ActuSF : Dans ta nouvelle sur la maison, il y a l'idée qu'une maison peut être vivante. Penses-tu qu'on donne vie à la pierre? Quelle est l'importance de la maison sur les gens, d'un point de vue psychologique ?
Mélanie Fazi : Je n'y ai jamais réfléchi. Ce qui est sûr, c'est qu'on laisse son empreinte sur les lieux dans lesquels on vit. Quand on entre chez quelqu'un, d'un coup d'oeil, on apprend un certain nombre de choses sur cette personne à travers l'ambiance des lieux, la décoration... A partir de là, c'est vrai que c'est séduisant de penser qu'on imprègne les pierres d'un peu de nous-mêmes.
En y réfléchissant, j'ai souvent mis en scène le phénomène inverse dans mes nouvelles, notamment dans celles de Notre-Dame-aux-Ecailles : l'images d'humains qui se métamorphosent en pierre, ou se fondent dans la pierre. Je ne sais pas trop ce qu'il faut en déduire.
ActuSF : Quels sont tes auteurs préférés? Pourquoi ?
Mélanie Fazi : J'ai toujours du mal à répondre à cette question, parce que c'est variable selon les périodes, et aussi parce que je lis beaucoup moins qu'avant et que je découvre donc très peu d'auteurs ces jours-ci. Du coup, je me retrouve à citer tout le temps les mêmes noms. Stephen King, à qui je dois mon intérêt pour le fantastique à l'adolescence, et que j'ai pas mal relu récemment.
J'ai découvert une richesse et une subtilité que je ne soupçonnais pas : je me rappelais surtout l'aspect horrifique, même si j'ai toujours adoré ses personnages. Or, c'est l'aspect plus "réaliste" de ses textes qui m'intéresse maintenant. Il y a une justesse intéressante dans son regard, et il parle magnifiquement de l'acte d'écriture. Ensuite, Lisa Tuttle, qui a eu une grande influence sur moi quand j'ai commencé à écrire. J'ai découvert en la lisant une approche du fantastique plus psychologique que celle que je connaissais jusque là. Une façon de mettre en scène des fantômes intérieurs - d'une manière plus marquée que chez King,même si, dans le fond, il ne parle pas d'autre chose. Graham Joyce, pour ses personnages, sa façon de décrire les villes et la profonde humanité de son écriture. Et Nancy Huston, parce qu'il y a dans ses livres une grâce inimitable : c'est beau, intelligent et touchant à la fois.
Sinon, je suis en train de dévorer Le Club des petites filles mortes de Gudule, j'avais adoré ses romans fantastiques parus sur le nom d'Anne Duguël, dont certains sont repris dans cet omnibus. Je peux la citer aussi comme un des auteurs m'ayant marquée.
ActuSF : Ceux dont tu te réclames?
Mélanie Fazi : La seule personne dont je me reconnaisse une influence directe, c'est Lisa Tuttle. Raison pour laquelle Serpentine lui était dédié. J'ai lu ses livres à un moment charnière pour moi : je découvrais l'existence d'un fantastique plus subtil et dérangeant que ce que je connaissais jusque là et c'est à ce moment-là que j'ai commencé à écrire. Je lui dois en partie mon intérêt pour la forme de la nouvelle fantastique.
Je crois qu'en écrivant, je cherche à provoquer chez le lecteur ce que j'ai ressenti à la lecture de son recueil Le Nid ou des anthologies Territoires de l'inquiétude qui ont été un autre grand choc pour moi à ce moment-là.
ActuSF : Comment conçois tu ton écriture, dans l'avenir ?
Mélanie Fazi : Difficile à dire. Ma seule certitude pour l'instant, c'est mon envie de continuer à écrire des nouvelles. J'aimerais bien un troisième recueil à plus ou moins long terme. J'ai l'impression qu'il y a eu un malentendu au départ : pas mal de gens attendaient à ce que je continue à écrire des romans, en publiant peut-être un recueil de temps à autre. Alors que j'ai toujours eu les priorités inverses : je veux écrire des nouvelles, et éventuellement passer au roman si l'envie m'en prend de temps en temps. C'est quelque chose que j'ai eu un peu de mal à faire accepter. Peut-être que la publication d'un deuxième recueil rendra les choses un peu plus claires.
Sinon, j'espère bien sûr continuer à progresser, en essayant de ne pas me répéter. Mais je ne sais pas trop comment, pour l'instant.
ActuSF : Quels sont tes projets?
Mélanie Fazi : Pas de projet précis en ce moment, à part l'envie d'un troisième recueil comme je le disais, mais je n'ai pas encore assez de matière. On m'a commandé plusieurs nouvelles récemment, donc je suis en train d'y réfléchir. Mais j'ai du mal à faire de grands projets longtemps à l'avance. J'écris trop peu et j'ai l'inspiration trop capricieuse pour pouvoir me le permettre.
ActuSF : Définirais-tu tes nouvelles comme fantastiques? Quelle est ta définition
du fantastique?
Mélanie Fazi : Pour moi, c'est du fantastique sans le moindre doute possible, même si certains thèmes lorgnent peut-être vers la fantasy urbaine (à travers des références mythologiques notamment). Mais je m'étonne toujours qu'on me pose la question, tellement il n'y a aucune ambiguïté possible à mes yeux. J'ai surtout l'impression que le mot "fantastique" est tabou en ce moment. Du coup, on a tendance à rattacher le fantastique et ses auteurs à la fantasy, plus par réflexe qu'autre chose.Quant à donner ma définition, je parle souvent de "quotidien qui bascule" : un événement déstabilisant qui se produit dans un décorévoquant le monde réel, et qui place les personnages face à leurs failles, à leurs démons intérieurs. Je ne sais pas si ça s'applique à l'ensemble du genre, mais le fantastique qui m'intéresse est là.
ActuSF : Pourquoi écris-tu ?
Mélanie Fazi : De manière assez classique, c'est pour exprimer des choses que je n'arrive pas à dire autrement. Je ne sais pas forcément moi-même de quoi il s'agit, d'ailleurs. Après, le rapport à l'écriture change un peu dès qu'on commence à publier, et surtout dès qu'on commence à nous demander des textes pour des revues ou anthologies. Il faut trouver comment concilier cette demande extérieure avec cette pulsion initiale qui pousse à écrire - et dans certains cas, si le sujet ne me parle pas spécialement, j'en suis incapable.
ActuSF : Nous pouvons terminer par quelques questions du questionnaire de Proust (un classique toujours efficace!) Quelle est ton occupation favorite (en dehors de l'écriture) ?
Mélanie Fazi : En ce moment, la photo.
ActuSF : Que dirais tu à Dieu, si tu te trouvais en face de lui ?
Mélanie Fazi : Je me retrouverais comme une conne à ne pas savoir quoi dire, puisque je n'ai jamais cru en lui (enfin si, quand j'étais petite,mais ça remonte à loin).
ActuSF : Quel est ton juron préféré ?
Mélanie Fazi : Je reste assez classique en la matière. J'aime bien "bordel de merde" par exemple. Sinon, avec des amies, on utilisait pas mal "chienne putride" à un moment donné. J'aime beaucoup.
ActuSF : Quelle est ta devise?
Mélanie Fazi : Jusqu'ici, tout va bien.
Mélanie Fazi : Je n'y ai jamais réfléchi. Ce qui est sûr, c'est qu'on laisse son empreinte sur les lieux dans lesquels on vit. Quand on entre chez quelqu'un, d'un coup d'oeil, on apprend un certain nombre de choses sur cette personne à travers l'ambiance des lieux, la décoration... A partir de là, c'est vrai que c'est séduisant de penser qu'on imprègne les pierres d'un peu de nous-mêmes.
En y réfléchissant, j'ai souvent mis en scène le phénomène inverse dans mes nouvelles, notamment dans celles de Notre-Dame-aux-Ecailles : l'images d'humains qui se métamorphosent en pierre, ou se fondent dans la pierre. Je ne sais pas trop ce qu'il faut en déduire.
ActuSF : Quels sont tes auteurs préférés? Pourquoi ?
Mélanie Fazi : J'ai toujours du mal à répondre à cette question, parce que c'est variable selon les périodes, et aussi parce que je lis beaucoup moins qu'avant et que je découvre donc très peu d'auteurs ces jours-ci. Du coup, je me retrouve à citer tout le temps les mêmes noms. Stephen King, à qui je dois mon intérêt pour le fantastique à l'adolescence, et que j'ai pas mal relu récemment.
J'ai découvert une richesse et une subtilité que je ne soupçonnais pas : je me rappelais surtout l'aspect horrifique, même si j'ai toujours adoré ses personnages. Or, c'est l'aspect plus "réaliste" de ses textes qui m'intéresse maintenant. Il y a une justesse intéressante dans son regard, et il parle magnifiquement de l'acte d'écriture. Ensuite, Lisa Tuttle, qui a eu une grande influence sur moi quand j'ai commencé à écrire. J'ai découvert en la lisant une approche du fantastique plus psychologique que celle que je connaissais jusque là. Une façon de mettre en scène des fantômes intérieurs - d'une manière plus marquée que chez King,même si, dans le fond, il ne parle pas d'autre chose. Graham Joyce, pour ses personnages, sa façon de décrire les villes et la profonde humanité de son écriture. Et Nancy Huston, parce qu'il y a dans ses livres une grâce inimitable : c'est beau, intelligent et touchant à la fois.
Sinon, je suis en train de dévorer Le Club des petites filles mortes de Gudule, j'avais adoré ses romans fantastiques parus sur le nom d'Anne Duguël, dont certains sont repris dans cet omnibus. Je peux la citer aussi comme un des auteurs m'ayant marquée.
ActuSF : Ceux dont tu te réclames?
Mélanie Fazi : La seule personne dont je me reconnaisse une influence directe, c'est Lisa Tuttle. Raison pour laquelle Serpentine lui était dédié. J'ai lu ses livres à un moment charnière pour moi : je découvrais l'existence d'un fantastique plus subtil et dérangeant que ce que je connaissais jusque là et c'est à ce moment-là que j'ai commencé à écrire. Je lui dois en partie mon intérêt pour la forme de la nouvelle fantastique.
Je crois qu'en écrivant, je cherche à provoquer chez le lecteur ce que j'ai ressenti à la lecture de son recueil Le Nid ou des anthologies Territoires de l'inquiétude qui ont été un autre grand choc pour moi à ce moment-là.
ActuSF : Comment conçois tu ton écriture, dans l'avenir ?
Mélanie Fazi : Difficile à dire. Ma seule certitude pour l'instant, c'est mon envie de continuer à écrire des nouvelles. J'aimerais bien un troisième recueil à plus ou moins long terme. J'ai l'impression qu'il y a eu un malentendu au départ : pas mal de gens attendaient à ce que je continue à écrire des romans, en publiant peut-être un recueil de temps à autre. Alors que j'ai toujours eu les priorités inverses : je veux écrire des nouvelles, et éventuellement passer au roman si l'envie m'en prend de temps en temps. C'est quelque chose que j'ai eu un peu de mal à faire accepter. Peut-être que la publication d'un deuxième recueil rendra les choses un peu plus claires.
Sinon, j'espère bien sûr continuer à progresser, en essayant de ne pas me répéter. Mais je ne sais pas trop comment, pour l'instant.
ActuSF : Quels sont tes projets?
Mélanie Fazi : Pas de projet précis en ce moment, à part l'envie d'un troisième recueil comme je le disais, mais je n'ai pas encore assez de matière. On m'a commandé plusieurs nouvelles récemment, donc je suis en train d'y réfléchir. Mais j'ai du mal à faire de grands projets longtemps à l'avance. J'écris trop peu et j'ai l'inspiration trop capricieuse pour pouvoir me le permettre.
ActuSF : Définirais-tu tes nouvelles comme fantastiques? Quelle est ta définition
du fantastique?
Mélanie Fazi : Pour moi, c'est du fantastique sans le moindre doute possible, même si certains thèmes lorgnent peut-être vers la fantasy urbaine (à travers des références mythologiques notamment). Mais je m'étonne toujours qu'on me pose la question, tellement il n'y a aucune ambiguïté possible à mes yeux. J'ai surtout l'impression que le mot "fantastique" est tabou en ce moment. Du coup, on a tendance à rattacher le fantastique et ses auteurs à la fantasy, plus par réflexe qu'autre chose.Quant à donner ma définition, je parle souvent de "quotidien qui bascule" : un événement déstabilisant qui se produit dans un décorévoquant le monde réel, et qui place les personnages face à leurs failles, à leurs démons intérieurs. Je ne sais pas si ça s'applique à l'ensemble du genre, mais le fantastique qui m'intéresse est là.
ActuSF : Pourquoi écris-tu ?
Mélanie Fazi : De manière assez classique, c'est pour exprimer des choses que je n'arrive pas à dire autrement. Je ne sais pas forcément moi-même de quoi il s'agit, d'ailleurs. Après, le rapport à l'écriture change un peu dès qu'on commence à publier, et surtout dès qu'on commence à nous demander des textes pour des revues ou anthologies. Il faut trouver comment concilier cette demande extérieure avec cette pulsion initiale qui pousse à écrire - et dans certains cas, si le sujet ne me parle pas spécialement, j'en suis incapable.
ActuSF : Nous pouvons terminer par quelques questions du questionnaire de Proust (un classique toujours efficace!) Quelle est ton occupation favorite (en dehors de l'écriture) ?
Mélanie Fazi : En ce moment, la photo.
ActuSF : Que dirais tu à Dieu, si tu te trouvais en face de lui ?
Mélanie Fazi : Je me retrouverais comme une conne à ne pas savoir quoi dire, puisque je n'ai jamais cru en lui (enfin si, quand j'étais petite,mais ça remonte à loin).
ActuSF : Quel est ton juron préféré ?
Mélanie Fazi : Je reste assez classique en la matière. J'aime bien "bordel de merde" par exemple. Sinon, avec des amies, on utilisait pas mal "chienne putride" à un moment donné. J'aime beaucoup.
ActuSF : Quelle est ta devise?
Mélanie Fazi : Jusqu'ici, tout va bien.