont on sait qu’ils ont réellement eu lieu.

Actusf : A la fin du premier volume, vous écrivez qu’il s’agit « d’une sorte de relecture personnelle de l’Histoire, assise sur le constat à la fois évident et quelque peu déprimant que celle-ci se répète inlassablement, y compris – et surtout – dans ses aspects les plus négatifs ». Cela veut-il dire que le second tome sera sombre ?
François Baranger : Il suffit d’ouvrir un journal pour se rendre compte que c’est malheureusement vrai. Si globalement, l’humanité progresse peu à peu, c’est un phénomène tristement lent. De nouvelles guerres éclatent sans cesse, de nouveaux conflits, de nouvelles haines. Toutefois, ce n’est pas le sujet du roman, plutôt sa toile de fond. Certains personnages n’acceptent pas cet état de fait et tentent de changer le cours des choses. En cela, je ne pense pas que Dominium Mundi soit un roman sombre, même si, bien entendu, il comporte des aspects dramatiques.

Actusf : Vous êtes illustrateur. Est-ce que vos illustrations ont joué un rôle dans l’écriture du roman ?
François Baranger : Dans les différents retours de lecteurs que j’ai pu avoir, beaucoup m’ont dit que les descriptions étaient particulièrement « visuelles » et très immersives. Il est probable que ce soit dû à ma formation d’illustrateur qui m’oblige à visualiser très clairement dans ma tête les images que je dois faire avant de les dessiner. Il est probable que cela marche aussi pour les écrire ! Pour moi, créer une image ou créer une histoire ne sont pas des activités si différentes. Même si les techniques employées pour arriver au résultat final n’ont rien à voir, la démarche est la même : il faut puiser dans son imagination. Quand je fais une illustration, j’ai déjà l’impression de raconter une histoire.

Actusf : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
François Baranger : En illustration, je viens de terminer la production de « La Belle et la Bête » de Christophe Gans pour laquelle j’étais concept artist, et je vais d’ailleurs bientôt commencer la préparation de son prochain film. En ce qui concerne l’écriture, j’ai commencé un nouveau roman qui, cette fois, ne sera pas de la SF, mais un thriller un peu particulier. Je préfère ne pas en dire plus pour le moment, car j’en suis à un stade vraiment préliminaire.

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