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La 1er fois de Li Cam - Francis Berthelot - Xavier Mauméjean - Anne Guéro
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La 1er fois de Li Cam - Francis Berthelot - Xavier Mauméjean - Anne Guéro

Li Cam

Actusf : Racontez-nous comment vous avez publier votre premier texte professionnel ? Comment avez-vous rencontré l'éditeur ? Est-ce que cela a été difficile ? De quel texte s'agissait-il ? Avez-vous mis longtemps à publier ce premier récit ? Quels souvenirs gardez-vous de cette aventure ?
Li Cam : Ma première publication professionnelle en tant que nouvelliste est peu conventionnelle, je pense.  Il s'agit d''Alice en son for intérieur', une nouvelle graphique publiée chez Organic Editions.

Avant d'être une maison d'édition, Organic était un label musical, créé en 1986. Je faisais partie du groupe musical IAV, produit par Organic dans les années 90.
Bruno Leray, l'artiste qui a assuré la partie graphique d'Alice en son for intérieur, faisait des pochettes pour le label. Nous nous sommes rencontrés à cette occasion et sommes devenus amis. Début 2004, Bruno a émis le désir de me faire participer à une exposition d'autoportrait "distordus", j'ai écrit des poèmes pour illustrer avec mes mots ses dessins. C'était le début de la genèse de "Tête à tête", la deuxième nouvelle graphique que nous avons élaborée ensemble. Organic et le Studio desperado ont tout de suite été séduit par notre démarche, mais ils ont souhaité que nous fassions nos armes sur un premier ouvrage "test". Celui-ci ayant répondu aux attentes en terme d'accueil, Tête à tête a pu voir le jour et la décision a été prise de lancer une collection permettant à des auteurs et des plasticiens de générer des univers en commun, collection dont j'assure aujourd'hui la direction littéraire.
 
En tant que romancière, mon parcours a été plus conventionnel. Je viens de publier mon premier roman, "Lemashtu" chez Griffe d'Encre.  J'avais publié en janvier 2005 une nouvelle se déroulant dans l’univers de Lem  dans le n°1 de Khimaira. Menolly figurait elle aussi au sommaire. Nous ne connaissions pas, Menolly et moi, mais avions beaucoup apprécié chacune la nouvelle de l’autre. Nous l'étions dit sur un forum. En 2006, quand Menolly a créé Griffe d'Encre avec Magali Duez et Karim Berrouka, j'ai participé au premier AT (« La Petite Fille au coeur de marbre » dans « Ouvre-toi ! »), puis j'ai envoyé mon premier roman dans la foulée, car la qualité du travail de Griffe d'Encre m'avait convaincu. De plus, j'avais confiance en Menolly, puisque je savais qu'elle appréciait sincèrement mon travail.
 
Actusf : Quelle réaction avez-vous eu en voyant votre nom pour la première fois sur le livre, la revue ou l'anthologie concernées ?
Li Cam : Un sentiment complexe.  C'est d'abord difficile de réaliser quand un rêve devient réalité. On a tendance à ne pas y croire. Quand j'ai enfin réalisé, je me suis senti heureuse et  fière, mais très vite j'ai ressenti la crainte de ne pas être à la hauteur de la confiance accordée. J'ai eu du mal à m'assumer vraiment en tant qu'auteur. Je ne me fais pas confiance ^^.
 
Actusf :
Et si c'était à refaire, vous recommenceriez les mêmes débuts ?
Li Cam : Je referais exactement la même chose. Je suis heureuse d'avoir été à l'origine de la belle collection "Petite Bulle d'Univers". C'est une de mes plus grandes fiertés.
Et pour "Lemashtu", la prunelle de mes yeux, je ne pouvais rêvé maison plus chaleureuse et engagé auprès de ses auteurs que Griffe d'Encre.
Je suis comblée.

 

Francis Berthelot : 

Mon premier texte publié a été un roman, La Lune Noire d'Orion (Calmann-Lévy, "Dimensions", 1980). Mais s'il fait ainsi figure d'opus 1, il y a eu un opus 0, La Musique insurgée, qui m'a servi à la fois de bélier et de kamikaze pour ébranler le lourd portail de l'édition. Pour un premier roman, il était assez ambitieux : trois histoires distinctes mais reliées s'y imbriquaient, avec un même héros –  contemporain – projeté dans le passé et dans le futur. Dès qu'il a été terminé, je l'ai envoyé à tous les éditeurs publiant de la SF. En même temps, j'ai commencé à travailler sur La Lune Noire d'Orion. Un réflexe salutaire : quand les premières lettres de refus sont arrivées, l'écriture en était déjà bien avancée et cela m'a aidé à les encaisser. Pour me soutenir le moral, je relisais également la préface de Jane Eyre où Charlotte Brontë racontait l'échec de son premier manuscrit, Le Professeur, qu'elle avait tenté de publier sous le pseudonyme de Currer Bell : "Le livre de Currer Bell n'a trouvé accueil nulle part, aucun mérite ne lui a été reconnu ; aussi, quelque chose comme le froid du désespoir a commencé à envahir son cœur". Je me disais que si cette grande dame avait survécu à cette épreuve, je devais m'armer de courage : je finirais bien par y arriver !

En fait, trois des éditeurs qui m'ont refusé ce manuscrit ont mis un bémol à leur réponse : si ce texte avait trop de défauts pour qu'ils l'acceptent, ils lui trouvaient assez de qualités pour s'intéresser à moi et souhaiter que je leur porte le suivant. Il s'agissait de Robert Louit (Calmann-Lévy), Elisabeth Gille (Denoël) et Gérard Klein (Laffont). Donc, une fois La Lune Noire d'Orion achevée, je les ai contactés directement et leur ai remis ce nouveau texte. Le contact a été cordial, surtout avec Robert et Élisabeth. Robert m'a demandé qui étaient mes écrivains de référence, s'attendant à ce que je lui cite des auteurs de SF : en premier lieu, j'ai nommé Emily Brontë, ce qui l'a beaucoup surpris. Ont suivi Dickens et Dostoïevski ; là, le ton était donné et la glace rompue ! Les réponses sont venues assez vite. Élisabeth et Robert ont discuté ensemble des modifications qui leur semblaient nécessaires. Finalement, c'est Robert qui l'a accepté, en me signalant certains défauts d'écriture assez simples à corriger. Après quoi, il a troqué la casquette de juge pour celle d'avocat, et défendu le manuscrit devant le directeur de Calmann-Lévy. Et l'affaire a été entendue.

La correction des épreuves a été, comme il se doit, une… épreuve. D'autant plus que certains chapitres avaient été inversés. D'où l'angoisse de voir le roman paraître avec lesdits chapitres dans le désordre. Quand je l'ai eu entre les mains, ma première réaction a été de m'assurer qu'ils avaient bien repris leur place. C'était le cas, ouf ! Ensuite, j'ai été heureux de trouver une couverture conforme à ce que j'avais souhaité. Voir mon nom dessus, en revanche, ne m'a pas autrement ému. Mais découvrir le livre dans la vitrine d'une librairie du boulevard Saint-Germain, alors là… waoh !

Si je devais recommencer ? Je ne changerais rien. L'attente a été longue : mais débarquer du jour au lendemain dans le milieu SF avec un roman publié dans l'une des trois meilleures collections de l'époque, je n'aurais pas pu rêver mieux !

Xavier Mauméjean : 

Je garde un souvenir attendri de ma première fois, et tant pis pour les blagues faciles. Contrairement à l’autre, je n’en faisais pas tout un cinéma, vu que c’était le cadet de mes soucis jusqu’à ce le fait s’impose, comme une évidence. La première phrase m’est venue d’un coup, genre épiphanie mais avec une répétition dès le premier paragraphe. C’était ça ou rien, donc j’ai pris, ou plutôt je me suis fait prendre. Et ça coulait comme une sinusite, directement du cerveau. Pas d’affect, juste un boulot passionnant, j’avais déjà les torts du métier sans en goûter les avantages. Le tout, écrit dans l’ordre de narration, sans avancer tant que la page n’était pas au point (je m’étais bricolé mes propres critères). Je me suis retrouvé avec un tas de papelards qui est devenu une ramette. Le tout a été balancé aux éditeurs, après quoi j’ai déménagé. On m’accordera que, réaliste, je n’ai pas fait part de mon changement de domicile à la place de Paris. De plus, pour faciliter les choses, j’étais sur liste rouge. Pas grave, ils m’ont retrouvé. Dans ma lettre d’accompagnement j’indiquais que j’étais prof, et le colis venait du Nord. Le détective alloué à chaque éditeur (ce n’est pas une légende urbaine, la preuve il est très discret, je n’en ai jamais vu un), m’a identifié via le rectorat. Cinq mois après le premier envoi, on me filait un prix sur manuscrit, de l’argent, mais je devais envoyer ma photo. Le deal me semblait correct. Puis je me suis rendu chez l’éditeur et ai trouvé des gens charmants, un vrai conte de fées sans caméra cachée. On m’a fait savoir qu’un auteur avait toute sa vie pour écrire son premier roman, six mois pour rendre le suivant. Je suis donc rentré chez moi et j’ai écrit un deuxième bouquin, que j’espérais n’être pas le second. Et puis ce truc personnel est devenu collectif, j’ai rencontré des gens que j’aime, et ai enfin compris les desseins du Seigneur : s’Il m’avait fait insomniaque, c’était précisément en vue de ce taf.

Anne Guéro :

Actusf : Racontez-nous comment vous avez publier votre premier texte professionnel ? Comment avez-vous rencontré l'éditeur ? Est-ce que cela a été difficile ? De quel texte s'agissait-il ? Avez-vous mis longtemps à publier ce premier récit ? Quels souvenirs gardez-vous de cette aventure ?
Anne Guéro : Gérard et moi (Ange est un pseudo commun, constitué de ANne et GErard) passions notre belle jeunesse à sécher les cours, jouer au jeux de rôle et fréquenter une boutique parisienne de comics américains qui s'appelait Déesse. Un jour, un copain d'un copain d'un copain propose à notre "bande" d'écrire un "Livre dont vous êtes le héros", dont c'était la grande mode à l'époque. Il nous promet que le livre une fois écrit sera édité. Toute notre bande se met donc au boulot - et à la grande surprise du copain du copain du copain - nous l'écrivons, de A à Z, et dans les délais. Il s'avère que le type n'avait aucune intention de le publier... c'était une blague, une espèce de règlement de compte entre lui et un autre de notre "bande" d'amis... Mais bon, j'avais 19 ans, et Gérard 21... donc pendant toute l'écriture de ce livre, nous racontions à tout le monde que nous écrivions. Que nous étions des "auteurs". Et dans la boutique de comics où nous passions notre vie, un dessinateur de BD nous a entendu... et comme il avait du mal à terminer son scénario de "BD dont vous êtes le héros" pour les Editions Glénat, il nous a demandé de l'aider.

Et voilà comment notre première BD a été publiée... Il s'agissait de la BD "Les Crocs d'Ebène", aux Editions Glénat. (Notre pseudo de l'époque était G.E.Ranne.)

Actusf : Quelle réaction avez-vous eu en voyant votre nom pour la première fois sur le livre, la revue ou l'anthologie concernées ?
Anne Guéro : A la sortie, nous étions bien sûr hystériques de joie... et absolument scandalisés quand nous nous sommes aperçus que certaines librairies en avaient commandé... une ! Le monde cruel de la distribution était encore à découvrir... Pendant longtemps - cette BD plus deux ou trois autres - à chaque fois que nous entrions dans une librairie ou à la FNAC, nous prenions nos BD et nous les étalions sur toutes les autres piles...

Actusf : Et si c'était à refaire, vous recommenceriez les mêmes débuts ?
Anne Guéro : Oui... c'est un début amusant, parce que nous ne sommes pas passés par la phase - longue et désespérante - de proposer nos textes à un éditeur. Il y a eu une rencontre, une opportunité à saisir... et beaucoup, beaucoup de hasard et de chance! Mais l'histoire de la fausse commande du "livre dont vous êtes le héros" est une bonne illustration d'un principe qui s'est toujours vérifié dans notre carrière : il n'y a pas, ou très peu, de travail perdu. Un projet qui ne marche pas va amener une rencontre, une réputation, une idée... ou va être publié des années plus tard... L'article que vous pensiez n'avoir été lu par personne va en vérité avoir été parcouru par un éditeur, qui, dix ans plus tard, se rappellera de vous à cause de lui... La BD qui ne s'est pas vendue aura été lue par un dessinateur génial qui voudra travailler avec vous sur un tout autre projet... Notre carrière a commence sur quelqu'un qui voulait nous faire une mauvaise blague! Avec un début pareil, on ne peut-être qu'optimiste!

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