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ITW de Flavio Troisi
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ITW de Flavio Troisi

Actusf : Pourquoi t’es-tu orienté vers la bande dessinée? Quel a été ton parcours?
Flavio Troisi : La bande dessinée est un moyen d’expression. Quand j’étais un enfant, elle m’a permis de découvrir que, à côté de la réalité, il en existe une autre rêvée, pensée, interprétée et racontée. Une réalité pas moins importante que celle qui est tangible. J’aime les BD autant que les romans, car j’aime les histoires et les émotions qu’ils savent offrir. Un jour, j’ai décidé que moi aussi je pouvais écrire, vivre ces émotions-là de l’intérieur. Il s’agissait d’un projet pas toujours dans mes priorités, mais qui a toujours été présent. Cela m’a permis de connaître des personnes qui éprouvaient les mêmes émotions que moi pour l’écriture et de partager avec eux un parcours de recherche et d’amour pour les histoires. Pendant mes études universitaires, j’ai créé, avec quelques-uns d’entre eux, une revue d’histoires macabres et fantastiques : « Strane Storie »  qui avait une diffusion nationale et a représenté une possibilité tangible pour beaucoup de débutants de talent. Aujourd’hui quelques-uns entre eux sont devenus écrivains, auteurs de BD et illustrateurs.
 
Actusf : Pourquoi scénariste?
Flavio Troisi : Parce que la BD est un des piliers de ma vie, comme les livres, la nourriture, le cinéma, l’amour et beaucoup d’autres choses. La concrétisation est arrivée avec Joseph Vig, un dessinateur qui a beaucoup de talent et qui a eu le courage de se mesurer à quelque chose de nouveau et de le faire avec moi. Je lui en serais toujours reconnaissant. Comment dire non ? Avec lui j’ai eu la liberté d’expérimenter sans barrières. Le premier tome de Mayapan fut l’épreuve. Beaucoup de personnes l’ont jugé obscur et épais. Puis d’autres m’ont dit qu’ils avaient dû le lire deux fois pour bien le comprendre, mais qu’ils avaient aimé cette complexité. Là, je vois que j’ai de la chance. En effet, dans notre travail, le but est que notre partie humaine soit comprise.
 
Actusf : Quelles ont été tes influences de manière générale et pour Les jours du chaos en particuliers?
Flavio Troisi : Il s’agit d’une question difficile. Dans le passé j’étais fan de Stephen King qui fut presque un « parent proche » pendant mon adolescence ! Je lui dois ma vision des histoires. Un autre grand conteur ? Clint Eastwood aussi, sans doute... C’est simplement un géant. Tu vois, dans l’histoire, j’aime les situations extrêmes où l’on peut voir la valeur morale de l’homme. C’est ça la chose la plus importante, le reste a moins d’intérêt pour moi. J’aime l’extrémisme : une situation dans laquelle est difficile de choisir la bonne direction, mais il faut décider et parfois on peut se tromper... Vengeance, justice, survivance, délivrance : des thèmes perpétuels. Les Jours du Chaos qui est avant tout une histoire d’aventure et de fantastique, aborde tout ça. Et je l’espère d’une manière passionnante. On a utilisé tous les éléments que mon esprit trouvait stimulants : atmosphère tendue, un grand héros, un grand amour, une grande cruauté, un peu de humour noir... Mes influences sont exposées aux yeux de tous.
 
Actusf : Pourquoi un album si sombre? Pourquoi débuter une saga par la genèse du méchant?
Flavio Troisi : Sombre ? Certains critiques m’ont surpris. Beaucoup de personnes l’ont trouvé particulièrement sombre. Moi, par contre, je le trouve assez éclatant, on y trouve une envie de délivrance. La vraie lutte doit être sans pitié. Oui, Les Jours du Chaos est sans pitié, mais la nuit précède l’aube, n’est-ce pas ? C’est pour ça qu’on combat. D’autre part, j’adore les histoires violentes !  Le premier tome ne raconte pas la genèse d’un homme méchant, mais celle d’un protagoniste. Ses actions sont féroces, mais je suis sûr que nous aurions fait la même chose à sa place. J’ai de la compassion pour lui. C’est un homme normal assiégé par des forces qu’il ne peut vaincre qu’en sacrifiant la meilleure partie de lui-même.
 
Actusf : Comment l’histoire va-t-elle évoluer dans les prochains tomes?
Flavio Troisi : Avec violence et poésie.
 
Actusf : Comment se passe la collaboration avec VIG?
Flavio Troisi : On commence, Joseph et moi, en parlant des traits généraux et on cherche le sujet principal de l’histoire. Puis je m’occupe de la création de l’intrigue et je lui propose. Mon but est que chaque détail lui donne la même émotion qu’à moi. Si ça arrive, j’écris une synthèse de l’histoire dans laquelle chaque scène est exposée en forme de récit, avec les dialogues et les descriptions qui, à ma grande surprise, émergent tout seuls. D’habitude, on se prend encore du temps pour réfléchir avant que j’écrive le scénario. Joseph, dans ses dessins, suis mes instructions, mais quelques fois il me propose des solutions alternatives, souvent meilleures que les miennes ! D’autres fois, c’est moi qui lui conseille des modifications. En tout cas, on parle et on décide ensemble. On travaille ensemble avec ouverture d’esprit mutuelle. Pas d’ego, c’est l’album qui est important.
 
Actusf : Comment avez vous construit l'ambiance de l'album?
Flavio Troisi : Après les 2 tomes de Mayapan – série située dans un univers hyper-technologique, super-architectural et claustrophobique, on a eu envie de grands espaces. Si on met un personnage sur un navire, on aura « un homme de la mer » ; dans une métropole, « un homme de la ville » ; dans la forêt, « un homme de la forêt », et ainsi de suite. Le milieu connote le personnage, lui donne un rôle. A mon avis un personnage qui se trouve dans le désert (soleil, ciel, terre et rien d’autre) se distingue en tant que « homme ». Pas de superstructures sociales et culturelles. C’est plus facile de montrer les aspects de notre nature qui nous rendent différents des autres animaux. Seulement cela m’intéresse, le reste arrive de conséquence, avec une touche de western.
 
Actusf : Pourquoi sortir cet album en France? Quelle est la situation en Italie ?
Flavio Troisi : Créer des BD en Italie a toujours été plus difficile, surtout pour ceux qui ne se reconnaissent pas dans les standards d’éditions qui ont perdu beaucoup de lecteurs. La BD en Italie est en crise. Beaucoup d’auteurs publient dans votre pays, où la culture des BD et, en général, de la lecture, ont une constitution plus robuste. Joseph et moi nous admirons la situation des BD françaises, les éditeurs et les lecteurs, et Vent d’Ouest s’est laissé séduire par notre projet. Ils nous ont dédié une attention et un professionnalisme particuliers, rares à obtenir en Italie, sauf quelques exceptions.
 
Actusf : Comment présenterais-tu l'album à quelqu'un qui ne l'aurait pas lu ?
Flavio Troisi : ... Je lui dirais de lire ta critique !

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