Actusf : Bonjour Julien et merci de prendre le clavier pour répondre à nos questions ! Pouvez-vous tout d’abord vous présenter pour nos lecteurs ?
Julien Schneider : Je suis formateur en MFR, mais comme ce n’est pas forcément intéressant ici (même s’il faut bien manger), je suis aussi auteur. J’écris depuis mes quinze ans, principalement influencé par Stephen King, Ray Bradbury, Terry Pratchett, David Gemmel... A 38 ans maintenant, je vis avec ma fille à Saint Étienne.
Actusf : Vous sortez début février votre premier roman dans la collection Kabuto chez Ogmios, Le Seigneur maudit, premier opus d’une trilogie se déroulant dans un Japon médiéval fantastique, empli de kamis, de samouraïs et d’intrigues. Comment ce projet est-il né ? Quelle est sa genèse ?
Julien Schneider : Ce n’est pas une origine très joyeuse… Je venais d’apprendre qu’on allait perdre notre bébé, moment que je partage dans le livre en le romançant. J’avais envie de me défouler. J’ai écrit une nouvelle qui se voulait réaliste et, je ne sais pas pourquoi, j’ai eu envie d’y ajouter une petite pincée de fantastique, comme ça, à la fin. Au final, la nouvelle ne m’a pas suffi, il m’en fallait plus. Et je trouvais que cette nouvelle m’offrait une bonne piste. J’ai étoffé l’histoire petit à petit et me suis retrouvé avec une trilogie…
Actusf : Est-ce difficile, pour un premier roman, de commencer par une trilogie ? Comment le découpage du texte s’est-il effectué ?
Julien Schneider : Avant ça, je n’avais écrit qu’un seul roman et bon nombre de nouvelles. Le concept de trilogie s’est imposé petit à petit. Au milieu du premier tome, je me suis dit que l’histoire ne pouvait pas finir là et j’ai commencé à ruminer l’histoire du deuxième pour lancer quelques pistes dans ce que j’écrivais. Quand j’ai eu le squelette du deuxième tome en tête, je me suis aperçu qu’il me faudrait un troisième opus pour clore l’intrigue… Ça m’a permis d’installer des allers-retours entre les trois tomes, de construire une certaine montée en puissance et de donner des thèmes à chaque ouvrage pour leur donner à chacun une patte bien particulière.
Actusf : Pouvez-vous nous présenter les protagonistes principaux du roman, notamment Takeshi, détenteur d’un sabre aux propriétés plus qu’étranges… ?
Julien Schneider : Takeshi est un guerrier jeune mais déjà amer. Depuis la mort de son maître, il subit l’influence de son sabre, un sabre dont on a oublié les origines et qui le pousse à combattre. La lame, au premier abord trop longue pour un combattant à pieds, absorbe le sang de ses adversaires et s’en nourrit. Takeshi, formé aux arts samouraï, accepte son fardeau malgré sa sensibilité et enchaîne les contrats pour calmer la soif de combats de son arme.
Akira est l’ancien frère d’armes de Takeshi, formé par le même professeur. Ce dernier lui a trouvé une place dans le château d’un seigneur, mais cette vie paisible a endormi ses instincts de guerrier. Il est parti « à l’aventure », à la manière d’un personnage de théâtre et a été engagé en tant qu’homme de main par Mariko. Il croise la route de Takeshi, ce qui va lui permettre de retrouver d’anciens réflexes…
Mariko est une jeune noble qui, selon ses dires, a été spoliée de son fief. Malgré ses pouvoirs et sa fierté, elle se sait trop faible pour parcourir le chemin jusqu’au château et renversé le daimyo en place. Elle engage donc Akira pour l’y emmener. En croisant le chemin de Takeshi, elle reconnait son talent et lui propose de les accompagner en échange d’informations sur son sabre.
Et enfin Hino, le seigneur maudit, sorcier qui tire sa puissance d’une sphère magique qu’il semble le seul à savoir manipuler. Conscient des possibilités que lui offrent ses pouvoirs, il planifie de renverser l’Empereur et le shogun pour régner sur le Japon. Il sait que le petit groupe se dirige vers lui, mais ignore leurs réelles motivations…
Vous croiserez aussi la route d’Umeo, jeune gamin des rues qui semble avoir quelques dispositions aux arts guerriers, et de Murazaki, une mage aux pouvoirs qui la dépassent encore…
Actusf : D’où vous vient cette connaissance mais également cette passion pour le Japon ? On retrouve une ambiance très cinématographique dans ce premier tome, le cinéma japonais est-il une source d’inspiration pour vous ?
Julien Schneider : Mon intérêt pour le Japon est d’abord né à travers les arts martiaux. J’ai passé plus d’une vingtaine d’années sur les tatamis entre le judo, le jiu jitsu et l’aïkido. Cette pratique m’a amené à m’intéresser à la culture de ce pays : la langue (un peu), la littérature, le théâtre et le cinéma. Les films d’Akira Kurosawa ont eu beaucoup d’impact sur moi, en particuliers les films de samouraïs avec Toshirô Mifune. Sanjuro, reste pour moi une véritable référence en la matière. J’ai caché plusieurs clins d’œil dans les trois romans à ce type de films.
Actusf : Il est également beaucoup question du théâtre nô et d’arts martiaux dans ce titre. Quelles recherches avez-vous fait sur ces sujets ? Est-ce un thème qui reviendra dans les tomes suivants ?
Julien Schneider : Si on pratique les arts martiaux sans lire les ouvrages de référence comme Le Traité des cinq roues de Myamoto Musashi, on passe à côté de beaucoup de choses. Je me suis servi des conseils et des réflexions de ces auteurs pour construire mes personnages. Les ouvrages de Jean Lucien Jazarin sont très utiles pour permettre aux occidentaux de saisir l’état d’esprit japonais sur un tatami et, par extension, dans la voie du sabre.
Concernant le nô, je l’ai étudié à l’université pour rédiger mes deux mémoires principaux. Les liens avec les arts martiaux y sont évidents (j’en explique certains, bien sûr), mais c’est surtout la poésie qui s’en dégage qui m’a donné d’autres sources d’inspiration. Ce théâtre, c’est la base shinto du Japon avec Le Dit du Genji. Moins connu et moins populaire que le Kabuki, il m’a permis d’avoir un point de vue original sur ce pays.
Actusf : Que pouvez-vous nous dire, sans spoiler, de la suite des aventures de cette troupe éclectique ?
Julien Schneider : C’est un peu dur à expliquer sans trop en dire, mais certains personnages de cette troupe vont voir cette aventure prendre des tournures auxquelles ils ne s’attendaient pas. Ils vont s’enfoncer, petit à petit, dans les racines mythiques du pays. Je n’ai aucune prétention historique dans cette trilogie, mais je me dis que si j’ai pu y apporter ma petite pierre, une autre vision de son évolution, j’aurais réussi quelque chose.
Actusf : Un mot sur le travail des couvertures de Paul Shut ?
Julien Schneider : Juste bluffant. Ces couvertures dégagent vraiment les choses essentielles pour chacun des tomes. Je trouve aussi qu’on y perçoit vraiment sa patte. Ce sont des œuvres à part entière avec un visuel très bien travaillé. Je suis ravi d’avoir la chance de les voir sur mes trois tomes.
Actusf : Avez-vous des conseils de lectures, asiatiques ou non, à conseiller à nos lecteurs ?
Julien Schneider : Personnellement, j’ai surtout apprécié les ouvrages de Natsume Soseki, de Botchan à Le pauvre cœur des hommes. Pour quelques chose de plus moderne, Une voix dans la nuit de Yasushi Inoué et Le Maître ou le tournoi de go de Yasunari Kawabata sont d’excellents moments pour saisir le décalage de la pensée nippone dans notre monde moderne. Pour les cinéphiles, Comme une autobiographie d’Akira Kurosawa est rempli de petites anecdotes très intéressantes.
Pour quelque chose de plus occidental, je vous conseille de regarder les écrits de Guillaume Beck et de Romain d’Huissier (oui, tant qu’à faire, je parle des copains, mais c’est sincère !). Après, je suis un partisan des grands classiques : Légende de David Gemmel, Roublard de Terry Pratchett, Leviathan 99 de Ray Bradbury… Et, pour changer un peu, Altered Carbon de Richard Morgan.
Actusf : Pourra-t-on vous retrouver en salons ou dédicaces prochainement ?
Julien Schneider : Sauf erreur, je devrais être présent aux Imaginales d’Épinal du 14 au 17 mai 2020. D’autres peuvent s’y ajouter entretemps…