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Les archives d'Actusf : L'interview Gregory Keyes en Mai 2007
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Les archives d'Actusf : L'interview Gregory Keyes en Mai 2007

L'Age de la déraison est une série uchronique qui a connu son heure de gloire dans les années 2000. Gregory KEYES imaginait un destin totalement différent pour l'Europe au XVIIIe siècle avec comme personnage principal Isaac Newton ! En 2007, on lui avait posé quelques questions...

Actusf : Tout d'abord, les éditions Pocket rééditent en ce moment L'Age de la déraison, comment est née l'idée de ce cycle ?
Gregory Keyes : Ça remonte à loin. Lorsque je travaillais avec les Indiens Choctaw du Mississippi, je me suis retrouvé à parcourir des paysages qui faisaient très XIXème siècle. J’ai commencé alors à imaginer un présent alternatif, mais dans lequel l’Histoire aurait été tout autre. Une Histoire où le mélange racial et culturel aurait été encore plus poussé au sein des peuples d’Amérique du Nord. Ce qui voulait dire que quelque chose de grave était arrivé en Angleterre dans la première moitié du XVIIIème siècle.

Une fois que j’ai eu vendu mon premier roman (the Waterborn), j’ai eu envie d’emmener ma femme en Europe. Nous sommes allés à Florence et à Prague. A Florence, j’ai vu ce fantastique musée des anciens instruments scientifiques, et à Prague beaucoup de choses relatives à la magie. Tout ça s’est intégré à ce que j’avais en tête. Et quand j’ai parlé de ces vagues idées à Veronica Chapman – mon éditrice d’alors – elle m’a demandé si je pouvais resituer mon intrigue au moment où l’histoire a divergé, et en faire une trilogie. A l’époque, j’étais un jeune auteur et j’aurais accepté de me faire rôtir avec des patates et des petits oignons. J’ai donc dis « oui », sans vraiment savoir où j’allais, et commencé à me plonger frénétiquement dans les recherches en bibliothèque. Heureusement, le début du XVIIIème siècle regorge d’idées fantastiques et de personnages dénués d’inventivité. L’Europe était en train d’évoluer vers un autre système paradigmatique, et même des érudits comme Newton se sont retrouvés coincés entre l’ancien et le nouveau. Aussi, je me suis dit qu’il pourrait être amusant de cette question : « Comment aurait évolué le monde si les découvertes de Newton avaient été assimilées non pas à la science, mais à l’alchimie ? »

Actusf : Vous avez utilisé des personnages historiques dans un cadre complètement imaginaire. Comment on réagit vos lecteurs ? Certains vous ont reproché ce mélange entre Histoire et romance ?
Gregory Keyes : Au début de la série, l’histoire reste très similaire à la nôtre, mais vers la fin, c’est vrai, les choses deviennent passablement étranges. Aux Etats Unis, on ne m’a pas vraiment reproché d’avoir mélangé réel et fabuleux. Mais le problème c’est que la plupart des américains ne sont pas spécialement familier avec l’Histoire européenne. Les Démons du Roi-Soleil commence durant la guerre de succession d’Espagne, dont on pourrait dire, je pense, qu’elle fût la première vraie guerre mondiale. Or la majorité des Américains n’en a jamais entendu parlé. Les uchronies qui marchent le mieux aux US, sont celles qui parlent de notre Guerre de Sécession ou de la Deuxième Guerre Mondiale.

Je soupçonne en fait la série de l’Âge de déraison d’avoir été, à la fois, mieux reçue et mieux chroniquée en Europe, du fait d’une meilleure compréhension de l’histoire et des personnalités dont je distords le destin. Même si je n’ai jamais lu de critiques. Je peux (avec beaucoup de difficultés) lire le français et le russe, mais je ne connais ni l’espagnol, ni l’italien. Par conséquent, je ne sais pas vraiment ce qu’en disent les critiques.



Actusf : Pourquoi avoir utilisé ces personnages historiques ? Pour le plaisir ? Où est-ce qu'ils apportaient plus de "crédibilité" à votre histoire ?
Gregory Keyes : Principalement parce que ça m’amusait. J’aime aussi beaucoup essayer de les cerner au travers de leurs écrits ou par les descriptions qu’en font leurs contemporains. En ce qui concerne Newton, il était carrément au centre même de tout mon concept. Son idée que dieu puisse créer une infinité d’univers, simplement en procédant à de légers ajustements dans les particules et les énergies qui composent notre monde était à la source de tout.

Actusf : Comment l'avez-vous construite ? Plus on avance dans les romans, plus l'histoire devient folle et fantastique, avec le sort du monde en jeu à la fin. Est-ce que dès le début vous saviez où vous vouliez emmener votre intrigue ou est-ce que vous avez construit le récit au fur et à mesure ?
Gregory Keyes : Hé bien, les deux ! Je savais vers où je voulais aller, mais pas vraiment comment y aller. Adrienne, par exemple, n’était même pas dans mon premier synopsis, mais je me suis rendu compte que j’avais besoin de quelqu’un à la cour du Roi de France. Et elle a pratiquement changé toute l’orientation de l’histoire.

Actusf : Comment vous décririez Benjamin Franklin dans votre série ? Quel regard portez-vous sur lui et pourquoi avoir choisit ce personnage Historique ?
Gregory Keyes : Je me suis aperçu que Franklin devait être un jeune homme à l’époque où commençait cette histoire, et j’ai pensé que ça pourrait être un personnage amusant. Un de ceux par les yeux desquels on pourrait voir le monde changer. Je pense que dans sa jeunesse, il était quelqu’un de très différent de celui qu’il est devenu plus tard, au moment où il a écrit son autobiographie. Pour dire cela, je m’appuie sur ses essais, et un journal qu’il a tenu. Sur ses vieux jours, il s’est dépeint comme le parangon de ce qu’un Américain devrait être : volontaire, simple, tempérant, vertueux. Mais jeune homme, venant d’un milieu pauvre, il avait soif de belles choses. C’était un provocateur, il était sûr de ses jugements, et parfois assez orgueilleux. Toutefois, dès cette époque, il faisait montre d’un esprit hors du commun.

Actusf : J'imagine que vous vous êtes beaucoup documenté non pour cette tétraloie ?
Gregory Keyes : J’ai fait énormément de recherches pour ces livres. J’ai lu plusieurs biographies de chacune des personnalités. J’ai lu des livres écris à l’époque – Dafoe et Voltaire par exemple – pour mieux sentir leur langue. J’ai étudié la manière dont la science était perçue alors. Dans le temps j’ai fait des études d’anthropologie, alors faire des recherches m’est assez naturel. Mais aux Etats Unis, on ne met pas de notes de bas de page dans les ouvrages de fiction. Aussi quand j’ai vu le nombre d’annotations sur la première version des Démons du Roi-Soleil, j’ai vraiment été très impressionné.

Greg Keyes par Ji-Elle aux Imaginales 2010 (Wikipédia)


Actusf : Est-ce que vous avez envie d'y revenir un jour dans une nouvelle ou d'autres romans ?
Gregory Keyes : J’ai écrit une nouvelle pour Amazing Stories, mettant en scène Franklin à Prague, et c’était plaisant. En fait, j’aimerai revenir à mon idée originelle, et écrire une histoire qui se situerait aujourd’hui, en 2007. Ce serait évidemment très différent, parce qu’il n’y aurait aucun personnages célèbres.

Actusf : Cela fait maintenant quelques années que cette série est terminée. Quel regard portez-vous dessus ?
Gregory Keyes : J’ai pris beaucoup de plaisir à écrie ces livres. Je pense qu’il y a des choses que je referai différemment, mais j’en suis encore content.

Actusf : Vous avez également écris deux trilogies sur Star Wars et Babylon 5, comment sont nés ces romans ? Et quelles places ont-ils pour vous dans votre biographie ?
Gregory Keyes : J’étais un fan de Babylon 5, et on m’a demandé d’en faire des novelisations. J’avais de bons rapports avec les gens de Babylonian productions qui m’ont laissé beaucoup de libertés. L’expérience Star Wars était assez similaire bien qu’il ait eu beaucoup plus de gens impliqués dans l’écriture de ces livres. J’en suis venu à voir les novélisation de séries comme une forme particulière d’écriture. Comme les haiku. Vous ne songez pas à vous plaindre du nombre de syllabes autorisées quand vous choisissez d’écrire des haikus. Cela dit, je pense que j’aurais aimé avoir un peu plus de temps pour les écrire, car habituellement, ils doivent être rendus très vite. Mais bon… j’ai aimé jouer avec ces univers.

Actusf : Votre dernière série s'appelle : The Kingdoms of Thorn and Bone. de quoi parle-t-elle ?
Gregory Keyes : C’est de la fantasy grand-écran, avec énormément de personnages. Je n’avais jamais écrit une de ces histoires situées dans une Europe Médiévalo-Renaissance, et j’avais très envie de le faire, mais avec quelques touches personnelles, notamment dans mes personnages. Comme la plupart de mes livres, c’est devenu quelque chose qui m’a un peu échappé, et qui a prit vie sous mes yeux.
L’idée de base était que l’humanité avait été réduite en esclavage par une ancienne race, mais qu’elle s’était libérée de ses maîtres en utilisant une forme de magie appelée, les sedos. Le dernier de leurs ennemis leur avait dit qu’un jour, ils regretteraient d’avoir à user de ce pouvoir, et la série débute quelques milliers d’années plus tard, au moment où les conséquences commencent à se faire jour.



Actusf : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Gregory Keyes : Je suis toujours sur the Kingdoms of Thorn and Bone, et même si j’ai pas d’idées sur ce qui viendra après, je ne les ai pas encore assez mises en forme pour en parler pour l’instant.

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