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Dossier René Réouven

Francis Berthelot ( Auteur), Olivier Girard (Redacteur en chef), Christophe Lambert ( Auteur), Nicolas Fructus (Illustrateur de couverture), Georges Panchard ( Auteur), Lucius Shepard ( Auteur), Bifrost ( Auteur), Jean-Pierre Lion ( Auteur)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2005  -  livre
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L'Edito N°40

La science-fiction ne se porte pas si mal, merci pour elle. Je me souviens d’une petite conversation que j’ai eue l’année passée avec Ayerdhal, à Nantes, lors des Utopiales, au cours de laquelle ce dernier me faisait un tableau alarmé et alarmiste de l’état de la S-F en France, déplorant, non sans raison mais de manière excessive, l’extrême rareté des inédits en 2004 (il omettait dans ses calculs le travail mené par certains petits éditeurs, le Bélial’ notamment, mais passons…), affirmant que, pour lui, le genre était mort, entre autres tué par la surabondance de fantasy en librairies. Ayerdhal me promettait d’ailleurs à ce sujet un discours tonitruant lors de la remise de son Grand Prix de l’Imaginaire, discours dont on parlerait longtemps — on sait ce qu’il en advint : un truc sans queue ni tête totalement incompréhensible, mais quoi, talent d’écrivain ne rime pas forcément avec aisance orale, suffit pour s’en convaincre d’écouter parler Michel Houellebecq… Morte, la S-F ?

Ce discours n’est pas nouveau. Pour de toutes autres raisons, Francis Valéry, dans son guide Passeport pour les étoiles (Folio « SF »), affirmait que « peut-être faudra-t-il s’habituer à l’idée que la S-F s’éteint avec lui [le XXe siècle] en tant que genre autonome. » Propos qui furent repris un temps par Gilles Dumay. Toutefois, dès le mois d’avril dernier, je notais ici même, dans l’édito de notre trente-huitième opus, les prémisses d’un changement. Car si la fantasy continue de produire à tour de bras, sous l’influence d’un certain nombre d’éditeurs, au premier rang desquels Bragelonne pour le grand format et J’ai Lu pour le poche (suivent en bonne place Mnémos, l’Atalante, Nestiveqnen, l’Oxymore et compagnie, sans parler de Calmann-Lévy, dont on attend les trois premiers titres d’un jour à l’autre), on constate en cette déjà presque fin d’année 2005 qu’en réaction, la S-F tire son épingle du jeu, et de jolie manière, y compris du côté des auteurs francophones. Outre les effets de mode et une rentrée littéraire marquée au sceau du domaine (le dernier Houellebecq, auteur qui a tout de même revendiqué publiquement l’appartenance de La Possibilité d’une île au corpus S-F — d’où l’ire de l’académicien Angelo Rinaldi, clamant dans les pages du Figaro que « le recours à la science-fiction, c’est déjà un signe de faillite chez un romancier » —, ou encore les romans de Dantec ou Nothomb), on constate deux choses. D’abord, que les chiffres de ventes de la fantasy se tassent de manière assez globale. Le temps où n’importe quelle croûte estampillée « épées et dragons » vendait 5000 semble pour l’heure révolu. D’autre part, l’inédit en science-fiction est réapparu sur les tables des libraires. Petite recension non exhaustive pour 2005 : Permanence de Karl Shroeder, Forteresse de George Panchard, Le Dernier homme de Margaret Atwood, la fin du cycle de « ProbabilityLa Brèche de Christophe Lambert, l’anthologie La Machine à remonter les rêves, Days de James Lovegrove, La Femme sans nombril de Michel de Pracontal, Le Temps du voyage de Roland C. Wagner, Meddik de Thierry Di Rollo, L’Ecorcheur de Neal Asher, Mondes et démons de Juan Miguel Aguilera, La Séparation de Christopher Priest, l’anthologie Les Passeurs de millénaires, Evolution de Stephen Baxter, Le Monde tous droits réservés de Claude Ecken, Le Temps n’est rien d’Audrey Niffenegger, Chromozone de Stéphane Beauverger, Furies déchaînées de Richard Morgan, Chroniques de l’inquisition de S. P. Somtow, Les Iles du Soleil de Ian R. MacLeod, Les Scarifiés de China Miéville, La Vitesse de l’obscurité d’Elizabeth Moon, l’anthologie de Thomas Day Les Continents perdus, Soleil ascendant de Catherine Asaro, Les Diables blancs de Paul McAuley… Et puis, pour les titres à paraître avant la fin de l’année : Aztechs de Lucius Shepard, Vénus de Ben Bova, L’Etoile de Pandore de Peter F. Hamilton, l’anthologie Moissons futures, Ça ressemble à l’immortalité de Catherine Dufour, Le Gouffre de l’absolution d’Alastair Reynolds, Le Livre des Ombres de Serge Lehman, Crépuscule d’acier de Charles Stross… Bref, pas la ruée, certes, mais du grain à moudre pour l’amateur de science-fiction, avec une bonne représentation des auteurs francophones, des anthologies inédites, des recueils, des inédits en poche, tant chez Pocket que Folio « SF » (peu, mais tout de même), et surtout un niveau de qualité global assez satisfaisant. Par ailleurs, si on en croit les éditeurs « sondés », les ventes suivent, notamment sur les francophones. S’il n’y a pas là de quoi pavoiser, on remarquera toutefois, comme nous le supposions en nos pages il y six mois, que le recentrage éditorial de la production de genre vers la fantasy a bel et bien libéré des espaces pour la S-F — une production quantitativement faible signifie des ventes au titre meilleures. Ça ne durera pas. Les éditeurs dont le bouquin préféré est leur relevé de ventes ne tarderont pas à réagir en basculant une part de leur production fantasy vers la S-F, voire à produire autant de S-F que de fantasy, ce qui nous ramènera bien vite vers la catastrophe. Reste que pour l’heure, 2005 ne fut pas une année si noire que ça pour la S-F, loin s’en faut… Morte, la S-F ? Certes non, n’en déplaise à certains gros cons du Figaro.

Quelques mots, pour finir, sur le sommaire du présent numéro. Il y a quatre ans, presque jour pour jour alors que j’écris ces lignes, se déroulaient les dramatiques événements du 11 septembre 2001. Le sommaire du présent Bifrost, qui propose une majorité de textes marqués par la violence et la guerre, dont deux récits, ceux de Lucius Shepard et Christophe Lambert, sur le 11 septembre en question, se veut un hommage et une réflexion sur ce triste événement. A ce titre, le texte de Lucius Shepard, auteur américain, donc, est des plus poignants.

Enfin, un salut en guise d’in memoriam, à Daniel Riche bien sûr, qui fut un temps rédacteur en chef de Fiction, mais aussi des revues Science-fiction chez Denoël et Orbites chez Néo, directeur de collections au Fleuve Noir, scénariste et anthologiste (il réalisa plusieurs « Livres d’or », et on se souvient de l’excellent Futurs antérieurs paru en 1999). Il avait 56 ans, et la science-fiction perd avec lui l’un de ses plus ardents promoteurs.

Ce numéro 40 est pour lui…

Olivier Girard

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